Val-De-Marne | Jade reçue par un juge aux affaires familiales de la cour d’appel de Paris

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Suite à un premier jugement ayant donné la garde au père alors qu’il n’avait jamais vu son enfant
Jade était reçue ce mercredi par un juge aux affaires familiales de la cour d’appel de Paris, qui doit statuer sur la garde de sa fille, âgée 12 ans. Un premier jugement avait donné la garde au père, alors qu’une procédure à son encontre pour viols sur la mère est en cours.

Son regard apparaît entre un masque noir et une casquette de la même couleur, profondément enfoncée sur la tête. Une larme glisse sur sa joue.

« La juge nous a entendues et nous a laissées parler », raconte Jade

visiblement soulagée, à une poignée de militantes venues la soutenir devant le palais de justice de Paris, sur l’île de la Cité (Ier).

Cette mère avait rendez-vous devant un juge des affaires familiales (JAF) à la cour d’appel de Paris, ce mercredi matin, pour statuer sur la garde de sa fille de 12 ans.

« Dans la salle d’attente, des avocats rappelaient que les rendez-vous sont censés durer quinze minutes », décrit Assia Benziane, adjointe au maire (SE) de Fontenay-sous-Bois, chargée du droit des femmes, de l’égalité et des relations internationales, et la créatrice du comité de soutien #JusticePourJade, avant d’estimer qu’on « ne décide pas de la vie d’un enfant en si peu de temps ».

Une première décision ubuesque

Au final, l’entretien a duré près de quarante-cinq minutes.

« Le jugement devrait être rendu d’ici trois ou quatre mois », estime Jade, qui se bat depuis de longs mois.

En janvier 2022, un premier JAF du tribunal de Créteil lui avait retiré la garde de sa fille pour la remettre au géniteur, qui ne l’avait pourtant jamais vue.

Outre cela, elle avait eu l’interdiction de quitter le territoire avec son enfant.

Elle devait également s’acquitter d’une amende de 10 000 euros.

Cette décision judiciaire, décrite comme « ubuesque » par Assia Benziane, également référente égalité pour l’association des maires d’Île-de-France, avait entraîné un vaste mouvement de solidarité, avec la signature d’une pétition.

Depuis cette première décision, la fille, une collégienne de 5e, vit toujours avec sa mère et suit une scolarité normale.

« Cette histoire est folle. On ne peut pas retirer comme cela un enfant pour le remettre dans les mains d’une personne, même son supposé père, qui ne l’a jamais vu », dénonce une militante. 

Un combat psychologiquement épuisant

« Comment un juge peut prendre une telle décision, alors qu’un juge pour enfants a mené une enquête et indique que la petite va très bien ? En quoi la confier à un inconnu va lui être favorable ? »

interrogeait il y a deux ans Sarah Lebailly, amie de Jade avant même la naissance de sa fille et membre de la Collective des mères isolées, à Montreuil (Seine-Saint-Denis).

« Cela fait douze ans qu’elle se bat et qu’elle a entamé des démarches judiciaires contre cet homme, résume l’élue de Fontenay-sous-Bois. J’ai l’impression que cette procédure est le seul moyen pour le géniteur d’avoir encore de l’emprise sur Jade. »

Un combat psychologiquement très lourd et épuisant.

Elle a d’ailleurs contracté une longue maladie et vit toujours cachée.

Son ex-mari a déjà fait l’objet de deux rappels à la loi pour harcèlement.

Jade avait ensuite déposé plainte pour viols en 2016. Une première plainte classée sans suite, avant que le dossier ne soit réexaminé.

« L’affaire est en cours, nous ne pouvons pas en parler », rappelle Assia Benziane.

En complément: En janvier 2022, sa plus grande crainte est que sa fille de 10 ans n’apprenne comment elle a été conçue.

Alors Jade utilise un nom d’emprunt, se dissimule derrière un masque blanc et sans expression pour les photos, ne dit pas dans quelle ville du Val-de-Marne elle vit, change régulièrement d’adresse…

Sa vie est ainsi depuis le début de son combat judiciaire.

La dernière décision défavorable qu’elle vient de recevoir, qui confie la garde de sa fille à son ex-conjoint qu’elle accuse de viols et séquestration, a décidé celles qui connaissent son histoire à créer un comité de soutien.

« Jade est à bout de forces, ce qui lui arrive est un enfer, se désolent ces militantes des droits des femmes.

Le juge l’a même condamnée à verser 10 000 euros à celui qui l’a violée parce qu’elle ne lui confie pas sa fille ! »

Une pétition adressée au président de la République vient d’être mise en ligne sur le site Change.org et un rassemblement est prévu ce samedi, à 14 heures, sur les marches du tribunal de Créteil. Une page Facebook et un hashtag #justicepourjade ont également été créés.

« Les témoignages de femmes elles aussi en difficulté pour faire reconnaître leurs droits par la justice affluent », insiste Assia Benziane (SE).

L’élue aux droits des femmes et à l’égalité de Fontenay-sous-Bois, qui reçoit des victimes de partout en France, suit Jade depuis le début de son histoire et veut croire en un « #MeToo de la justice qui suivrait enfin la libération de la parole des victimes ». Elle milite pour « la suppression de la sacralisation du lien génétique » par les tribunaux.

Début janvier, celui de Créteil a choisi de confier la garde de la fille de Jade à

« celui qui n’est rien d’autre que son géniteur et mon violeur » tempête la mère de famille, qui rappelle que l’enfant « ne l’a jamais rencontré de sa vie et ignore comment elle a été conçue ».

Son ex-mari a déjà fait l’objet de deux rappels à la loi pour harcèlement. Jade a ensuite déposé plainte pour viols en 2016. Mais cette plainte-là, dont Le Parisien a pu voir une copie, et qui lui a demandé « tellement de force », ne figure même pas dans le dossier dont dispose le parquet. Contacté, le tribunal n’a pas répondu à nos sollicitations.

Sa plainte pour viol perdue puis classée sans suite

Après avoir dû batailler pendant trois ans contre un cancer agressif, la mère de famille relance la procédure, s’étonnant de l’absence de suites.

Les policiers ne transmettront pas au parquet le certificat du centre de psycho traumatisme qu’elle fréquente depuis huit ans, mais le document de l’unité médico-judiciaire qui lui attribue plus de 45 jours d’interruption totale de travail, pour « le retentissement psychologique important » a bien été fourni mais ignoré.

La plainte est classée sans suite car « insuffisamment caractérisée », selon le parquet de Créteil.

Pendant ce temps, l’ex-mari multiplie les procédures pour obtenir la coparentalité, puis un droit de visite.

« Mais jamais il ne demande à voir sa fille, il ne l’a reconnue qu’au bout de 18 mois. La connaître, ce n’est pas ça qui l’intéresse », assure Jade.

Selon le comité de soutien, le but de l’ex-conjoint, de nationalité algérienne, serait d’obtenir des papiers en France et « d’atteindre Jade ».

Le « cloisonnement entre les dossiers au pénal et au civil est invraisemblable dans cette affaire », regrette Aurélie Gigot, du comité de soutien.

La fillette, elle, est « épanouie, brillante à l’école et au conservatoire » précise Sarah Lebailly, amie de Jade avant même la naissance de sa fille.

Membre de la Collective des mères isolées de Montreuil (Seine-Saint-Denis), elle ne comprend pas « comment un juge peut prendre une telle décision alors qu’un juge pour enfants a mené une enquête et indique que la petite va très bien. En quoi la confier à un inconnu va lui être favorable ? »

Jade dispose par ailleurs d’un document précieux : une « évaluation personnalisée des victimes », dont le contenu est très clair sur la mise en danger que représenterait pour Jade et sa fille l’obligation de revoir Monsieur.

Ce document, qui met en avant « le stress post-traumatique complexe » de la mère, classe comme « très élevés » tous les risques liés à son ex-mari.

Il recommande même l’usage d’un bracelet anti-rapprochement

Quand j’ai vu l’affaire Chahinez  je me suis totalement identifiée

« Jade a fait toutes les démarches qu’une victime peut faire pour dénoncer les faits et protéger sa fille. Ce jugement ne se situe pas dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Il punit Jade pour ne pas s’être soumise à une coparentalité avec le violeur » défend Assia Benziane.

Cette ancienne cadre a même témoigné pendant le Grenelle sur les violences conjugales et a été auditionnée par le Haut conseil à l’égalité.

« Quand j’ai vu l’affaire Chahinez, je me suis totalement identifiée, je vis cachée depuis des années pour échapper à cet homme. La dernière décision a été prise sans audience, une autre avant sans mon avocate qui avait demandé le renvoi et ne l’a pas obtenu ! »

Reste la possibilité de déposer une nouvelle plainte pour viols, avec constitution de partie civile. Ce qu’elle fera dès qu’elle aura trouvé un nouvel avocat.

« L’aide juridictionnelle c’est bien mais les avocats ne restent pas » regrette Stéphanie Michel (LFI), conseillère municipale de Fontenay-sous-Bois et membre de Femmes Solidaires, qui la suit depuis des années.

Les élus de cette ville ont décidé d’écrire au président du tribunal de Créteil.

En attendant, Jade est « interdite de quitter le territoire » jusqu’à la majorité de sa fille.

« La situation est surréaliste, il y a de quoi devenir dingue, souffle-t-elle, en pleurant. L’essentiel c’est de continuer à protéger ma fille. »

 

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