
Livre | Le maître nageur, chronique de la pédophilie dans le sport
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 06/06/2025
- 16:41
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Loin de vouloir faire le portrait d’un pédocriminel, Jean-Charles Le Roux a plutôt décidé de mettre de l’avant l’histoire des victimes.
C’est-à-dire le récit de ces garçons qui ont vu leur enfance être fracassée au fil des entraînements et des compétitions; la parole de ces hommes qui ont, avec courage, finalement accepté de briser le silence et de dénoncer leur agresseur à la police.
Au départ, Jean-Charles Le Roux ne devait que rencontrer les victimes afin de répondre à leurs questions en vue du procès.
Il faut dire que le producteur et scénariste a lui-même longtemps fréquenté le milieu judiciaire et les tribunaux après la disparition de sa sœur, Agnès Le Roux, en 1977. Une affaire criminelle ultra médiatisée en France.
«Il y a eu quelques questions sur la procédure et sur la manière dont ça allait se dérouler mais, très vite, ils m’ont raconté leur enfance et ce que leur maître-nageur leur avait fait subir. […] Ça m’a beaucoup perturbé parce que j’ai des garçons qui ont le même âge. J’étais en face d’hommes visiblement bouleversés, inquiets, apeurés à l’idée de ce qui les attendait», se rappelle Jean-Charles Le Roux, en entrevue au Soleil.
Une histoire qui ne s’invente pas
Entre 1994 et 2011, Dominique Hébert alias «Chouchou», un maître-nageur adoré dans sa communauté, agressera sexuellement plusieurs garçons faisant partie des Marsouins, l’équipe de natation du village.
Les médias locaux le surnomment le «Dieu des maîtres-nageurs», car les jeunes athlètes du groupe cumulent les podiums.
Autour de lui, tout est ludique et amusant. Lorsqu’il abuse des enfants, il prétend leur proposer un jeu.
«J’ai vite compris que ce type, relativement immature, n’avait aucune conscience du mal qu’il avait fait. […] Il a très peu parlé au procès et, lorsqu’il parlait, c’était surtout pour dire: “je pensais leur faire du bien”. Ça, il l’a dit à plusieurs reprises»,
Partage l’écrivain, à qui l’on doit également le livre Une femme face à la mafia (1989).
Happé par cette «histoire folle», ce dernier a rapidement eu l’idée d’en faire un livre avec l’accord des principaux concernés.
En plus du dossier pénal de l’affaire et des discussions qu’il a eues avec certaines victimes, Jean-Charles Le Roux a mené des entrevues avec leurs femmes et leurs parents. Quelques proches de Dominique Hébert ont également accepté de lui parler.
En plus de briser le tabou autour des hommes agressés sexuellement, Le maître-nageur plonge ainsi les lecteurs au cœur de ce type de cause.
Il aborde notamment la question du consentement et à quel point celle-ci pèse sur les épaules des victimes… qui ont du mal à se défaire d’un sentiment de culpabilité.
«Est-on victime d’agression sexuelle lorsqu’on ne s’est pas senti agressé? Est-on violé lorsqu’on n’oppose aucune résistance?»,
Se demanderont notamment les anciens Marsouins, à l’aube de leur procès.
«Ça m’a extrêmement frappé lors de notre première rencontre. […] Pour eux, dans la mesure où ils n’avaient jamais été forcés ou violentés au sens strict du terme, ils se considéraient au pire comme complices et donc un peu coupables», raconte l’auteur.
Ce dernier illustre pourtant, au fil du livre, tous les impacts que ces agressions ont eus sur leurs vies personnelle, amoureuse et sexuelle.
Dans Le maître-nageur, Jean-Charles Le Roux met également en lumière l’aveuglement qui habitait les parents des jeunes athlètes, mais aussi tous les autres adultes en position d’autorité autour d’eux.
«Dominique, c’est un type très gentil, généreux. Il est assez altruiste. Il obtient des résultats fantastiques [en compétition]. Personne n’a de doute et, surtout, les gens n’imaginent pas le mal», explique M. Le Roux.
«Ce n’est pas possible. Ce type qui vient dîner à leur table régulièrement, qui fait des randonnées en VTT avec les parents des nageurs, qui emmènent les jeunes en vacances… […] Même lorsque l’affaire débute avec l’arrestation du maître-nageur, beaucoup de gens n’y croient pas. Il y a même certains parents qui disent à leurs enfants : “lorsque tu vas témoigner, tu vas dire que Dominique est un type bien et qu’il ne pourrait jamais faire une chose pareille”», ajoute l’auteur, encore étonné.
Aujourd’hui, il affirme avoir rencontré des parents qui sont «effondrés» et en colère.
“Parce qu’«il faut tout dire”
Jean-Charles Le Roux a réfléchi longuement à la façon dont il fallait écrire les scènes d’agressions vécues par les jeunes garçons. Il en est arrivé à la conclusion qu’elles ne devaient pas être effacées complètement de l’ouvrage.
«Très vite, je me suis dit que quitte à écrire un livre sur ce sujet-là, il fallait tout dire»,
Estime l’écrivain, qui a tout de même tenu à ne pas trop heurter le public.
Parce qu’il croit que cette histoire est «malheureusement universelle», l’auteur a volontairement masqué certains détails permettant d’identifier le lieu ou l’époque. En plus de changer évidemment le nom des victimes.
Il en convient toutefois, le sujet est «assez répulsif»… Au point où il a eu de la difficulté à trouver un éditeur pour publier son livre.
Pourquoi les gens devraient-ils lire cet ouvrage alors?
«Parce qu’il faut qu’on sache que ce genre de monstre existe»,
Répond rapidement M. Le Roux, soulignant l’«intérêt public» de son livre.
Le maître-nageur, Albin Michel, 202 pages, 2025, Jean-Charles Le Roux
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