Bourg-en-Bresse | Manipulateur, prédateur et récidiviste

Pendant trois ans, une adolescente a été régulièrement violée, sexuellement agressée, et violentée par un beau-père manipulateur. Un drame de la récidive lourdement condamné par les jurés.

Quinze ans de réclusion criminelle. Vendredi 18 mai, les jurés de la Cour d’Assises de l’Ain ont infligé une peine plus lourde que celle requise par l’avocate générale, à Mokhtar*, 63 ans, le violeur et agresseur de Fathia*, sa victime mineure au moment des faits.

Le ministère public avait requis 13 années d’emprisonnement. Il faut peut-être comprendre dans ce délibéré plus sévère des juges populaires, l’expression d’une intransigeance de plus en plus forte de la société envers… les prédateurs sexuels récidivistes. Cet homme, qui a comparu devant les Assises la semaine dernière, était déjà connu de la justice.

Parmi les 13 condamnations inscrites à son casier, entre 1979 et 2014, figurent des délits de violence, d’attouchements et d’agressions sexuels, et de proxénétisme aggravé, sur des mineurs, dans le nord de la France, et en région Rhône-Alpes.

Fathia avait 10 ans, en 2008, lorsqu’elle a fait sa connaissance. Sa mère, Rachida*, l’avait connu dans un foyer de réfugiés politiques, cinq ans plus tôt, ignorant son passé judiciaire. Jeune veuve, elle avait quitté l’Algérie où son mari était décédé, Fathia avait alors 2 ans. Pendant huit années, l’unique enfant du couple avait été élevée par ses grands-parents maternels, tissant avec sa grand-mère en particulier, un lien étroit.

L’évocation de ce passé heureux et insouciant a arraché à Fathia ses seules larmes de tout le procès. Pendant cette période, sa mère en exil revenait la voir deux fois par an, avant de la faire venir à Virieu-le-Grand, où elle vivait avec Mokhtar, avec l’espoir de lui procurer un meilleur avenir.

Fathia découvrait donc un pays où elle n’avait pas envie de vivre – ce qu’elle a déclaré à la barre – deux demi-frères, et un beau-père plutôt gentil au début. Franco-algérien – une double nationalité contestée par Me Thibault Guinet, l’avocat de sa victime, selon lequel l’accusé est seulement Algérien – fils de Harkis, Mokhtar avait perdu sa mère très tôt, et était arrivé en France à l’âge de 5 ans et demi avec son père. Avant de connaître Rachida, il a eu un fils né d’une précédente union.

Cette famille recomposée vivait paisiblement. C’est après la naissance de sa petite sœur, en 2011, que la vie de Fathia a basculé dans le sordide. ” À partir de là, il est devenu méchant “, a-t-elle relaté à la Cour, en évoquant ses rapports avec Mokhtar. L’homme est devenu autoritaire, violent. À l’automne de cette même année, une affaire secoue la famille.

Fathia, alors élève au collège de Culoz, accuse deux garçons plus âgés de viol. Une enquête est ouverte, la gendarmerie l’auditionne longuement. Elle décrit les scènes avec précision, pour au final… avouer qu’il s’agissait d’une histoire inventée… Un examen gynécologique atteste la virginité intacte de l’adolescente. La confiance de sa mère, une musulmane pieuse ne jurant que sur le Coran, est ébranlée par ce mensonge. Mokhtar va alors avoir plus d’emprise sur cette “menteuse, aguicheuse“, comme il qualifie sa belle-fille, et en faire “l’objet de ses fantasmes“, selon l’avocate générale Catherine Vaillant.

En décembre 2011, un mercredi après-midi à Virieu-le-Grand, survient le premier viol. Rachida, ouvrière textile, travaille. Ses deux garçons sont à l’entraînement de football, et la petite sœur fait sa sieste. Fathia regarde la télévision, seule sur le canapé du salon, avec son beau-père sans activité – il a expliqué avoir quitté son emploi pour s’occuper des enfants. Mokhtar, ancien lutteur, impose à l’adolescente de 13 ans un rapport sexuel de force.

La scène dure 5 minutes. Fathia la subit les yeux fermés. Elle ne dira rien à personne, menacée par son agresseur. Pendant trois ans, la jeune victime sera régulièrement violée – “plusieurs fois par semaine” – sexuellement agressée (attouchements, etc.), violentée.

Les faits se sont déroulés d’abord dans la maison de Virieu, dans le salon ou dans le garage, jusqu’en avril 2012, et ensuite, après le déménagement de la famille à Belley, dans la voiture de l’agresseur, stationnée dans des champs. ” S’il était capable de faire ça, c’est qu’il pouvait me tuer “, a déclaré Fathia au procès, pour expliquer l’absence de confidence à quiconque tout au long de son supplice. La jeune fille ne pouvait pas même espérer le secours d’une mère, soumise à son mari violent et aveuglée par sa religion.

Mais en juin 2014, avant un voyage en Algérie avec sa mère et un cousin, Amir*, Fathia prend son courage à deux mains, avertit son beau-père violeur qu’elle va lui faire une “surprise” en envisageant de porter plainte. De peur de voir la vérité éclater, Mokhtar a profité des deux mois d’absence de son épouse et de sa belle-fille pour faire le “ménage”, en effaçant des traces de ses crimes. Pas toutes.

En confiance dans sa famille maternelle, Fathia se confie à une tante, laquelle informera la grand-mère. Ces révélations parviendront aux oreilles de Rachida. Cette dernière, au retour d’Alger, se rend à la gendarmerie de Belley… pour un différend conjugal. Mokhtar ne veut pas la laisser rentrer au domicile, avec sa belle-fille, et le cousin. Il soupçonne une liaison entre Fathia et Amir, “un projet de mariage blanc“. Mais lors de la déposition de la mère, les gendarmes de Belley entendent sa fille énoncer des faits plus graves… Une enquête judiciaire est ouverte, et le 29 août 2014, le beau-père est incarcéré.

À ce moment, Rachida, partie civile dans le procès, ne croit pas en la culpabilité de son mari. Il y a eu le mensonge de 2011, et “c’est l’homme qu’elle a épousé, avec qui elle a eu 4 enfants“, a rappelé son avocate Anne-Valérie Gilbert.

Et son époux avait aussi juré de son innocence sur le Coran. Mais un élément à charge, indiscutable, la persuadera de l’inverse. Sûr de ne pas avoir laissé de traces de ses crimes, Mokhtar avait déclaré au juge d’instruction : “s’il y a de l’ADN, alors il y a la vérité“.

C’est justement son ADN qui a été révélé par l’analyse de plusieurs relevés de sperme sur des morceaux de tissus, du canapé du salon et du siège de la voiture. Cette preuve scientifique a eu raison de toutes les histoires, de toutes les distorsions de la réalité, que le criminel aura tenté de faire croire à la cour pendant les 20 heures de son procès.

Ce mythomane, “qui s’empresse de grossir le moindre détail suspect pour se considérer manipulé“, selon l’analyse d’un expert psychiatrique, a essayé de se draper dans la peau de victime d’un complot, accusant son épouse de tentatives d’assassinat, de viol, d’escroquerie, et d’incendie volontaire (en 2010, il était accidentel) de leur maison, a été démasqué au fil des débats, conduits avec méthode et patience par la présidente du tribunal, Mme Devignes.

Son défenseur, Me Michel Jallot, n’est pas parvenu à faire douter les jurés, en cherchant à présenter son client, sous des traits “humains“.

Thibault Guinet, l’avocat de la victime, et Catherine Vaillant, pour le ministère public, ont insisté sur le traumatisme profond que le crime de Mokhtar laisse chez la jeune femme, “en l’ayant privé de sa première expérience sexuelle“. Fathia l’a résumé par cette phrase : “Il m’a dégoûté des hommes“.

*Prénoms d’emprunt

Source : lavoixdelain.fr

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