Argentan | Un pédocriminel récidiviste incestueux et violent condamné à 10 ans de prison

La prison l’avait éloigné de sa fille qu’il avait violenté quand elle était bébé. Une relation incestueuse conduit de nouveau en prison ce quadragénaire domicilié près d’Argentan.

« Elle me disait qu’elle m’aimait, que ce que l’on partageait était vraiment beau », a déclaré l’homme de 48 ans au tribunal d’Argentan qui l’a condamné, pour cette relation incestueuse avec sa fille, à 10 ans de prison. (©Illustration Le Journal de l’Orne)

 

L’homme de 48 ans était jugé en comparution immédiate,  mercredi 17 avril 2019, par le tribunal correctionnel d’Argentan, pour agression sexuelle incestueuse sur une personne vulnérable par ascendant en récidive et corruption de mineur de plus de 15 ans en récidive.

Des faits commis dans l’Ain en octobre 2018 et février 2019 au préjudice de sa fille Amélie (prénom d’emprunt) née en 2002.

Condamné en 2006 pour actes de torture et de barbarie sur son bébé

Ce professeur de musique avait été condamné à 20 ans de réclusion criminelle en 2006.

En 2002, alors qu’Amélie était âgée de moins d’un mois, il s’était montré « très violent » à deux reprises envers elle, lui donnant des claques, la secouant, lui brisant une jambe.

Il avait été condamné pour actes de torture et de barbarie sur mineur de 15 ans et violences aggravées. L’enfant gardera d’ailleurs des séquelles de ces actes et se verra déclarée handicapée à 80 %.

En juillet 2014, il avait bénéficié d’une libération conditionnelle mais n’avait pas, au cours de celle-ci, respecté ses obligations. En effet, il avait pris contact, « en urgence » à ses dires, avec Amélie après qu’elle a joint ses grands-parents paternels, domiciliés près d’Argentan, en leur indiquant qu’elle allait se suicider. Et ce, alors que tout contact lui était interdit.

Libéré, ils se retrouvent et se livrent à des jeux interdits

Libéré en 2017, il reprend contact avec Amélie par SMS et Skype, il lui demande d’effacer les messages après les avoir lus.

Ces échanges créent des conflits entre l’adolescente, qui souffre de problèmes cognitifs et psychologiques, et sa mère. Elle envoie des photographies d’elle, photographies devant lesquelles il se masturbe avoue-t-il lors de l’enquête.

Puis, à deux reprises, en octobre 2018 et février 2019, il va la rencontrer dans l’Ain où elle demeure. Dès la deuxième de ces rencontres, ils se livrent à des jeux sexuels, ils s’embrassent, il la caresse, ils se masturbent.

« J’étais amoureux d’elle »

Début 2019, Amélie confie à son éducatrice, à son parrain, à sa mère qu’elle a des rapports amoureux avec son père et qu’elle est tout à fait consentante. Elle renouvelle ses dires devant les enquêteurs, devant l’expert psychologique, qui mentionnera qu’elle s’automutile, devant l’expert psychiatrique.

Ce dernier relèvera un taux d’intelligence inférieur à la normale ; il fera état qu’elle perçoit la dangerosité du mis en cause et qu’elle est toujours sous son emprise ; pour lui, des soins psychothérapiques s’imposent ainsi qu’un suivi neuropsychologique.

« On ne s’était pour ainsi dire jamais vus »

Dans le box, encadré par l’escorte, le prévenu parle à voix basse. Les yeux baissés, il déclare :

Je reconnais les faits qui me sont reprochés. Je suis inquiet pour ma fille, je l’aime profondément. J’étais amoureux d’elle. Je n’aurais jamais dû faire ça. Je regrette et je lui demande pardon.

Interrogé, il dit concevoir que ce n’est pas une relation normale. Et :

On voulait se voir, ma fille me manquait énormément, on ne s’était pour ainsi dire jamais vus car on s’est quitté lorsqu’elle avait un mois. Je l’ai retrouvée à 16 ans. Quand je l’ai vue la première fois, c’était étrange, on ne se ressemblait pas.

Il affirme également :

La prison m’a traumatisé, la sortie c’était difficile, le boulot c’était difficile.
Puis, « la première fois, je n’étais pas attiré sexuellement par elle ».

« J’étais complètement perdu, je ne savais plus »

De même, il dit qu’il savait qu’elle avait de légers handicaps physiques et qu’elle était psychologiquement fragile. « C’est le résultat de ce que j’ai fait en 2002 », dit-il avant de mentionner qu’il la savait impulsive et nerveuse et qu’il a appris qu’elle avait des difficultés cognitives lors de sa garde à vue.

Il déclare :

J’ai confondu le sentiment de père et le sentiment amoureux » ; « elle me semblait consentante faisant même le premier pas. Évidemment j’aurais dû refuser, mais j’étais complètement perdu, je ne savais plus ». Et aussi : « j’ai repris pied dans la réalité trop tard.

Il explique qu’ayant rencontré une compagne en décembre, il en a fait part à Amélie en février en lui disant qu’il fallait qu’ils arrêtent et cette dernière aurait alors, par jalousie, dit qu’elle se vengerait en ébruitant leur relation.

Il aurait alors « fait marche arrière pour que tout ça ne devienne pas une catastrophe ».

« Je pense que ma fille m’a trop manqué »

Lorsque le président lui demande ce que c’est qu’aimer comme un père, il répond :

Aimer comme un père, c’est élever un enfant, le faire grandir, lui donner une éducation, qu’il soit poli, honnête et qu’il puisse devenir indépendant.

Questionné plus en avant, il dit :

Elle me disait qu’elle m’aimait, que ce que l’on partageait était vraiment beau », « j’étais incapable de dire si c’était normal ou anormal ». Il ajoute : « je pense que ma fille m’a trop manqué », et « je ne suis pas attiré sexuellement pas les enfants.

« Regardez la vérité en face ! Je l’ai fait là, comme je l’ai fait en 2002 »

Les parents du prévenu et sa compagne ont été cités comme témoin par la défense.

La mère parle la première :

Amélie est une spécialiste des scarifications. Pour moi, c’est une mythomane » ; « elle se dit perpétuellement victime » ; « mon fils s’est fait prendre dans un piège qui s’est refermé sur lui.

Le père, lui, décrit son fils comme quelqu’un en voie de reconstruction, d’apprécié et de généreux, qui a le sentiment qu’il est redevable à sa fille. Il estime que l’intéressé pense que la paternité va lui permettre de se retrouver. Quant à Amélie, il pense qu’elle est depuis toujours en recherche de sa famille paternelle.

Le mis en cause leur martèle alors :

Regardez la vérité en face. Je l’ai fait là, comme je l’ai fait en 2002.
Pour ce qui est de sa compagne, elle dit qu’il était très dévoué pour sa fille qui l’appelait tout le temps et qu’il était toujours disponible pour elle.

« C’est elle qui m’a provoqué »

Me Ingrid Letourneux, représentante d’Amélie et de sa mère, parties civiles, dit être gênée, non seulement par la gravité du dossier, mais aussi par les réponses du prévenu : « c’est elle qui était provocante, qui m’a provoqué », mais qui néanmoins a reconnu les relations incestueuses tout en ayant aucun recul selon elle.

Elle rappelle que suite aux faits de 2002, la victime a eu un parcours extrêmement difficile, qu’elle présente des troubles visuels, des troubles cognitifs. Elle ajoute qu’elle a toujours eu des suivis en rééducation, orthophonie, motricité et également psychologiques mais qu’elle s’est toujours battue.

Elle mentionne que la procédure de 2002 est toujours en cours sur le plan civil, Amélie n’étant pas médicalement consolidée et sollicite un renvoi sur intérêts civils.

« Une recherche mortifère »

Nirmala Gnanou, procureure, commence son réquisitoire :

Il s’agit d’un dossier hors normes. Qui aurait pu s’attendre à voir aujourd’hui le mis en cause devant un tribunal suite à de nouveaux faits commis sur ce même enfant ?.
Elle souligne qu’il a reconnu les faits qui lui étaient reprochés et que la victime a été constante dans ses déclarations.

Elle rappelle que l’expert a conclu qu’Amélie « va globalement mal, qu’elle est à tendance suicidaire, qu’elle se scarifie car elle va profondément mal ».

Et qu’il explique cela par :

un mal-être lié entre autres à la recherche de son père qui lui a fait tant de mal étant bébé, qu’il s’agit d’une recherche mortifère, une recherche de la mort.
Pour elle, il est nécessaire que les intéressés n’aient plus de contacts, Amélie étant sous l’emprise de son père. Concluant par : « une nouvelle fois, elle est sa victime », elle requiert une peine de 10 ans d’emprisonnement avec mandat de dépôt à titre principal.

Elle a vu un homme normal, pas un monstre

Me Lori Helloco entame sa plaidoirie en notant que son client « aurait pu intéresser Freud lorsqu’il parlait d’Œdipe ».

Avocat associé, Maire-adjoint de Flers, Conseiller départemental de l’Orne
source : https://twitter.com/lorihelloco

Il relate qu’il a reconnu les faits, ajoute :

« Il n’a pas réalisé ses actes seul mais avec le nourrisson qui était devenu une jeune femme ».

Et qu’il a conscience de ce qu’il a réalisé. À son sens, il s’agit là non pas d’agression sexuelle mais d’atteinte sexuelle, infraction punie de 3 ans d’emprisonnement au maximum.

Selon lui, Amélie était « tout simplement amoureuse de son père » car lorsqu’elle l’a vu la première fois, elle a constaté qu’il s’agissait de quelqu’un de normal et pas du monstre qui lui avait été décrit.

Il ajoute que le prévenu avait peur de perdre sa fille une seconde fois : « on a deux situations exceptionnelles qui ont créé une confusion, la situation est extrêmement complexe », mentionne-t-il, avant de dire :

Si son inconscient savait qu’il était le géniteur de la victime, il n’en avait pas conscience en réalité » et « ce sont un homme et une femme* qui se sont rencontrés, et le passé des deux n’est pas normal.

*NDWP : Une femme ??? à 16ans ??? Honteux !

« Une jalousie de femme trompée »

Il rappelle que lorsqu’elle a su que son père avait une compagne :

Amélie a fait preuve d’une jalousie profonde, d’une jalousie de femme trompée. Elle s’est comportée comme une femme qui aime un homme et non comme une fille qui aime son père.

Il mentionne également qu’il n’y a eu ni contrainte, ni violence que se soit physique ou morale et qu’il y a eu consentement.

Il convient que « ces faits broient la vie d’Amélie », « mais aussi celle de mon client », ajoute-il.

Et il demande au tribunal : « est-ce qu’en le mettant en prison, les familles vont se reconstruire ? », disant ne pas le croire. Puis :

Je demande au tribunal d’éviter un nouveau drame. Une sanction certes, c’est indéniable, mais ce n’est pas un pervers sexuel ; il n’a pas de déviance envers les enfants ».

Il conclut par : « la peine requise ne ferait que l’enterrer, ce n’est pas le rôle de la justice. Il faut adapter la peine à cette situation hors norme.

« Pardon »

L’homme clôt les débats en disant :

Je pense à Amélie, je pense à Amélie tout le temps ; elle est dans ma tête et dans mon cœur. C’est horrible de faire du mal à la personne qu’on aime. Je lui demande pardon, j’espère qu’elle va se reconstruire.

Et « j’ai fait aussi du mal à ma compagne et ma famille, je leur demande pardon ».

Puis, « j’ai reconnu les faits car je veux être digne ; je veux que ma fille pense que je suis digne. Ma dernière pensée est pour Amélie que j’aime profondément. J’ai honte, j’ai honte ».

Dix ans de prison

Le tribunal a déclaré l’intéressé coupable. Il a été condamné à la peine de dix ans d’emprisonnement. Un mandat de dépôt a été délivré à son encontre. Il doit également se soumettre à un suivi socio-judiciaire pendant 20 ans, en cas de non-respect une peine de trois ans d’emprisonnement sera mise à exécution et à une obligation de soins.

Il lui est interdit de rentrer en contact avec la victime et avec des mineurs et son inscription au FIJAIS (Fichier Judiciaire Automatisé des Auteurs d’Infractions Sexuelles et violentes) est ordonnée.

L’intéressé signale qu’il entend faire appel de la décision avant d’être conduit par l’escorte en maison d’arrêt.

Toutes les condamnations prononcées devant le tribunal correctionnel sont susceptibles d’appel et ne sont donc pas définitives avant expiration du délai d’appel de dix jours.

Source : actu.fr

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