Belgique | Toujours éducateur dans un centre pour jeunes après 15 abus sexuels

Un éducateur de 57 ans de Wenduine, condamné il y a dix ans à une peine de prison pour avoir abusé sexuellement de quinze mineurs d’âge fragiles, exerce toujours son métier dans un centre pour jeunes. “Un tel personnage devrait être tenu éloigné des enfants”, déplore une de ses victimes qui travaille avec son avocat pour déposer une nouvelle plainte. “Espérons qu’ils l’écartent enfin”.

© rv.

Yordy B., un habitant d’Ostende, a aujourd’hui 25 ans. Le jeune homme en costume qui a soigné son apparence pour rencontrer son avocat n’a pas eu une vie facile, relate Het Laatste Nieuws qui l’a rencontré.

“On était six à la maison, mon père était gravement malade et mes parents se sont séparés lorsque j’avais six ans. Je suis resté avec ma mère. Pour moi, c’était l’enfer (il soupire profondément). Ce n’est pas facile de prononcer ces mots sur sa propre mère mais elle est psychiquement malade et n’était pas capable de prendre soin de nous. Depuis toujours, elle souffre de mysophobie (peur maladive et irrationnelle de la saleté). Un jour, elle m’a même traîné chez un psychologue parce qu’en jouant avec mes petites voitures, j’avais griffé une porte à la maison. Et le blanc. Tout chez nous était blanc. Le psy lui a dit qu’elle devait me laisser jouer. Il lui a rappelé que je n’étais qu’un enfant. Elle a accusé le psychologue d’être responsable de la saleté sur la voie publique”.

La même année, un juge de la jeunesse décide de placer Yordy et son frère jumeau dans une famille d’accueil. Leur frère cadet les y rejoindra un peu plus tard. “J’étais content. Notre mère d’accueil, Chris, nous laissait jouer librement. On pouvait même faire des stages. Et autre révélation: on allait au restaurant et mangions de vrais repas. Alors que ma mère ne nous servait que des frites et des pizzas. Honnêtement, être placé a été pour moi un soulagement. Mais l’euphorie n’aura pas duré longtemps. Chris avait un petit ami, Danny (nom d’emprunt), qui venait de plus en plus souvent. Un éducateur qu’elle connaissait via le boulot. Il a abusé de moi tant qu’il a pu. Chez Chris. A la piscine. En stage. Partout en fait”.

“Une aventure”

Danny était à cette époque déjà éducateur depuis plusieurs années dans une institution réputée où les jeunes issus de famille en difficulté séjournent en internat. Il travaillait aussi dans les plaines de jeux du centre de jeunesse, là où des jeunes fragilisés passaient des week-end et les vacances scolaires.

“Je devais y aller tous les mercredis. Il devait soi-disant m’y apprendre à lire. Ce qui n’a jamais été le cas. Danny passait le plus clair de son temps avec les mains dans mon pantalon. Il restait parfois dormir chez Chris aussi. Alors il se glissait dans mon lit et procédait à des attouchements”.

L’affaire a fini par éclater et Yordy et d’autres jeunes ont fini par se retourner contre lui. Au cours de son procès à Bruges, des années plus tard, l’homme a reconnu avoir régulièrement partagé le lit des enfants dont il s’occupait. Mais selon lui, il n’y avait là aucune connotation sexuelle.

“Je réalise maintenant en effet que ces caresses ont dépassé les limites des enfants”, a-t-il banalisé. Mais les caresses qu’il qualifie d’innocentes sont allées plus loin. Avec une de ses victimes, il y a eu des faits de sexe oral et de masturbation.

“Je me suis laissé aller à une aventure homosexuelle sans me rendre suffisamment compte qu’il était encore trop jeune pour cela”, a alors déclaré le pédophile, tentant de détourner la nature de son acte.

Le juge l’a finalement condamné à deux ans de prison, pour s’être rendu coupable d’attouchements sous la menace ou par la violence sur quinze jeunes de moins de seize ans entre 1983 et 2001. Parmi eux, Yordy. Le juge a également estimé qu’abuser de ces enfants en difficulté sur lesquels il avait une forme d’autorité était une circonstance particulièrement aggravante. Mais l’éducateur a décidé de se tourner vers la cour d’appel, certain de se faire innocenter.

La cour d’appel le condamnera plus fermement, avec quatre ans de prison dont deux ferme. L’homme déviant s’est alors pourvu en cassation, minimisant à nouveau les faits qui lui étaient reprochés devant la plus haute instance judiciaire.

Il a par exemple reconnu des gestes sur les parties génitales des jeunes garçons mais a parlé de gestes malheureux, presque fortuits, dont il n’avait pas eu conscience. “Je n’ai jamais eu l’intention de les blesser. Si j’ai lavé leur sexe pendant plus longtemps, en décalottant leur pénis, c’était purement par hygiène. Mais on dirait qu’en faisant cela, je suis allé trop loin”.

“Il avait ses préférés, j’ai assisté aux abus”

Yordy n’a pris connaissance de tout le dossier que récemment. “Enfant, j’ai toujours été éloigné des procédures du tribunal”, explique-t-il. “Ce qui m’a immédiatement marqué dans le dossier judiciaire, c’est qu’il manque beaucoup de noms sur la liste des victimes. Au moins quatre que je connais.

Comment j’ai connaissance de ces agressions sexuelles? Parce que j’y ai assisté, malheureusement. D’autres enfants venaient parfois séjourner dans notre famille d’accueil et il avait disons ses préférés, ceux qu’il savonnait sous la douche.

Et il nous essuyait particulièrement bien sur une zone précise du corps. Dans le fauteuil, il installait ses chouchous sur ses genoux. Puis il nous massait le sexe. Je disais toujours que je devais aller aux toilettes. Tout le temps que j’y passais, c’était du temps pendant lequel il ne me touchait pas…”

Perversité

“J’étais son trophée”, résume Yordy. “Dans son bureau au centre de jeunes, il avait accroché un cadre avec une grande photo de moi. Un jour j’ai googlé son nom et j’ai découvert qu’il possédait deux résidences de vacances à la côte belge. Il leur avait donné le nom de deux de ses victimes”.

Pas d’interdiction de travailler avec des enfants

“C’est tout simplement hallucinant”, s’insurge Filip De Reuse, qui défend les intérêts de Yordy B. Vu que Jordy connaît encore d’autres victimes qui n’ont toujours pas été entendues, nous sommes occupés à les réunir.

Nous déposerons une plainte au juge d’instruction par après. Et il faudra une nouvelle enquête. Je suis aussi certain que ces faits ne sont pas prescrits. Pour Yordy, cette nouvelle enquête ne changera rien. Le pédophile a déjà été puni pour ces faits-là.

Mais pour ces victimes qui n’ont pas encore été interrogées au jour d’aujourd’hui, il pourrait à nouveau être condamné. Et espérons aussi que cette fois, on lui interdira également de reprendre contact avec des enfants.

La fois passée, il a échappé à cette mesure par “miracle”. Aucune mesure restrictive à son encontre, à l’exception de la perte de ses droits civiques pour cinq ans et donc l’impossibilité de se présenter à des élections. Et alors?”

L’avocat admet n’avoir aucune preuve – et son client non plus – que le pédophile s’est depuis le jugement à nouveau rendu coupable d’abus sexuels sur mineurs dont il s’occupe. “Mais le fait qu’il travaille toujours dans un centre pour jeunes n’est pas vraiment rassurant”, analyse l’avocat.

“Cela m’ennuie, c’est un drame personnel pour moi aussi”

Interrogé par Het Laatste Nieuws sur la plainte collective qui le touchera bientôt, l’accusé est tombé de haut hier. “Je n’ai pas grand chose à dire là-dessus. J’ai pourtant été condamné et me suis fait aider. A mes yeux, tous le monde a été entendu à l’époque. Je suis embêté que tout cela émerge à nouveau. Ce fut un drame personnel pour moi aussi”, se plaint l’auteur d’abus. Ce dernier a également souligné qu’il ne travaille en réalité plus vraiment comme éducateur dans le centre.

“Je ne suis plus en contact avec les enfants. Je n’ai qu’une fonction administrative dans l’établissement”. Avoir donné le nom de victimes à des résidences secondaires?

Il s’en défend fermement.

“Ce sont des noms de personnages de dessins-animés qu’on retrouve également dans les résidences de vacances en question. Que ces noms soient également ceux d’enfants que j’ai connus est un pur hasard”.

Mais comprend-il que Yordy cherche encore à le faire condamner? “Je trouve cela particulièrement ennuyeux. Mais je peux comprendre qu’il ait encore du mal avec ce qui s’est produit alors”. Sur la future plainte collective, il ne veut pas s’exprimer. “Je ne peux rien faire d’autre qu’attendre, non?”

“Il n’a pas fait de prison, moi oui”

Mais Yordy a encore des choses à dire.

“L’homme qui a abusé de moi et de bien d’autres n’a jamais vu la couleur d’une cellule. Sa peine était trop courte, il n’a pas dû la purger”. “Il a influencé le cours de ma vie. Il l’a même détruite. Parce qu’en fuyant tout cela j’ai fait des bêtises, de petits vols et une bagarre qui a mal tourné. Pour cela, moi, j’ai fini en prison. Et pour finir de purger ma peine, je nettoie encore des voitures à l’hôpital. J’ai mérité ma condamnation.”

Mais il mérite lui aussi une peine juste. Et il ne l’aura pas reçue tant que toutes ses victimes n’auront pas été entendues et prises en compte. Sa peine extrêmement légère et son attitude, parce qu’il fait tout pour dédramatiser les faits, compliquent pour moi le travail que j’ai à faire par rapport aux abus. Même après toutes ces années”.

Source : 7sur7.be

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