Alençon | Un père de famille jugé pour des faits incestueux

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« J’avais peur quand j’entendais ses pas dans les escaliers »
Un sexagénaire était devant le tribunal d’Alençon, jeudi 16 juin, pour agression sexuelle sur sa fille, alors mineure, entre 2001 et 2005.

Un climat de peur. C’est ce qu’a instauré un père de famille du Perche, aujourd’hui âgé de 69 ans, pendant de très longues années.

Ses deux filles, sa femme, sa sœur, ses nièces, toutes ces femmes ont été, à un moment ou un autre, la proie de ce « prédateur », comme l’a qualifié l’avocate de la partie civile.

Au tribunal d’Alençon (Orne), jeudi 16 juin, il comparaissait pour des faits d’agression sexuelle sur mineur à l’encontre de sa fille cadette, entre 2001 et 2005. Ces derniers n’étaient pas encore prescrits, contrairement à ceux commis à l’encontre de son autre fille.

Pendant longtemps, trop longtemps, les actes du père sont restés sous silence. Les deux femmes continuaient à le fréquenter, avant tout « pour voir leur mère ».

« Il pouvait être violent. J’avais besoin d’y aller car j’avais peur pour elle », a expliqué la femme de 35 ans à l’audience.

Jusqu’à un jour de septembre 2019 durant lequel elles ont révélé à leur mère les agissements cachés du père. Et ont pris la décision de ne plus le voir. Pour rester en contact avec elle, les deux filles lui parlaient via un jeu vidéo en ligne.

Après avoir franchi le pas de la parole, la victime a poussé la porte du commissariat. Mais, initialement, elle l’a fait pour révéler les violences physiques et sexuelles, ainsi que les rapports non consentis, que sa mère subissait.

« Je l’ai fait pour l’aider à se sortir de cette situation », a-t-elle ajouté.

« À l’époque, à 18 ans, je ne me voyais pas me lancer dans des procédures. Je n’étais pas prête. »

Puis, au fil des questions et de la discussion avec les forces de l’ordre, elle a dévoilé ce qui rythmait le quotidien de son enfance pendant plusieurs années, à partir de « 12 ou 13 ans ».

Des caresses, des demandes de fellation, des films pornographiques visionnés sous la contrainte de son père.

La liste fait froid dans le dos.

« C’était une peur quotidienne. Je faisais attention à ma manière de m’habiller, je ne mettais plus de chemise de nuit », a introduit la trentenaire, la voix toute tremblante.

« C’était toujours furtif. On se croisait dans le couloir et il me touchait. Il me chatouillait et en profitait. Ce n’était pas jamais direct mais toujours en prétextant autre chose. »

À l’audience, elle est aussi revenue sur le cauchemar quand, le soir, elle se retrouvait seule dans sa chambre.

« J’avais peur quand j’entendais ses pas dans les escaliers. C’est horrible mais j’étais presque contente lorsqu’il allait dans la chambre de ma sœur et pas la mienne », a-t-elle confié, en pleurs.

Les deux filles partageaient le même calvaire, et le savaient, mais n’en discutaient pas. Car le poids du secret était trop lourd.

Beaucoup plus tard, en ouvrant la boîte de Pandore, elles se sont rendu compte qu’elles n’étaient pas les seules victimes. Leurs deux cousines et leur tante, respectivement nièces et sœur du prévenu, ont été victimes de scènes « limites ». Aux enquêteurs, l’une des nièces a avoué qu’il était « très tactile ».

« Il me prenait par les hanches et les fesses comme s’il cherchait un melon au supermarché. »

Le prévenu, père de cinq enfants issus de trois unions différentes, a également décrit comme quelqu’un « d’extrêmement violent », notamment à l’égard de son seul et unique fils, instaurant un :

« Climat de terreur avec une éducation psychorigide ».

Son autre fille a dépeint son père comme une personne :

« Salivante avec les femmes ».

Toutes ces accusations, le sexagénaire les a balayées d’un revers de main :

« L’image que je renvoie a peut-être été mal comprise et interprétée », « il y a une différence entre abuser d’un enfant et avoir de la tendresse » ou « il peut y avoir de l’imagination de l’enfant, il faut faire attention à l’interprétation ».

Hélène Tardif, la procureure de la République, a fustigé :

« Il nie tout, il n’y a aucune remise en question. C’est moi, moi, moi. Il n’a aucune empathie, quand sa fille pleure, rien ».

S’il a avoué à demi-mot être une personne « tactile », il a réfuté les accusations d’agressions sexuelles ou de gestes déplacés.

« Je tombe des nues. Je suis surpris et étonné du comportement de ma fille. J’ai l’impression qu’on parle d’un autre foyer que le mien. »

Et n’a, selon lui, aucun problème avec les femmes.

« J’ai été responsable de service. J’ai travaillé avec vingt-cinq ou trente femmes durant ma carrière. Je n’ai jamais rien eu. Je ne comprends pas ce qui se passe, j’ai tout perdu. »

Aujourd’hui, il vit seul dans le domicile familial, théâtre de l’horreur, sa femme ayant entamé une procédure de divorce.

Ce sur quoi Me Dannièle Chevrotin, l’avocate de la victime, n’a pas manqué de rebondir.

« Depuis que la parole s’est libérée, il n’a plus le contrôle. C’est ce contrôle perdu qu’il ne comprend pas », a-t-elle plaidé.

« Il s’était constitué un véritable harem avec sa femme, soumise, un sextoy pour lui, et ses filles, des jouets aussi. Ma cliente veut que ça ne recommence pas avec d’autres victimes. Il a beaucoup de chance que la prescription rende impossible la poursuite de certains faits. »

De l’autre côté, Me Bruno Weber, l’avocat de la défense, a dénoncé des « déclarations contradictoires » de la part de la victime.

« Elle dit qu’il faisait preuve d’une grande discrétion alors qu’ils étaient parfois seuls tous les deux dans la maison », a-t-il questionné. « Tactile ne veut pas dire à connotation sexuelle. C’est quelqu’un qui aime les démonstrations d’affection, les embrassades franches, les contacts ludiques avec les enfants. »

Le Ministère public a requis 10 mois de sursis à son encontre, ainsi qu’une obligation de soins et l’interdiction de rentrer en contact avec la victime.

Le tribunal a mis sa décision en délibéré au jeudi 7 juillet à 9 h.

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