Calais | Un homme condamné à 8 ans de prison pour viol incestueux et atteintes sexuelles

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« Il ne peut pas y avoir de consentement avec une fillette de 10 ans! »
Au deuxième et dernier jour du procès d’un Calaisien jugé pour viol incestueux et atteintes sexuelles, la cour d’Assises de Saint-Omer a tenté de déterminer les ressorts du passage à l’acte. Le jury a finalement dépassé les réquisitions de l’avocat général.

Le jargon policé des experts psychiatres est parfois plus insultant que les invectives des réseaux sociaux.

Comme quand l’un d’eux décrit la « pauvreté intellectuelle » de l’accusé.

Car à l’heure de le juger pour des faits de viol incestueux et d’atteinte sexuelle sur une amie de la famille, il est beaucoup question de son passé, avec en toile de fond les lancinantes questions: qu’est-ce qui l’a poussé au passage à l’acte pédophile ? L’a t-il franchi consciemment, ou a t-il pris conscience de l’horreur de l’acte après coup? Et avons-nous affaire à un pédophile qui a lui-même été, comme très fréquemment, victime d’attouchements ou de viols dans son enfance?

Me Lebas, avocat de la défense déclare:

« Ce n’est pas un pédophile dans le sens de Dutroux. (…) C’est une victime qui a fait des victimes! »

L’accusé n’aide pas beaucoup à comprendre.

Tout au long des deux jours de son procès, il aura eu des réponses en mode binaire, « oui » et « non », à moins de répéter simplement la dernière phrase du président.

Et il suffira à ses interlocuteurs, notamment l’avocate de la partie civile, Me Znaidi, de lui mettre un peu la pression pour que ses « non » deviennent rapidement des « oui »…

Et inversement. Les témoignages des proches et des experts permettent d’entrevoir en tout cas que la pauvreté était omniprésente dans la vie de cet homme.

Pas la pauvreté financière en tant que telle: employé à la mairie de Calais, ses 1600 euros mensuels n’ont jamais été mangés par de lourdes dettes.

Mais son enfance révèle une pauvreté affective vertigineuse  : un père qu’il n’a jamais connu, une mère qui refait sa vie avec un autre, mais ce nouveau beau-père ne sera pas un papa de substitution.

Dans un des rares moments où il s’épanche devant la cour, l’accusé lâche:

« Quand mon demi-frère est né, il m’interdisait de l’approcher »

Quand son beau-père et sa mère se disputent, il trouve refuge chez ses grands-parents, où il tombe, d’après son récit, sur pire encore: c’est son grand-père qui l’aurait alors violé à plusieurs reprises.

Juges, enquêteurs, avocats et experts s’écharpent sur ce point : quelle crédibilité accorder à cette accusation de viol ?

Le président de la cour d’Assises relève bien que « 80 % des pédophiles ont été eux-mêmes abusés dans leur enfance », et que c’est peut-être une piste d’explication.

Le syndrome de l’enfant battu ?

Mais du côté de la famille et des parties civiles, comme des enquêteurs, on n’en croit pas un mot, d’autant que l’accusé n’en a jamais parlé, avant d’être placé en garde-à-vue.

Mais pour l’avocat de la défense, Me Lebas, et pour la psychiatre qui l’a suivi depuis que les faits ont été révélés, c’est tout à fait crédible:

 « On le dit d’intelligence modérée, on parle de pauvreté intellectuelle, qu’il n’est ni manipulateur ni pervers. Il aurait pu inventer cette histoire? Quand il s’est confié là dessus, il l’a fait avec beaucoup d’émotion et de spontanéité: s’il ment, il faut l’oscariser! »

Et, s’appuyant toujours sur les dires des psychiatres, il estime que c’est l’immaturité qui explique le passage à l’acte de son client:

« Une personne immature a conscience de l’interdit, mais ne comprend pas pourquoi c’est mal. Mais on n’a pas un pédophile dans le sens de Dutroux. Lui, c’est de fil en aiguille qu’il en vient aux actes, à partir de jeux qui n’étaient pas conçus à l’origine pour en arriver au sexe. C’est une victime qui a fait des victimes! »

Évidemment, ce point de vue n’est pas entendable pour l’avocate de la Partie civile, Me Znaidi.

Elle parle d’un « pédophile opportuniste », certes pas d’un prédateur à la Dutroux, mais un manipulateur tout de même, avec ses jeux qui finissent par des attouchements.

L’avocat général déclare:

« Il ne peut pas y avoir de consentement avec une fillette de 10 ans! Oui, il a eu une enfance difficile, mais il n’est pas le seul dans ce cas ! »

 

L’avocat général partage ce sentiment à l’heure de prendre ses réquisitions:

« Cette notion de progressivité dans les actes est typique des agresseurs sexuels. Sur la matérialité des faits, pas de difficulté: il a tout reconnu, ou presque. »

En tant que représentant de la société, il doit rappeler quelques règles de base:

« Il ne peut pas y avoir de consentement avec une fillette de 10 ans! »

Quant au passé de l’accusé, il explique peut-être certaines choses mais n’excuse rien, d’après lui:

« Oui, il a eu une enfance difficile, mais il n’est pas le seul dans ce cas ! »

Enfin et surtout, il n’aime pas beaucoup que l’accusé cherche encore à diluer ses excuses, 13 ans après s’en être pris à sa fille et trois ans après la seconde victime:

« Il y a une ambiguïté chez lui qui me dérange, c’est cette façon de s’abriter derrière ses fragilités. On sent d’ailleurs qu’il sait très bien qu’il a bravé l’interdit : il a d’ailleurs fait une tentative de suicide, mais c’était après que l’affaire a éclaté, au moment où il sentait l’étau de la Justice se refermer sur lui… »

Il requiert 6 ans de prison, l’inscription au fichier des délinquants sexuels, 5 ans d’obligation de suivi socio-judiciaire.

L’accusé parle en dernier, répète ses excuses et regrets déjà formulés au premier jour du procès.

Avant d’attendre, dans une pièce gardée par les policiers, que jurés et magistrats statuent sur son sort…

Ce sera la prison : après délibéré, le jury a dépassé les réquisitions de l’avocat général avec 8 ans de prison ferme.

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