Les réseaux pédocriminels n’existent pas | Round 53 | Réseau Nygard

non

Corruption, exploitation sexuelle et cellules souches : focus sur les affaires de Peter Nygard
Nygard image A Donde Vamos
Début décembre, un riche entrepreneur Canadien dans la mode a été arrêté au Canada. Plus de cinquante femmes ont porté plainte contre lui pour du harcèlement, des agressions sexuelles, des viols, généralement après avoir été droguées et alcoolisées. Certaines étaient mineures.

Le podcast complet de cet article est téléchargeable ci-dessous (clic-droit puis “enregistrer la cible du lien sous”) ou à retrouver sur notre chaine Youtube.

Peter Nygard est aussi un fan du rajeunissement, et était prêt à tout pour lancer son centre de “médecine régénérative” aux Bahamas.

Nygard est intéressant car il est révélateur d’un véritable système de corruption dont un élément incontournable est l’exploitation sexuelle de mineures.

Le 14 décembre, le magnat de la mode Canadien Peter Nygard a été placé en détention et devrait d’être extradé suite à une procédure lancée aux Etats-Unis, où une vingtaine de femmes ont témoigné contre lui.

Il est poursuivi via une action collective pour des viols et agressions sexuelles sur 57 femmes et adolescentes, mais beaucoup d’autres n’osent pas rejoindre la procédure.

Jet setteur bling bling et prédateur

Les pratiques de Nyberg sont similaires à celles d’Epstein : il attirait dans ses filets des jeunes filles, dont certaines n’avaient que 14 ans, à qui il imposait des relations sexuelles. Il leur faisait miroiter une carrière de mannequin ou dans la mode.

Nygard, qui n’avait pas d’amis à moins de les payer, aimait beaucoup s’afficher avec des bimbos à son bras. Nygard, qui explique avoir inversé son vieillissement, a fréquenté un temps l’ex playmate de Playboy à la fin tragique Anna Nicole Smith, Pamela Anderson ou l’ex miss Finlande 1991, avec laquelle il a eu une brève relation en 1994, bien avant qu’elle ne devienne ministre de la Culture [1].

Et aussi avec des people : on le voit à côté de Bush 1er, de Bill Gates, de son ami le prince Andrew et son ex femme, venus en famille dans sa villa des Bahamas en juin 2000. Cette année-là, Mickael Jackson et Bush 1er sont aussi venus. Il y a aussi eu Oprah Winfrey ou Sean Connery.

Il est question dans cette affaire de “centaines de victimes” potentielles depuis 1995, voire avant puisque certaines accusations sont étouffées depuis 40 ans. En 1980 déjà il a comparu devant un tribunal pour des accusations de viol sur une ado de 18 ans mais finalement la plaignante a refusé de témoigné et il n’a pas été condamné.

Il y a aussi Jonna Laursen, une couturière danoise émigrée au Canada en 1980 qui a travaillé pour Nygard, qui dénonce du harcèlement, des menaces, des viols avant d’être renvoyée et de rentrer au Danemark en 82. L’affaire n’a jamais été publiée dans la presse canadienne en raison du réseau de relations de Nygard et de son influence.

Autour de lui, tout un réseau de complices opérait, mais comme ce fut le cas avec Epstein, aujourd’hui plus personne ne le fréquentait. Les filles étaient alcoolisées, Nygard leur fournissait de la drogue, et il les “partageait” avec des politiciens notamment en échange de petits services ou de l’impunité.

Il payait des flics des Bahamas pour falsifier des rapports. Des policiers venaient aussi régulièrement [2].

Apparemment, il ciblait les filles de familles pauvres ou qui avaient déjà subi des violences sexuelles. Il les maintenait sous pression avec des promesses, un peu d’argent ou des menaces, selon les circonstances.

Apparemment, Nygard se doutait qu’il n’allait pas tarder à se faire attraper, car il a liquidé une partie de ses actifs récemment, et a extrait un maximum d’argent de son entreprise.

Selon Radio Canada,

“Le FBI affirme que Peter Nygard utilisait ses entreprises pour payer le recrutement de victimes, des frais de déplacement de voyage, des chirurgies esthétiques, des avortements et des traitements médicaux.

La police fédérale américaine ajoute aussi qu’il utilisait ses employés et ses fonds pour contrer la publicité négative et la manipulation illégale de témoins”.

L’argent était pour lui un “lubrifiant personnel”.

L’affaire a éclaté en février 2020 quand le New York Times a publié un article sur Nygard. A l’origine, les journalistes enquêtaient sur un conflit foncier entre Nygard et son voisin aux Bahamas le milliardaire Louis Bacon, mais cette guerre juridique a débouché sur des accusations d’exploitation sexuelle d’adolescentes. Ils avaient interviewé une dizaine de femmes qui accusaient Nyberg de viols ou agressions sexuelles, ainsi que 9 autres qui avaient déjà porté plainte.

Le 13 février, une dizaine de femmes portaient plainte et dans la foulée, le FBI a organisé une perquisition dans ses bureaux à Manhattan et Los Angeles.

En 2015 Bacon avait engagé une boite de sécurité texane, TekStratex, pour enquêter sur les pratiques sexuelles de Nygard, et amener les autorités à enquêter à ce sujet. Elle avait trouvé plusieurs témoins, dont d’ex employés de maison du pervers. Mais l’enquête du ministère de l’intérieur des Bahamas n’avait débouché sur rien.

Puis cette boite a présenté une quinzaine de femmes des Bahamas à des avocats pour entamer des poursuites. Six d’entre elles ont déposé plainte pour des viols à la police des Bahamas, particulièrement corrompue, surtout par Nygard. En effet, quand des filles arrivaient à s’échapper de sa villa, c’était souvent la police qui les y ramenait [3].

En avril 2020, 17 Canadiennes avaient entamé des poursuites contre Nygard, en plus des dix Américaines et bahaméennes. Trois d’entre elles avaient 16 ans ou moins, et l’une avait 14 ans au moment des faits, quant aux Américaines et Bahaméennes, trois d’entre elles avaient 14 ans et trois autres avaient 15 ans.

Selon la plainte des Canadiennes,

“Peter Nygard a utilisé son influence considérable dans l’industrie de la mode, sa richesse, son pouvoir grâce à la corruption de fonctionnaires et un réseau d’employés de l’entreprise sous sa direction, pour kidnapper, amadouer et attirer des enfants et des femmes”.

Il a officiellement démissionné de ses fonctions de dirigeant de son groupe en février 2020 (mais continuerait à le diriger dans les faits) et n’a pas franchement collaboré avec la justice. Il savait depuis l’été 2019 que le New York Times enquêtait sérieusement à son sujet. Il a aussi été mis au courant des enquêtes du FBI et du Département de la Justice aux Etats-Unis, avant les perquisitions du 26 février 2020. Cela lui a laissé le temps de s’organiser avec ses rabatteuses et autres employés compromis pour tenter de s’assurer qu’ils allaient garder le silence au sujet du réseau d’exploitation sexuelle.

Le directeur d’une entreprise de Nygard a détruit plus de 1.000 documents relatifs aux accusations de harcèlement et d’agressions sexuelles ou viols, juste après que le tribunal lui ait demandé de fournir des éléments d’explication. Les réseaux sociaux ont aussi été nettoyés, ainsi que les sites web de certaines entreprises de Nygard.

Quant à Medeiros, elle a fui au Brésil après les perquisitions chez Nygard, tout en restant en contact avec lui et ses avocats. Elle résidait à Rio de Janeiro chez un chirurgien esthétique de Beverly Hills qui avait déclaré quelques mois plus tôt ne pas avoir eu de ses nouvelles depuis bien longtemps.

Une base de données 7.500 noms de victimes potentielles

Nygard est né en Finlande en 1941 mais ses parents ont émigré au Canada en 1952. Il a fait ses études à l’université du Dakota du Nord et en 1967 il aurait démarré avec sa première entreprise de fabrication de vêtements à Winnipeg avec une mise de 8.000$ et un prêt pour racheter 20% de l’entreprise où il était chef des ventes à son fondateur. Il en a vite racheté la totalité, a créé sa propre marque et aujourd’hui il a 170 boutiques en Amérique du Nord, 12.000 employés et un chiffre d’affaires de 500 millions de dollars par an.

Il possède des usines de fabrication de vêtements, dont une au Cambodge où les employés ont du se battre pour améliorer leurs conditions de travail.

Il a aussi des entreprises enregistrées aux noms d’employés. Il possède deux jets privés, des Boeing 727 avec son nom écrit dessus et de nombreuses propriétés dont une grande villa sur une île des Bahamas, appelée Nygard Cay, avec des copies de temples Mayas, des têtes géantes de lions à l’entrée et une boîte de nuit. Sa fortune était estimée à 750 millions de dollars en 2009 et plus de 900 millions en 2020.

Au total, il y aurait eu jusqu’à une trentaine d’entreprises liées à Nygard. Et il est toujours propriétaire à 100% de ses entreprises, directement ou indirectement.

Les premières accusations contre Nygard remonteraient aux années 70 mais n’ont pas eu de suites judiciaires.

Au début des années 80, Nygard a étendu son business aux Etats-Unis, où il est désormais aussi propriétaire de fermes de cannabis, à but médical bien-sûr. C’est en 1987 qu’il a acheté son terrain aux Bahamas, agrandi sans permis et en détruisant l’environnement, ce qui lui a valu quelques procédures.

Elle a été en partie détruite en 2009 par un incendie électrique [4].

Et ses entreprises lui ont servi à organiser son petit trafic d’exploitation. La plainte dans le cadre d’une des procédures contre le vieux pervers précise :

“Les sociétés de Nygard ont promu et / ou fait progresser la carrière des employés qui ont facilité, aidé, encouragé et dissimulé les crimes sexuels de Nygard”,

et qu’elles ont “payé, promu et récompensé d’autres manières un cercle proche de cadres supérieurs et d’employés des entreprises de Nygard pour participer activement au actes de Nygard et / ou à son entreprise de trafic sexuel illégal,

pour fermer les yeux sur ses abus sexuels et pour camoufler ses crimes”.

En gros, une telle entreprise s’appelle une organisation mafieuse.

A partir des années 90, il est question de “soirées dorlotage” (pamper party) qu’il organisait chaque semaine ou presque, et auxquelles il demandait à ses employés de ramener des filles. D’ailleurs, ce sont les employés de ses compagnies qui organisaient tout, y compris l’appel des filles et les messages d’appel sur les réseaux sociaux.

Elles étaient prises en photo (portrait et plain-pied), le tout était envoyé par mail à Nygard qui choisissait les victimes pour la soirée. Il s’était créé tout un fichier avec des informations pour sélectionner ses cibles qui au milieu des années 2000 comptait déjà 7.500 noms de femmes, y compris des mineures.

Les filles étaient classées en fonction de leurs performances, en catégories A, B etc. Les informations les plus anciennes dataient de 1987, selon la justice.

La base de données était hébergée sur les serveurs des entreprises de Nygard et sa maintenance était assurée par le département informatique des entreprises de Nygard, dirigé par un certain Daane Clifford, mort soudainement à 44 ans en mai 2019, “seulement quelques semaines après la découverte de l’enquête du New York Times à ce sujet”, précise un document judiciaire.

Apparemment, Daane Clifford travaillait aussi sur les voyages avec les avions de Nygard et jouait un rôle pivot dans l’organisation du trafic.

Ces “pamper party” étaient financées par des détournements d’argent de ses entreprises, tout comme les filles qu’il utilisait, et qui étaient rémunérées en tant que “modèles”. Certaines obtenaient ainsi des passeports ou visa d’immigration. Nygard pouvait aussi leur payer des opérations de chirurgie esthétique.

Une des victimes, une ancienne employée, raconte qu’elle l’a rencontré pour la première fois à une de ses “pamper party” qui a fini sur son yacht, où il l’a encouragée à boire beaucoup avant de la violer et de lui donner 500$.

La “girlfriend” du moment de Nygard était une de ses amies et lui a permis d’avoir un travail avec le vieux pervers, au cœur du système des voyages et des rémunérations des victimes.

Elle a été violée plusieurs fois pendant qu’elle travaillait pour Nygard, et a aussi assisté à des remises de cash à des politiciens, des fonctionnaires, des flics, et la remise de ses “girlfriends” à ces individus comme gratification sexuelle ou rémunération.

“Dans les mois précédant l’élection générale de mai 2012, beaucoup de politiciens ont visité Nygard Cay [sa propriété aux Bahamas] afin de recevoir du cash pour leur campagne”, a-t-elle attesté.

Une ex Playmate de Playboy anglaise, Melissa Howe, a expliqué au Daily Mail que c’est justement à une de ces “pamper party” que Medeiros l’a invitée en avril 2017 (elle avait 26 ans). Arrivée sur place dans sa villa de Los Angeles, elle y a vu une dizaine de jeunes modèles que Medeiros faisait boire et des esthéticiennes leur faisant des manucures et pédicures, et au bout de quelques heures Medeiros est venue la chercher pour aller voir Nygard, 79 ans au compteur, dans sa chambre :

“Elle essayait de me pousser à monter et de me laisser seule.

Je n’étais pas à l’aise, je savais que c’était douteux et je devais partir”.

Il pouvait aussi emmener les victimes dans des soirées échangistes à New York. La plainte des dix premières plaignantes précise qu’il obligeait régulièrement ses “girlfriend” “à l’accompagner dans les clubs échangistes de New York” où il les “forçait à lui trouver des couples pour avoir des relations sexuelles avec. Il a aussi payé, forcé et/ ou contraint ses “petites amies” à avoir des relations sexuelles avec d’autres hommes pendant qu’il regardait”.

Plusieurs témoins ont parlé, depuis quelques années, des délires scatophiles de Nygard, qu’il apprécie apparemment quotidiennement et dès le matin quand d’autres prennent un café. Il lui est arrivé de payer plusieurs milliers de dollars pour éviter la diffusion d’une vidéo où une femme pratique ça sur lui. Il était aussi violent, aimait rabaisser les filles.

Une victime de 14 ans a déclaré qu’il a commencé par lui montrer un film scatologique avant de l’obliger à le sodomiser et de la violer. Une autre, 14 ans également, explique que Nygard et ses employés l’ont fait boire puis il lui a fait prendre 3 pilules et l’a emmenée dans sa chambre où elle est tombée inconsciente en sa présence. Le lendemain il était à côté et il y avait du sang sur le lit et sur elle. Nygard lui a donné 5.000$ pour qu’elle se taise [5]. Ces deux filles, issues de familles pauvres des Bahamas, étaient vierges avant de croiser ce taré.

Une autre, âgée aussi de 14 ans, a rencontré Nygard dans une rue de Winnipeg où traînent beaucoup les ados. Il lui a promis de l’emmener en Californie pour devenir mannequin et l’a violée à plusieurs occasions avant de la payer. En 1979 déjà, une femme l’accuse de l’avoir violée à l’âge de 14 ans après l’avoir alcoolisée et droguée. La technique Polanski.

Mais Nygard saisissait chaque occasion disponible pour agresser des femmes, et certaines de ses victimes avaient 30 ou 40 ans lors des faits.

La justice a listé plusieurs paraphilies sur lesquelles on ne va pas s’étaler. Mais la “pédophilie” n’est pas franchement listée : même s’il est bien précisé qu’il préférait les mineures, il n’est pas officiellement question de filles de moins de 14 ans. Ce qui est étonnant tout de même puisqu’il disait aux recruteurs et recruteuses que “le plus jeune c’est le mieux”.

Ses préférées parmi les moins dégoûtées pouvaient accéder au rang de “girlfriend”, c’est-à-dire en réalité les rabatteuses en chef comme Suelyn Medeiros, qui est dans l’entourage de Nygard depuis 2010, mais a gravi les échelons jusqu’à devenir “girlfirend” en 2015.

Elle était rémunérée à plein temps par les entreprises de Nygard mais était en fait sa prostituée personnelle. Elle a été arrêtée en juillet 2020 à Rio de Janeiro en compagnie de deux adolescents, pour détention de cocaïne et drogues de synthèse, et est visée par plusieurs accusations dans le cadre de la procédure contre Nygard, pour avoir recruté des filles.

Si les “girlfriends” (les recruteuses) ne ramenaient pas de victime, il s’en prenait à elles violemment et ce sont elles qui y passaient finalement. Mais si elles en trouvaient elles recevaient plusieurs centaines à plusieurs milliers de dollars en cash.

Une plainte d’une victime âgée de 18 ans lors des faits en 2010 explique que

“Medeiros a recruté, attiré et contraint” une des victimes “à se rendre dans l’enceinte privée de Nygard,

et une fois retenue là-bas, Medeiros a dit à qu’elle devait avoir des relations sexuelles avec Nygard,

précisant que cette relation sexuelle forcée serait “vraiment rapide et facile”.

Après que la victime terrifiée ait refusé, Medeiros et Nygard se sont associés pour la séquestrer et la droguer.

Nygard l’a ensuite violée par la force”.

Medeiros a amené la victime, qui rêvait de devenir mannequin, en boîte et l’a faite boire avant de lui proposer un voyage sympa aux Bahamas pour une grande fête chez un ami qui avait une entreprise de mode. Le voyage a été rapidement organisé avec une entreprise de Nygard.

La plainte précise encore :

“En tant que «travailleuse du sexe», son travail [à Medeiros] consistait à avoir des relations sexuelles avec Nygard

et à recruter et à attirer d’autres jeunes femmes à avoir des relations sexuelles avec

(ou être violées, agressées sexuellement ou sexuellement battues par) Nygard”.

Quand la police lui a demandé pourquoi elle faisait cela, Medeiros a répondu qu’elle préférait autant que ce soient ces filles qui passent à la casserole plutôt qu’elle.

Quand il est sorti avec Pamela Anderson, il avait alors une autre “girlfriend” officielle, mais Anderson était tout de même rémunérée 38.000$ par mois pour la fonction. Il serait aussi sorti contre rémunération avec l’actrice Beverly Johnson, qui fait partie des plaignantes contre Bill Cosby (elle l’accuse d’un viol après l’avoir droguée au milieu des années 80).

Des hommes lui ramenaient aussi des femmes, notamment un certain Rikk, qui lui envoyait des “cargaisons” depuis Los Angeles dans son avion privé, faisant un ou deux arrêts au Canada, à New York ou Altlanta pour prendre de nouvelles passagères avant d’arriver aux Bahamas. Des films étaient tournés lors des partouzes dans l’avion, sur le yacht ou chez Nygard.

Il était devenu intouchable. Quand l’affaire du viol a eu lieu en 1980, l’éditeur du Winnipeg Free Press a annulé la publication d’un article suite à des pressions de “caïds” locaux et de businessmem proche de Nygard.

SI Nygard est tombé, c’est parce qu’il a dérangé plus puissant que lui. Louis Bacon a mis la main sur de nombreux témoins, sur certaines victimes, et aussi sur le vidéaste personnel de Nygard, en possession de plus de 1.000 heures d’enregistrement de la vie personnelle et des différentes rencontres du vieux pervers.

Un réseau d’exploitation et de corruption

Les agressions pour lesquelles il est poursuivi auraient eu lieu dans ses propriétés à Winnipeg, Toronto et Falcon Lake au Canada, dans sa villa de Californie, aux Bahamas et dans son avion. A Nygard Cay, sa propriété des Bahamas où avaient lieu de nombreux viols, Nygard avait toute une équipe de sécurité qui veillait à ce que les filles ne s’enfuient pas car aucune ne pouvait partir sans son autorisation, et qui pouvait aussi garder la porte de sa chambre pendant les attaques.

Il appelait ses dernières victimes “viande fraîche” ou “sacrifices”.

Certaines victimes ont déclaré avoir été séquestrées alors qu’elles étaient mineures, quelques-unes sont restées à sa disposition pendant des mois en allant et venant. Il a aussi pu en transporter certaines en avion à travers le monde (notamment en Chine), avec des papiers obtenus par le biais de son entreprise qui recrutait des “modèles”.

Medeiros aussi voyageait beaucoup avec son avion privé, seule ou accompagnée.

Comme Epstein, Nygard disposait d’un réseau de rabatteuses qui appelaient des jeunes filles au téléphones pour les faire venir à ses soirées. Ils les trouvaient grâce à certaines de leurs invitées, ou leur mettaient le grappin dessus dans des magasins, dans la rue, dans des boîtes de nuit.

Dans la plainte d’une des victimes contre Medeiros, il est expliqué que

“Les “petites amies” de Nygard étaient des travailleuses du sexe rémunérées et généralement victimes de Nygard qui ont été manipulées, forcées et/ou contraintes de travailler comme “petite amie” pour Nygard.

Ces «petites amies» étaient payées en fonction de leur race, de leur origine ethnique, de leur apparence physique, du niveau de conduite sexuelle avec Nygard et, aussi, le nombre de jeunes femmes jolies qu’elles pouvaient ramener à Nygard pour des relations sexuelles”.

Car Nygard est raciste : les filles Noires étaient payées entre 3 et 7.000$ suivant les tâches à accomplir, les Blanches entre 5 et 10.000$.

Nygard organisait des soirées prisées du gratin, notamment du show biz, où des filles de 14 ans étaient présentes. L’actrice Jessica Alba a évoqué une soirée en 2004 a décrit

“ces filles qui ont l’air d’avoir 14 ans dans le Jacuzzi, enlevant leurs habits”.

Quand la fête battait son plein, on faisait rentrer des filles alcoolisées et droguées, notamment avec du Rohypnol ou du “happy juice”, dans la chambre de Nygard.

En mai 2018, un message posté sur Facebook par quelqu’un qui disait avoir été en 2007 et 2015 le gérant de la propriété de Nygard aux Bahamas sous le nom de Jestin Sands évoquait les festivités orgiaques de Nygard.

“J’ai été témoin de nombreuses activités vraiment étranges et criminelles.

Ces activités incluaient des crimes contre des gens, notamment des viols et des enlèvements, et des crimes contre l’État des Bahamas,

comme des violations fréquentes des règles d’immigration”,

le tout facilité par la corruption de policiers, hauts fonctionnaires et politiciens locaux, explique ce message

Nygard et ses invités agressaient les filles présentes, “La vie de gens était mise en danger quotidiennement” dans cette villa, dit l’auteur qui explique avoir fui les Bahamas fin 2015 pour le Canada, probablement avec l’aide de Bacon. Il explique que si les filles, bien qu’alcoolisées, refusaient les relations sexuelles, Nygard les retenait sur place.

Il raconte qu’une fois l’ambassade US est même intervenue pour que la police locale vienne libérer une jeune Américaine séquestrée dans la villa de Nygard [6].

Nygard utilisait les filles pour obtenir des faveurs de la part de personnalités qui pouvaient faire avancer son business de cellules souches ou arranger ses affaires : la plainte des dix premières victimes mentionne notamment que

Nygard a “fourni à des membres du Parti Libéral, parmi lesquels Shane Gibson, et corrompu des policiers,

avec des enfants et des jeunes femmes pour se livrer à des actes sexuels commerciaux.

Nygard l’a fait pour gagner de l’influence auprès de ces politiciens et responsables de l’application de la loi,

ainsi que pour obtenir des informations compromettantes à leur sujet et afin d’exercer une influence sur eux”.

En 2012 et 2013 il a ainsi filé plus de 94.000$ directement sur son compte à un député du parti, futur ministre, Shane Gibson, et a versé régulièrement des chèques à Philip “Brave” Davis, ministre du travail de 2012 à 2017 (il a aujourd’hui remplacé Christie comme leader du parti libéral). Et quand les libéraux ont gagné les élections en 2012, Nygard a organisé une grande fête dans sa propriété où tous les pontes du parti, y compris Christie, étaient présents.

Le chef de la police Solomon Cash et ses sbires enterraient systématiquement les plaintes contre Nygard, le tenaient au courant presque en direct de l’avancée de l’étouffement, pistaient les gens qui l’ennuyaient et pouvaient même les menacer de les arrêter. Et Nygard se vantait très souvent de ses contacts haut placés devant ses victimes.

Quand il a appris qu’une enquête était menée sur son trafic sexuel, il a engagé des avocats

“pour faciliter le paiement des pots-de-vin à de hauts fonctionnaires de la police des Bahamas pour obtenir plus d’informations qui lui permettraient de corrompre des victimes, de les intimider pour les faire taire”, précise la plainte collective.

En plus de tout ce petit monde, Nygard payait aussi les médias locaux et invitait des journalistes et responsables de médias dans sa propriété pour avoir des articles favorables et faire sa propagande.

Le système de corruption de Nygard est ancien. Une des victimes, “Jane Doe 55”, une Américaine, a rencontré Nygard en 1980 quand elle avait 14 – 15 ans alors qu’elle était en fugue et qu’il lui a proposé de venir avec lui en Californie dans sa villa de Playa del Rey. Durant son séjour là-bas elle déclare avoir eu de nombreuses relations sexuelles avec Nygard, et qu’il l’a forcée à avoir des rapports avec environ une centaine de types [7]. Il l’a aussi inscrite à une école de mannequins.

Ce témoin, qui s’est aussi exprimé devant la justice, explique que les filles arrivaient avec son avion privé,

“traversaient l’aéroport sans montrer leur passeport, sans passer par la douane ou l’immigration parce que Mr Nygard avait payé les fonctionnaires des douanes et de l’immigration”.

Il arrivait en général de nuit avec 5 à 8 femmes avec lui, pas toujours déclarées sur la liste des passagers. Elles venaient notamment du Brésil, de République Dominicaine, de Belize, des Iles Caïman…

Du coup, elles ne pouvaient repartir qu’avec lui puisqu’elles étaient entrées illégalement et qu’elles n’avaient pas ni billet ni argent pour en payer. Apparemment, les étrangères n’entraient jamais aux Bahamas avec un visa, et l’avion n’était jamais fouillé. D’ailleurs, il a aussi ramené des ouvriers, notamment deux électriciens allemands, pour ses chantiers par le même biais, ainsi que certains de ses employés, qui restaient coincés aussi longtemps que Nygard le voulait.

Nygard ramenait aussi illégalement de grosses quantités de “médicaments” et matériel médical, comme les cellules souches qu’il s’injecte pour rajeunir et tout ce qu’il faut pour les fabriquer.

Celles qui ramenaient d’autres filles touchaient 150$ par tête. Ces “services” étaient toujours rémunérés en cash par Nygard. Même Medeiros recevait des billets pour chaque fille ramenée, ou alors en chirurgie esthétique, injections de cellules souches, bijoux, voitures de luxe etc. Mais Medeiros était une “super recruteuse”.

Tout le monde dans le staff de la villa devait ramener des filles, et d’abord présenter des photos du maître des lieux pour qu’il choisisse. Une fois qu’elles étaient là, tout le monde y compris les autres filles devait les faire boire et les droguer.

Le témoin explique que

“Nygard prenait des stéroïdes qui baissaient ses performances, si bien qu’il infligeait des heures de torture aux femmes”.

Cela lui donnait aussi des crises de colère.

L’une des filles de Nygard, Bianca, savait parfaitement ce qu’il se passait dans la villa de son vieux père aux Bahamas, de même que plusieurs de ses employés Canadiens, tous cités dans ce message.

Pendant des années, il a payé dès que des femmes l’accusaient.

“Au fil des décennies, les dirigeants des sociétés de Nygard ainsi que le département des ressources humaines de l’entreprise ont été chargé par Nygard de rembourser quiconque accusait Nygard d’agressions sexuelles et de les forcer à signer des accords de non-divulgation”, précise la plainte de ses fils [8].

Mais, si les choses ne se passaient pas comme il le voulait, Nygard passait l’offensive. La plainte de la victime de 18 ans en 2010 précise que

“Nygard utilise la violence, les menaces de violences, les pots-de-vin et la corruption pour intimider et faire taire ses victimes et celles qu’il pensait l’avoir “trahi”.

Nygard a fait taire ses victimes, parmi d’autres moyens en faisant crever leurs pneus, en commettant un incendie criminel, en engageant des voyous pour intimider ses victimes, les faire suivre, en organisant des complots de meurtre contre rémunération, et aussi en menaçant ses victimes de mort”, et qu’il disait qu’il n’hésiterait pas à utiliser sa position et sa fortune pour détruire leur réputation.

Une vidéo le montre en train de discuter avec deux chefs de gang locaux dénommés Livingston “Toggie” Bullard et Wisler “Bobo” Davilma [9], pour faire pression sur le 1er ministre Perry Christie à qui Nygard a donné 10 millions de dollars pour sa campagne victorieuse de 2012.

Les deux truands, proches de plusieurs personnalités du parti libéral, ont été arrêtés en 2016 pour avoir participé à une association de malfaiteurs en vue d’assassiner des militants de l’association Save the Bay, qui attaquait les travaux de Nygard sur son bout d’île et était largement financée par son ennemi Bacon. Bacon et sa femme devaient également être liquidés, d’après l’enquête qui a montré que Nygard était le commanditaire.

Nygard leur avait confié d’autres missions, comme organiser des contre manifestations ou menacer les membres et sympathisants de l’association, et devait leur donner au total entre 3 et 5 millions de dollars, d’après ce qu’ont raconté les deux types à la justice. Ces deux types étaient proches d’un certain Lawrence Harrison, caïd local qui travaillait pour Nygard.

De quoi impressionner des adolescentes traumatisées et isolées, ou des employés scrupuleux.

Parmi les politiciens qui n’hésitaient pas à filer des coups de main à Nygard, il y avait Shane Gibson, ancien député de 2002 à 2007 et surtout ministre de l’immigration et du Travail. Sa carrière politique a pris fin en 2007 suite à sa relation avec Anna Nicole Smith alors qu’elle était exploitée et droguée par son entourage (elle est décédée en février 2007) [10].

En 2017, Gibson était poursuivi pour 36 charges d’accusations dont corruption, pots-de-vin, extorsion, et a même fait un tour en prison avant d’être acquitté pour la corruption et les pots-de-vin en fin 2019.

Au Canada, le président du conseil de la police de Winnipeg Kevin Klein est un de ses anciens employés. Or, des procédures contre Nygard ont été lancées à Winnipeg. Il fréquentait aussi d’ex premiers ministres du Canada, comme Brian Mulroney (1984-1993) et Jean Chrétien (1993 – 2003), de l’ex président Mexicain Vicente Fox. Il a reçu des récompenses et autres distinctions des mains de politiciens à Winnipeg et Toronto.

Comme Epstein, c’est un adepte de nouvelles technologies médicales. Pour rester jeune il s’est injecté des cellules souches et est fan de clonage.

Plusieurs témoins et victimes ont eu des menaces et des pressions comme l’ex rabatteuse Richette Ross :

“des assaillants inconnus avaient détruit son ancienne maison, tué le chien de la famille et pénétré par effraction dans sa voiture lors de différents incidents”.

Du coup, l’équipe de Bacon l’a mise sous protection.

Parmi les people qui lui ont rendu visite aux Bahamas, il y a Robert De Niro, déjà impliqué en France dans une affaire de réseau de proxénétisme de luxe.

La procédure collective concerne actuellement 57 femmes, pour des faits commis entre 1995 et 2002, et une bonne partie des dirigeants des sociétés de Nygard sont parmi les accusés pour complicité.

Deux fils de Nygard ont aussi porté plainte contre lui récemment à New York, pour des viols commis par une de ses compagnes qui était une prostituée selon eux, en 2004 et 2018 alors qu’ils étaient adolescents, et cela sur les ordres directs de Nygard qui voulait en faire “des hommes”. On s’interroge : a-t-il fait de ses filles “des femmes” ?

Pour l’un de ses fils, âgé de 14 ans en 2018, il avait arrangé via ses sociétés un voyage depuis la Californie jusqu’à Winnipeg. Là, la “petite amie” de Nygard, probablement Medeiros, a eu une relation sexuelle avec lui sur les instructions de Nygard. Il avait pareil en 2004 avec son autre fils, alors âgé de 15 ans. Il les a ensuite menacés pour qu’ils se taisent, mais ils ont quand-même décidé de parler et de lancer une procédure pour, disent-ils, encourager d’autres victimes de leur père à le faire.

On notera que depuis que Nygard a déployé son système aux Bahamas, le nombre de viols a explosé de même que la criminalité en général, du fait d’une impunité flagrante liée à la corruption redevenue endémique. Et que ces mêmes politiciens qui ont profité des “girlfriends” de Nygard ont ensuite tenu des discours affirmant qu’ils prenaient les choses en main face à ce fléau.

Fanatique du rajeunissement et des biotechnologies

Nygard est un leader, un étendard même, dans la communauté du rajeunissement, comme on pourrait les appeler. Il a ainsi participé au World Stem Cell Summit en 2012 (congrès mondial des cellules souches), à des Raad Fest (Raad pour “revolution against aging and death”), comme en 2016. Il s’agit de gros shows à l’américaine où on consacre les produits miracles destinés assurer la longévité.

A Beverly Hills jusqu’en 2017, Nygard a co-organisé des éditions de la “Nuit des 100 stars” qui était un événement de second rang dans le coin mais où le ticket d’entrée allait de 1.000$ à 25.000$ pour être à la table des sponsors.

Autour de l’organisation des Raad Fest, il y a tout un tas d’activistes du rajeunissement, médecins venant présenter leurs élixirs miracles et les dernières “technologies”, des lobbyistes, des acteurs qui militent pour ces technologies et leur légalisation.

En 2016 quand Nygard y a fait un speech, il y avait même le candidat et leader du Parti Transhumaniste, Zoltan Istvan, un promoteur immobilier passé au parti libertarien depuis.

Nygard venait expliquer comment il avait rajeuni entre ses 69 et ses 75 ans grâce à divers traitements, en particulier l’injection de cellules souches mélangées aux siennes et des stéroïdes. Nygard est le premier adepte au monde des injections de cellules souches dans le cadre du rajeunissement est justement Nygard qui a commencé en 2010. Selon lui, il est en route vers “l’immortalité”.

C’est ainsi qu’il fréquentait un certain James Strole, directeur de la “Coalition pour un allongement radical de la vie” (Coalition for radical life extension) et de “People Unlimited”, la “communauté de la super longévité” qui sponsorise le Raad Fest. Strole se présente comme un “activiste de l’anti mort”.

Nygard a créé sa boîte de biotechnologie aux Bahamas en 2009, NygardBiotech, dont le site est aujourd’hui hors ligne. Cette boite qui a embauché quatre scientifiques s’est spécialisée dans le rajeunissement par cellules souches issues d’embryons humains. Il a expliqué qu’il avait implanté son entreprise aux Bahamas parce que le pays “a un des meilleurs pools de gènes au monde”, c’est-à-dire qu’il considère que les habitants ont des gènes intéressants.

Il souligne que le pays a vu naître beaucoup de champions olympiques. Mais s’il a choisi les Bahamas, c’est surtout parce qu’il n’avait pas le choix. Aux Etats-Unis par exemple, les autorités ont clairement refusé de lui donner les autorisations pour travailler sur ses cellules souches de fœtus.

Entre 2014 et 2016, il a voyagé un peu partout dans le monde, participé à plein de congrès et autres événements anti âge, pour vendre sa nouvelle technologie.

D’ailleurs, il comptait ouvrir un tas de cliniques après celle des Bahamas, et évoquait l’Inde, Macao ou la Thaïlande en 2014 dans une vidéo promotionnelle où il était souligné que pour ses œuvres humanistes (afin d’éradiquer la maladie), Nygard sacrifiait “toute sa fortune, sa réputation et même son propre corps” puisqu’il se faisait injecter des doses de 400.000 cellules souches.

On a aussi appris qu’il voulait que certaines (pas toutes) de ses victimes tombent enceintes pour récupérer les cellules souches des fœtus pour ses mixtures anti-âge car selon lui ce sont “les meilleures cellules souches”. Il a ainsi emmené Medeiros en Ukraine en 2014 pour y faire des recherches sur le sujet, après lui avoir demandé de tomber enceinte et d’avorter.

En 2017, on a appris qu’une réunion a eu lieu dans un hôtel de luxe de Las Vegas entre Nygard, Shane Gibson,  Perry Christie, 1er ministre du parti libéral (2002-2007 puis 2012-2017) comme Gibson et d’autres participants (selon Christie il s’agissait de “scientifiques de l’université de Californie”), peu avant les élections de 2012 aux Bahamas alors qu’ils n’étaient encore que députés de l’opposition. Des vidéos existaient et avaient été transmises à la justice des Bahamas.

Christie connaissait Nygard depuis 1992 alors qu’il était ministre de l’Agriculture, et comme Gibson il a assisté au mariage de la fille de Nygard à Winnipeg. Une des victimes, qui était une “girlfirend” officielle rémunérée au mois, explique que Nygard l’a envoyée une fois chez Christie, qui avait ses photos en main et a cherché une relation sexuelle, ce qu’elle a refusé, mettant Nygard en rage à son retour.

Il s’est avéré qu’en 2013, une fois élu, Christie a permis de faire passer dans la controverse une législation laxiste sur les cellules souches, établissant ainsi un climat très favorable au business de Nygard avec sa boite Nygard Biotech, qui cherchait à développer le “tourisme médical” aux Bahamas.

Nygard a nié avoir parlé d’installer son centre de cellules souches sur sa propriété. Mais les travaux d’envergure qu’il envisageaient laissent peu de doutes sur ses intentions.

En tout cas, Nygard a quand-même filé 5 millions de dollars au parti libéral pour sa campagne de 2012, même s’il a dit que c’était destiné à de la recherche sur les cellules souches. Et il est vrai que

“En octobre 2015, lors d’une interview à la radio, M. Nygard a affirmé une implication personnelle dans le processus législatif, affirmant même qu’il avait aidé le gouvernement à rédiger le projet de loi sur les cellules souches”, relatait la presse locale en 2017.

Et il avait introduit une demande auprès des autorités locales pour créer un “établissement médical” sur son île, ce que Christie et Nygard ont nié. Le lendemain de l’élection, Nygard rencontrait six responsables du tout nouveau gouvernement.

La justice avait aussi découvert que Nygard avait rencontré le conseiller principal du nouveau Premier ministre Perry Christie un mois après les élections “pour discuter de son plan pour son installation de cellules souches à Nygard Cay [sa propriété], qu’il voulait faire construire par des ouvriers chinois”.

Le PLP a mené une campagne opulente, et des cadeaux de 100, 200 ou 300$ étaient glissés dans les t-shirt distribués lors des rassemblements. Et il a gagné les élections de 2012. Et très rapidement après, a loi sur les cellules souches a été passée même si Christie a semble-t-il pris quelques distances avec Nygard une fois élu, refusant quelques invitations de Nygard à venir festoyer chez lui.

Une autre réunion a eu lieu entre Christie et Nygard peu après l’élection –dans un sous-sol à l’abri des regards indiscrets- à laquelle était aussi présent Kevin Klein, le chef de la police de Winnipeg aujourd’hui, qui était “l’un des plus hauts dirigeants de Nygard Biotech”, et a bien-sûr porté sur l’histoire des cellules souches, et sur l’ “arrangement” passé entre Christie et Nygard avant le scrutin. A savoir comme l’avait expliqué Nygard :

“nous avons dit que le projet de loi sur les cellules souches était le premier projet de loi devant la Chambre d’assemblée. Pas le troisième. Pas le deuxième. Le premier”.

Depuis, son morceau d’île est à moitié abandonné puisqu’il n’a pas pu faire les travaux prévus. Mais fin 2019 encore, il promettait sur son site et dans la presse locale qu’en 2020 son centre de cellules souches serait construit aux Bahamas, grâce à un investissement de 100 millions de dollars.

Nygard a quand-même développé un St Kitts Institute for Regenerative Medicine, avec l’importation, de cellules souches de cordon ombilical. Le centre a été interdit d’exercer en juin 2016 suite à un conflit entre le gouvernement et l’opposition au sujet de l’activité de ce centre, installé à l’hôpital général JN France.

Pourtant le 13 juin 2020, un Américain, Richard Westin, était arrêté à la douane aux Bahamas alors qu’il s’enregistrait avec Nygard pour se faire injecter des cellules souches, pour ne pas avoir déclaré une arme et pour avoir fait une fausse déclaration. Peu avant un médecin brésilien qui n’avait pas l’autorisation d’exercer aux Bahamas et qui injectait des cellules souches pour Nygard à l’hôpital JN France a été expulsé.

En mars, 9 de ses sociétés ont été mises sous séquestre et doivent être vendues pour payer les créanciers. Il y aurait 50 millions d’euros de dettes auprès d’environ 350 créanciers différents.

Certains n’ont pas été payés depuis plusieurs mois, un autre n’arrive plus à retrouver une quarantaine de véhicules en leasing dans les sociétés de Nygard dont certaines ont apparemment été revendus à des proches et employés de Nygard [11], ou encore volées dans les entrepôts de Nygard par un ancien contractant des entreprises de Nygard.

Quatre de ses propriétés ont aussi été mises en vente, dont trois à Winnipeg d’une valeur de plus de 16 millions de dollars.

————————

L’empire de Nygard est en train de s’écrouler. Mais pendant plus de 40 ans cet individu a sévi en toute impunité. Il reste à savoir qui a profité de ses largesses aux Etats-Unis, au Canada et ailleurs, car personne n’assume aujourd’hui. Grâce à l’exploitation sexuelle de femmes et adolescentes, Nygard a pu agir librement, jusqu’à lancer un business illégal de cellules souches. Combien sont-ils, les pervers à utiliser ce moyen de compromission pour parvenir à leurs fins?

Ces pratiques semblent en tout cas généralisées, bien plus que l’opinion publique ne le croit.

[1] Tanja Karpela avait 24 ans quand elle est sortie avec Nygard. Elle a eu de très nombreuses relations amoureuses, qui font souvent la Une des médias finlandais, notamment avec des ministres. Elle a été élue députée du parti centriste en 1999 et a poursuivi sa carrière jusqu’en 2011 malgré quelques condamnations pour alcool au volant, devenant même ministre de la Culture de 2003 à 2007.

[2] Notamment Solomon Cash (qui portait bien son nom), le grand chef de la police locale, et trois de ses officiers. Ledit Cash est toujours en place.

[3] C’est précisé dans la plainte des dix premières plaignantes.

[4] La villa n’est pas réparée car les autorités des Bahamas ont refusé les travaux car Nygard avait annoncé un chantier de 2 ans, nécessitant 200 ouvriers. Il voulait par exemple installer un plafond en verre de 50 tonnes et draguer les fonds marins autour de sa propriété, détruisant tout l’écosystème. Du coup elle a été saisie en 2018 par le gouvernement des Bahamas. Il y avait déjà construit un petit hôtel de luxe non déclaré.

[5] Elle est pourtant revenue, et à cette occasion Nygard l’a de nouveau violée, mais lui a aussi proposé de ne plus avoir à subir ça si elle ramenait d’autres filles. Il lui a même conseillé de la droguer. Il lui a donné au moins 2.000$ à chaque fois qu’elle ramenait d’autres filles. Elle a arrêté d’y aller après qu’il lui ait demander des pratiques scatos.

[6] Cette jeune femme était venue pour des vacances mais n’avait pas compris qu’elle devait avoir des relations sexuelles avec Nygard. Il a donc refusé de la laisser partir, elle a appelé la police des Bahamas qui s’est rendue sur place mais est repartie après que l’équipe de sécurité de Nygard leur ait dit qu’elle avait menti. Elle a alors appelé l’ambassade des Etats-Unis qui a envoyé une autre unité de police, et a pu faire partir la victime.

[7] Cf. Plainte de la procédure la collective des 57 plaignantes.

[8] Il est par exemple précisé que

« Une femme a été embauchée comme vendeuse pour les sociétés Nygard.

Elle a rapporté au service des ressources humaines de l’entreprise que Nygard est entré dans sa chambre d’hôtel, alors qu’ils étaient en voyage d’affaires, et l’a violée.

Quelques heures après avoir signalé l’incident au département des ressources humaines, un cadre de l’entreprise est arrivé à sa porte avec un chèque de 8 000 $ et un accord de non-divulgation à signer ».

[9] C’est le révérend, le Dr Philip McPhee, ami de Nygard qui lui a donné au moins 60.000$ pour ses bonnes œuvres, qui a fait les présentations en mars 2014, selon l’audition de Livingstone Bullard du 19 février 2015. Elles ont lieu dans sa villa à Nygard Cay et selon Bullard ils se seraient rencontrés une vingtaine de fois par la suite pour discuter de différents business comme la liquidation de gens aux Bahamas et aux Etats-Unis. Ils étaient même parmi les tous premiers invités de Nygard à chacun de ses passages sur place. McPhee a aussi beaucoup prêché en faveur des cellules souches (« un don de Dieu pour notre propre médecine») et du projet de Nygard dans son église.

[10] Gibson avait octroyé quelques facilités à la playmate pour obtenir la résidence dans le pays en 2006.

[11] Selon CBC, « Un ancien directeur a déclaré au receveur qu’en février, on lui avait offert une Volvo C30 2012 pour 1000 $ », bien en-dessous du prix du marché d’occasion.

 

Nygard a demandé sa libération sous caution pour cause de risque de covid car il serait “mal-nourri” en prison.

https://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-faits-divers/2021-01-19/accuse-de-trafic-sexuel-aux-etats-unis/le-magnat-de-la-mode-peter-nygard-demande-sa-liberation-sous-caution.php

 

Actualisation octobre 2021

Nygard a accepté son extradition vers les États-Unis pour neuf chefs d’accusation, dont ceux de racket et trafic sexuel, selon l’acte d’accusation, impliquant des dizaines de victimes.

Les faits qui lui sont reprochés se seraient produits entre 1990 et 2020.

Vendredi, la police de Toronto a par ailleurs annoncé avoir émis un mandat d’arrêt contre Peter Nygard pour six accusations d’agression sexuelle et trois de séquestration, selon le communiqué.

Des faits qui se seraient déroulés entre 1987 et 2006.

Son groupe a déposé le bilan en mars 2020 et fermé, quelques mois plus tard, ses quelque 160 magasins, dont un dans le fameux quartier de Times Square, à New York.

Selon les documents déposés devant la justice, les actifs de Nygard International se montaient à environ 175 millions de dollars canadiens.

Au moment de la fermeture, Nygard, qui revendiquait 12.000 employés à son apogée, n’en comptait plus que 1.400 environ.

https://www.larepubliquedespyrenees.fr/societe/afp/france-monde-societe/nygard-accuse-de-dizaines-de-viols-accepte-l-extradition-vers-les-etats-unis-6319899.php

 

Un documentaire canadien sur Nygard est visible ci-dessous:

Source(s):