Nouméa | Echange de vidéos pédopornographiques sur les réseaux sociaux

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Des centaines de nouvelles vidéos et photos pornographiques
Des centaines de nouvelles vidéos et photos pornographiques, impliquant des mineurs calédoniens, atterrissent sur le web. Ce contenu illégal est échangé sur un réseau social dédié, que nous avons infiltré avec l’aide de l’association de lutte contre la pédocriminalité Truly.

Une quinzaine de groupes quotidiennement actifs via un réseau social non crypté.

“C’est XXX du collège XXX, balance son profil FB frangin !” Entre 180 et 350 membres inscrits par groupe, souvent sans pseudonymes.

Des milliers de photos et vidéos pornographiques captées localement. Des mineurs nommément désignés ainsi que leur établissement scolaire.

Des majeurs qui s’échangent les coordonnées des victimes. Bienvenue dans le secret de polichinelle le moins bien gardé des adolescents calédoniens : les groupes Messenger d’échanges de contenus pornographiques et pédopornographiques.

Inquiétudes des associations spécialisées

À l’approche de la rentrée scolaire, ce phénomène local de trop grande ampleur, déjà connu par le parquet de Nouméa suite à un signalement de l’association Truly en septembre 2023, inquiète les associations spécialisées.

C’est un véritable danger pour notre société calédonienne, témoigne Carmen, la directrice de l’association SOS violences.

Les gamins se filment pendant leurs relations sexuelles, puis l’un des deux, pratiquement toujours le garçon, balance la vidéo sur les réseaux sociaux parce qu’ils se sont disputés. Et un jour, on aura un drame.”

Un exemple de “revenge porn”. Avec une dizaine de dossiers sur ce sujet, des “drames”, Carmen peut en parler sans détour :

Cette forme de harcèlement peut mener nos ados au suicide, tout simplement. Et ça, c’est inacceptable.”

 

Des données personnelles dévoilées sans scrupule

Ce qui choque le plus lorsque l’on infiltre l’un de ces groupes, c’est l’indécence avec laquelle ses membres peuvent divulguer l’identité des victimes dont le visage est rarement dissimulé.

Numéro de portable, nom, prénom, quartier de résidence, nom du collège, etc. Tout est balancé par des internautes sans scrupule, mineurs ou majeurs, tous reliés à une adresse IP facilement identifiable.

Pour les besoins de l’enquête, Brad, responsable bénévole de l’association de lutte contre la pédocriminalité Truly, nous a aidé à infiltrer un réseau actif.

Fort de 250 dossiers déposés en justice depuis 2020 sans aucune subvention, cet intercepteur de pédophiles présumés, ne mâche pas ses mots.

80 % de nos ados calédoniens sont ou seront confrontés à un prédateur sexuel. Le grand public n’a pas accès à ces groupes-là, moi je le vois tous les jours. Des gamins qui vont mettre fin à leur jour à cause de ça, il y en aura, j’en suis sûr.”

Le pourcentage de tentatives de suicide chez les jeunes Calédoniens du Nord et des Îles a doublé en sept ans, passant de 9,7 % en 2015 à 17,4 % en 2021, dernière année d’étude.

Quartiers Sud de Nouméa ? Même combat.

Je suis tombé sur un profil d’un jeune habitant à la promenade Pierre vernier. Il a fait un montage vidéo avec une des photos prises sur le vrai profil d’une gamine. On la voit en train d’avoir des rapports sexuels, alors que ce n’est pas elle. Ça, ça vous bousille une vie.”

Des femmes, souvent mineures, victimes

Retour sur la toile. Au cœur du groupe infiltré, la violence des images locales, avec ou sans pénétration, avec ou sans contraintes, est omniprésente.

Des lieux emblématiques, une voiture calédonienne, des collèges et lycées facilement reconnaissables.

Pas de doute, elles ont été tournées en Nouvelle-Calédonie. Et toujours ce même constat majeur : les victimes présentes sur les contenus, souvent mineures, sont des femmes.

Les auteurs de leur publication et ceux qui les partagent, des hommes. Une inégalité de genre que l’on retrouve évidemment dans les affaires de violences sexuelles et/ou de viols, quelques années plus tard, chez les adultes.

L’association Prisme, qui sensibilise à la santé affective, intervient dans toutes les classes de 4e de la province Sud et des Îles, et dans toutes les 2nd des lycées des trois provinces.

Tous les enfants doivent avoir le même degré d’information, précisent Pauline et Frédérique les co-responsables. Ces groupes ont des effets dévastateurs sur les adolescents. Une famille calédonienne a dû quitter le pays à cause de cela.”

Des sanctions internes ont discrètement été prises dans certains collèges et lycées de Nouvelle-Calédonie. Vendredi 7 février, un habitant de Touho, déjà condamné pour des violences sur sa nièce, sera jugé par le tribunal correctionnel pour “propositions sexuelles faites à un mineur de moins de 15 ans”.  

Selon, les associations qui pourraient se porter partie civile, aucune enquête n’a été déclenchée par le parquet sur ce sujet.

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