Sillans-la-Cascade | Il viole trois de ses filles et prend 8 ans

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Dans le portable de son mari elle trouve une photo où il viole sa fille sous la douche
Le 24 mars, Cédrix S. a été condamné à huit ans de prison à Draguignan (Var) pour agressions sexuelles. C’est sa compagne, Sylvie, qui a découvert qu’il abusait de trois de leurs filles. Elle témoigne d’un engrenage de violences, de manipulations et de silences.

Tout parent vit dans la hantise que son enfant subisse des violences sexuelles. Sylvie*, de Sillans-la-Cascade, charmant village du Var, a vécu ce cauchemar. Du jour au lendemain, elle a appris que trois de ses six enfants étaient victimes d’un pédophile : leur propre père.

Elle nous raconte comment sa vie a basculé…

LND : Comment avez-vous connu votre ex-mari, Cédrix S. ?

Sylvie : En faisant nos classes dans la marine nationale, à Brest. Ensuite, j’ai choisi d’être affectée dans le Sud, où je vivais déjà. Lui voulait s’éloigner de ses parents, qui vivaient dans le Nord. Nous nous sommes retrouvés à Toulon. Une relation de couple s’est créée entre nous, en 2003.

Comment la décririez-vous ?

J’étais jeune, j’avais 19 ans et je ne me rendais pas compte que « Monsieur » se conduisait de manière bizarre.

(Durant l’interview, Sylvie s’abstiendra de prononcer le prénom de son ex-mari.)

En février 2004, il est reparti travailler à Rochefort. Il ne se cachait pas de sortir au restaurant avec d’autres filles. Parfois, il me racontait qu’il était en service et qu’il ne fallait pas l’appeler, alors qu’il était en boîte avec des amis… Ensuite, il s’est engagé sur le porte-avions Charles-de-Gaulle, pendant que je restais à la maison, pour garder nos premiers enfants, Luc*, Étienne*, puis Sandrine* et Nina*. Je savais qu’il n’avait pas eu une enfance très sympa. Alors je me suis sacrifiée pour qu’il puisse voir le monde et monter en grade. Au bout de quatre ans, il m’a annoncé qu’il envisageait de rester à bord, pour bénéficier d’une prime de 25 000 euros.

Comment avez-vous réagi ?

Moi, je voulais qu’il rentre, pour rejoindre sa famille ! Il m’a répondu : « Si Sandrine – notre plus grande fille – ne peut plus faire de cheval faute d’argent, faudra pas venir te plaindre ! » Alors je lui ai dit de faire ce qu’il voulait. J’ai senti que si je l’en empêchais, il me ferait vivre un enfer. Déjà qu’il me rabaissait tout le temps…

Comment ?

Par des remarques blessantes. Il me disait que sans mes lunettes, je ressemblais à une taupe. Quand je portais un haut jaune, il me comparait à un personnage de Star Trek. Comme j’avais pris du poids, il disait que, ficelée, je ressemblerais à un rôti…

Une technique qu’emploient souvent les pervers narcissiques.
Je l’ai compris pendant ma psychothérapie. À première vue, on lui donnerait le Bon Dieu sans confession. Mais en réalité, c’est un manipulateur ! Par exemple, il me racontait tout le temps qu’il ne voulait pas devenir alcoolique, comme son père. Pourtant, une de ses anciennes collègues m’a appris qu’à bord du Charles-de-Gaulle, il se cachait pour boire.

Après son incarcération, vous avez découvert d’autres de ses petits secrets !

J’ai appris qu’il était bisexuel, qu’il lui arrivait de se faire passer pour une femme sur des sites de rencontre, et que lors des escales, il payait des prostitués des deux sexes. Dans l’appartement qu’on louait à Toulon, il recevait une jeune femme de 19 ans, J’ai retrouvé des préservatifs… Quand je l’accusais de me tromper, il me disait : « Mais non, tu racontes n’importe quoi ! » C’était toujours moi, la folle !

Dans le lit conjugal aussi, il n’obéissait qu’à ses pulsions…
Mes deux dernières filles sont nées de viols conjugaux. La première fois, j’avais fait une abdominoplastie et je ne voulais plus avoir d’enfant. Monsieur a profité de ce que j’avais pris des somnifères. La deuxième fois, il a « perdu » son préservatif…

S’est-il montré violent avec vous ?

Dès le début. J’étais enceinte de notre fils aîné, Luc, quand j’ai découvert sur son téléphone un message d’une fille qui disait : « Si tu as besoin d’amour, tu peux me contacter ». Je lui ai dit : « Mais c’est quoi, cette histoire ? On est mariés ! » Il m’a bousculée, très agressivement. Une autre fois, il m’a serré la main autour du cou, parce que je lui avais demandé pourquoi il rentrait tard.

Et avec vos enfants ?

Luc a attendu que son père soit en prison pour m’avouer qu’à 15 ans, son père l’avait plaqué contre un mur en disant :

« Si tu ne fermes pas ta gueule, je t’éclate ta tête et je repeins ta chambre avec le sang ! »

Vous n’avez jamais pensé à divorcer ?

Plusieurs fois. Mais financièrement, je dépendais de lui. Et médicalement, j’étais en dépression, suite au décès de ma mère. Il s’en servait pour me menacer :

« Je dirai au juge que tu prends des cachets et tu perdras la garde des enfants ! »

Il jouait aussi avec mes nerfs. En avril 2019, pendant qu’il était en mer, il m’a annoncé qu’il me quittait. Ensuite, il m’a laissée sans nouvelles pendant deux jours ! J’étais enceinte de quatre mois et demi. J’ai craqué, j’ai pris des somnifères pour en finir, et je me suis retrouvée à l’hôpital. Là, il s’est mis à m’envoyer des messages très amoureux, très romantiques…

J’imagine que votre relation n’a plus été la même, après cette tentative de suicide.

Nous n’en avons jamais reparlé. Quand il est rentré à la maison, deux mois plus tard, il m’a plaqué la main sur la bouche en me disant : « Ferme-la ! » J’ai été si choquée que je n’ai pas réagi.

Quel genre de père était-il ?

Il n’avait aucune tendresse envers les garçons. À peine plus avec les filles. Mais ça allait rarement jusqu’à des gestes affectueux.

Pas de gestes déplacés ? Rien d’alarmant ?

J’ai seulement remarqué qu’une de mes filles, Nina, perdait ses cheveux. Elle maigrissait et ne parlait quasiment plus. Sa nounou m’a dit qu’elle devait avoir subi un choc psychologique. Moi, j’ai pensé aux absences de son père.

Alors que la vérité est bien plus grave…
Le matin du 26 août 2021, il était en train de réparer la voiture, quand je sors lui dire bonjour, vers 8 h 30. Tout allait bien. Mais en préparant mon déjeuner, j’ai vu son téléphone en train de charger. Trois jours plus tôt, il m’avait avoué qu’il avait fouillé le mien. Je me suis dit : « À mon tour ! » J’ai essayé un premier code. Pas le bon. Curieux ! Il avait pourtant le même depuis des années. J’en ai essayé un second. Bingo ! J’ai d’abord regardé ses contacts. En voyant de nouveaux prénoms, j’ai pensé : « Toi, tu vas avoir le droit à une scène ! » J’ai regardé ses mails. Puis ses photos. Oh, mon Dieu…

Qu’avez-vous trouvé ?

Deux images de ma fille Sandrine, prises la veille au soir, sous la douche, avec le sexe de son père en érection sur ses fesses… Mon cœur s’arrête. Je pose son téléphone, je sors et je lui crie :

« Tu violes Sandrine ? »

Il ne nie pas. Il murmure simplement qu’il est « malade ». Comme j’imagine qu’il va partir, je me mets à rassembler ses clés, son téléphone, ses papiers d’identité. Puis je monte voir ma fille et lui demande pardon en pleurant. Là, je redescends, je prends un bâton et je commence à frapper Monsieur entre les jambes !

Comment réagit-il ?

Il répète qu’il n’a touché « que » Sandrine, qu’elle est petite, qu’elle ne s’en souviendra pas. Moi, je sais qu’elle s’en souviendra toute sa vie ! En pleurant, j’appelle mon père, qui vit en Ardèche. Je lui dis : « Papa, Cédrix viole Sandrine, j’ai trouvé des photos ! » Mon père prévient les gendarmes.

Votre ex-mari n’a pas essayé de fuir ?

Non, il est resté là, dehors, à gémir qu’il voulait mourir. À un moment, il a tenté de m’arracher son téléphone, pour tout effacer. Mais j’ai appelé mon fils Luc à l’aide, sans lâcher l’appareil. Et je lui ai donné un bon coup de bûche sur le crâne ! Il saignait. Il s’est mis à pleurer. Je lui ai balancé nos photos de mariage à la tête !

Comment s’est passée son interpellation ?

J’avais fait monter mes enfants au premier. De sa fenêtre, mon fils Étienne a vu son père se faire menotter. Je suis descendue remettre le téléphone aux gendarmes. Quand ils sont partis, je me suis effondrée par terre, contre la voiture…

Que s’est-il passé ensuite ?

J’ai été auditionnée pendant deux jours. Avec mon père, nous avons conduit Sandrine à l’hôpital, pour un examen médical. Je ne sais même pas comment nous avons réussi à fêter les 2 ans de Camille. Le jour suivant, il y a eu une perquisition à la maison. Nous avons patienté deux heures, dans la forêt, pendant que les gendarmes fouillaient…

Qu’ont-ils trouvé ?

L’ordinateur de Monsieur, dans mon dressing. Deux jours après, on m’a expliqué qu’en plus des soupçons de viols, il était mis en examen pour détention d’images pédopornographiques.

Que contenait cet ordinateur ?

7 000 documents, des vidéos de bébés d’un mois qui se faisaient violer, des fellations sur des petits de 1 an ou 18 mois. Quand vous savez ça, vous n’avez qu’une envie, vomir !
L’ordinateur de Cédrix S. et le matériel saisi sur le Charles-de-Gaulle recèlent encore des films scatologiques ou zoophiles. Des conversations avec un certain Kim, à qui il propose de prostituer Sandrine. D’autres où il prétend avoir eu des rapports sexuels avec ses filles. Et des échanges par Skype ou Telegram où il diffuse vingt-cinq photos d’elles et lui nus… Sur un des clichés, il simule un cunnilingus sur un bébé.

Comment avez-vous appris que vos autres filles étaient également victimes de leur père ?

Un mois après, j’ai reçu la liste des chefs d’accusation : tentative de viol, viol incestueux, détention d’images pédopornographiques… En tournant la page, j’ai découvert les prénoms de trois de mes quatre filles. Monsieur avait menti, une fois de plus !

Vos filles ne vous en avaient jamais parlé ?

Non. Il leur promettait des bonbons contre leur silence. Comme les autres étaient trop petites, je comptais sur Sandrine pour parler. Parfois, je la prenais par le bras et je la suppliais : « Dis-moi ce qu’il t’a fait ! » Elle se mettait à pleurer et se refermait complètement. Elle n’a commencé à révéler les choses que petit à petit. En entrant en 6e, elle a raconté à une copine que son père l’avait violée. Nina, elle, s’est remise à parler peu à peu. Un soir, je l’avais couchée sur le canapé pour la changer, quand elle m’a dit :

« Le Monsieur m’installait comme ça, et il me mettait un doigt dans la foufoune et le cucul, comme un suppositoire. »

Je suis restée stoïque. Je lui ai expliqué que ça n’arriverait plus et je l’ai couchée. Mais j’ai tout de suite envoyé un mail à mon avocate, qui m’a dit d’aller porter plainte. Les enquêteurs avaient déjà la quasi-certitude qu’il avait aussi abusé d’elle, au vu des photos…

Et Camille ?

Elle avait 2 ans au moment des faits, mais plus tard, elle m’a raconté que Monsieur prenait en photo « [sa] foufoune et [son] cucul » et que, parfois, ma dernière fille de 9 mois était présente. Je suppose qu’il serait passé à l’acte avec elle aussi… J’ai expliqué à Camille que plus jamais il ne poserait les mains sur elle. Jamais !

Vous n’avez pas eu de craintes concernant vos fils ?

Je me demande si Étienne aussi n’a pas subi d’abus. Petit, il restait souvent seul avec son père. En 2017, il a commencé à grossir beaucoup alors qu’il était très mince. Il s’est renfermé d’un coup. Je crois que mon ex-mari n’avait aucune limite…

Comment avez-vous vécu ce choc ?

À 38 ans, je me suis retrouvée seule, en dépression, avec six enfants à charge. Je voulais être une maman forte devant mes enfants. Alors je pleurais la nuit, et je ne dormais pas. Un an après, je me suis effondrée. En octobre 2022, j’ai été hospitalisée en psychiatrie. Là, j’ai repassé ma vie au peigne fin. En fait, il y avait eu plein de signaux, mais à l’époque je ne savais pas les lire…

Et vos enfants ?

Mes relations avec Luc se sont dégradées. Étienne s’est effondré au collège. J’ai dû faire garder les petites par des nourrices. Aujourd’hui, ils se raccrochent à moi, à leur grand-père, à leurs amis. Mais ils ont été catégoriques devant la juge aux affaires familiales : ils ne veulent plus voir leur père. Camille ne le reconnaît plus sur les photos. Nina, elle, dit que c’est « un méchant monsieur en cage ».

Effectivement, Cédrix S. a été jugé et condamné le mois dernier par le tribunal correctionnel de Draguignan. Comment s’est déroulé le procès ?

Monsieur est arrivé tout sourire au tribunal. Mais pendant l’audience, il a fait semblant de pleurer, en disant qu’il n’était pas pédophile, et « content de ne pas l’être ». Pas une seule fois il ne nous a demandé pardon ! Moi, il ne m’a pas lancé un regard. Dans l’attente du verdict, il s’est affalé sur le banc, bras croisés…

Vous n’avez jamais pu avoir de confrontation avec lui ?

Je le voulais, mais le juge d’instruction a refusé. Au final, je pense qu’il a bien fait. Quel salopard, quel monstre ! Au procès, j’ai appris le détail de ses échanges avec d’autres pervers. Quand je pense qu’il a essayé de vendre Sandrine ! Mais ce n’est pas possible ! Mes pauvres filles, dans quoi elles sont tombées ?

Votre ex-mari a été condamné à huit ans de prison, six ans de suivi sociojudiciaire et déchu de ses droits parentaux.

Oui, mais j’ai été choquée que les viols sur mes filles ne soient pas reconnus (voir encadré ci-dessus). La peine n’a pas été assez lourde. Il va recommencer, c’est sûr !

Vous craignez pour l’avenir de vos enfants ?

On ne peut pas ressortir indemne de tout ça. Le plus affreux, c’est que les photos de mes filles continueront de circuler sur Internet. Elles devront vivre toute leur vie avec ça. C’est abominable.

UNE VIDÉO PAS EXPLOITABLE

Parmi les scellés figure le fichier 20210825_191522.mp4. Une vidéo de 19 secondes où l’on voit Cédrix S. essayer de pénétrer un enfant sous la douche. On entend l’enfant protester : « Non, ça fait mal ! »
Les experts ont conclu que le film avait bien été tourné à Sillans-la-Cascade – même carrelage, mêmes produits de toilette – en août 2021. Son visionnage avait d’abord conduit la justice à mettre Cédrix S. en examen pour tentative de viol. Finalement, cette inculpation n’a pas été retenue, sans doute en raison du caractère peu concluant des images.

*Les prénoms ont été changés.

Propos recueillis par Pauline Robert

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