Les Réseaux Pédocriminels n’existent pas | Round 5 | Réseau Succar

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Des notables impliqués dans l’industrie de la pédopornographie
Lydia Cacho est une journaliste comme il en existe trop peu. Cette Mexicaine a choisi un sujet sensible : la pédopornographie et la traite des femmes et des filles. Elle a, en plus, désigné les coupables. Cela lui a valu de goûter à la torture dans une prison locale.

Le podcast complet de cet article est téléchargeable ci-dessous (clic-droit puis “enregistrer la cible du lien sous”) ou à retrouver sur notre chaine Youtube.

Podcast – Réseau Succar (25′)

 

« Le monde assiste à une recrudescence des réseaux qui pratiquent l’enlèvement, la vente et l’exploitation des femmes et des petites filles : ces mêmes phénomènes qui, en théorie, devaient éradiquer l’esclavage l’ont en fait renforcé »

écrit-elle dès l’introduction de son livre traduit en français « Trafic de femmes : enquête sur l’esclavage sexuel dans le monde ».

Et d’ajouter :

« cette culture, qui encourage la chosification des êtres humains, se fait passer pour libérale et progressiste ».

C’est bien là le piège : combien d’adolescentes pensent que le seul moyen d’être valorisées est de ressembler à une actrice X.

La culture machiste dans laquelle on baigne, même si c’est un peu moins fort en France qu’au Mexique ou au fin fond du Congo, normalise cette utilisation mercantile et sexuelle des plus faibles, les femmes et les enfants.

Et de rappeler qu’aucun gros contrat ne se négocie sans recours à la prostitution, qu’il s‘agisse des ventes d’armes ou de la vente de drogue.

Dans ce livre, Cacho montre comment le trafic de femmes, d’enfants, de drogue et d’armes est lié.

On constate par exemple que le trafic de femmes n’a fait qu’augmenter en Irak et en Afghanistan après l’arrivée des mercenaires US et anglais.

On se souvient aussi des bordels géants et du marché aux esclaves à ciel ouvert, près du camp US Bondsteel, au Kosovo, pendant la guerre.

De Pattaya, village côtier de Thaïlande transformé par les GI en énorme bordel, où on vend aussi bien des mineurs que des femmes aux touristes de passage.

On pourrait continuer cette liste pour toutes les guerres, puisqu’en temps de guerre, il faut que les soldats aient le moral.

 

Cacho parle de fillettes enlevées dans des orphelinats en Roumanie, pour échouer dans des maisons closes en Turquie[1], où nombre de riches occidentaux viennent satisfaire leur libido (notamment des Norvégiens et des Suédois, où les clients de prostituées sont poursuivis).

Des réseaux, des mafias, les font venir et leur fournissent de faux papiers.

Elle parle de la Palestine, largement occupée par les israéliens et totalement sous contrôle, où des ONG dénoncent l’augmentation des enlèvements de jeunes, à des fins d’exploitation sexuelle ou même de vente d’organes.

 

Le réseau de la jet-set

Fin 2003, Lydia Cacho, qui dirigeait un refuge pour femmes victimes de violences à Cancun (le CIAM), accueillait deux gamines disant avoir été violées par un hôtelier appelé Jean Succar, depuis leurs 8 et 9 ans.

C’est en remontant le fil de cette affaire de Lydia Cacho est tombée sur un réseau de pédophiles puissants et très bien organisés.

Tellement qu’ils sont encore impunis aujourd’hui, et que c’est Cacho qui a du quitter le pays en 2012.

Il faut préciser que Cancun est une ville créer de toutes pièces il y a une trentaine d’années, pour devenir une station balnéaire géante à destination des touristes US [2].

Il y a énormément de gros hôtels, et beaucoup de gens venus des campagnes pour y travailler.

 

Cacho a donc enquêté sur Succar, ce qui l’a amenée au Brésil, au Venezuela et même en Espagne, où son réseau de pédopornographie avait des ramifications.

Succar se rendait aussi régulièrement en Californie, à Los Angeles, à Las Vegas, à Hong Kong…

Une fois qu’il avait des gamines sous sa coupe, il les forçait à lui en ramener d’autres.

Ou bien, il allait carrément les chercher, par exemple au Salvador, pour les amener dans un autre pays, comme les USA.

A Cancun, où il est arrivée au milieu des années 80, il était ami avec un fonctionnaire responsable des douanes à l’aéroport de Cancun, puis a été ami avec un directeur de l’aéroport de Mexico.

Parmi ses proches, il y avait aussi Alexandro Gongora, responsable de l’office des migrations à Cancun.

Son truc, c’était de filmer des relations sexuelles entre enfants et entre enfants et adultes, et de les diffuser contre monnaie sonnante et trébuchante.

Il existe même une vidéo où on le voit pendant que des enfants ont des relations sexuelles.

D’ailleurs, quand la femme de Succar a fait sortir cette vidéo, il a été lâché par ses avocats.

Plusieurs vidéos pédopornographiques réalisées par Succar ont été saisies lors de l’enquête, et montraient des jeunes de moins de 13 ans dans des “rapports sexuels” avec Succar.

Certaines ont été tournées dans des villas de l’hôtel Solymar.

Selon Lydia Cacho et les anciens avocats de Succar, il serait au cœur d’un réseau international de pédopornographie et de trafic d’enfants, très bien implanté dans la plupart des états du Mexique, et aurait fait à lui seul plus d’une centaine de victimes.

Selon le DIF, une institution publique chargée de la protection des familles, plus de 18.000 enfants seraient concernés par le réseau Succar à travers le monde.

Mais attention : ce ne serait que le deuxième dans le pays, après un autre basé dans la région de Tijuana, à la frontière US.

C’est dans cette ville de maquiladoras gigantesques qu’un véritable « féminicide », comme le disent les mexicains, est en cours depuis près de 20 ans.

Et ce réseau aurait sous sa coupe autour de 250.000 mineurs.

Ces réseaux exploitent ces mineurs et diffusent de la pédopornographie, qui rapporte beaucoup d’argent.

Parfois, les gamins sont payés, parfois non.

Dans l’affaire Succar aussi, certaines victimes se sont miraculeusement rétractées[3], puis ont reconfirmé les faits qu’elles avaient dénoncés.

Quant à Lydia Cacho, elle a  été suivie par des types, a reçu immédiatement des menaces et a du prendre ses précautions.

 

Suite à la publication en 2004 de « Los demonios del Eden », qui reprend cette enquête, Cacho a été poursuivie par le roi du textile Kamel Nacif [4], qu’elle avait dénoncé.

Elle a été arrêtée illégalement par Mario Marin, le gouverneur de l’État ultra-corrompu de Puebla [5], et envoyée illégalement en prison où elle a subi des simulacres de mise à mort.

Peu après, la presse a diffusé une conversation téléphonique entre Marin et Nacif, au cours de laquelle ils s’organisaient justement pour la faire arrêter, et la faire violer pourquoi pas.

Et les enfants de Succar, aujourd’hui, parlent de complot contre les intérêts familiaux, qui a pour but de les spolier de toutes les richesses de leur père.

Ils devraient peut-être se rappeler de la manière par laquelle Succar a constitué son empire, avant de jouer les vierges effarouchées.

 

Les connexions

Nacif, qui possède un agenda mondain des plus fournis et compte parmi les businessmen les plus en vue du pays, trainerait aussi dans le trafic de drogue et d’armes, et bien-sûr le blanchiment d’argent [6].

Il faut savoir qu’au Mexique, les entrepreneurs, les politiciens et la mafia sont souvent les mêmes personnes, notamment dans la région de Cancun où les scandales de corruption se succèdent au même rythme que les fusillades et les meurtres divers et variés.

Nacif possède un véritable empire du textile avec des succursales à Hong Kong et aux États-Unis.

Il collaborait avec une famille française puissante, les Guez, propriétaire de la marque Sasson Jeans dans les années 80.

Parmi ses proches, il y a les ex présidents Ernesto Zedillo (1994-2000) et Vicente Fox (de 2000 à 2006), élus grâce à des élections truquées, et dont il a financé les campagnes bien qu’ils soient de deux partis différents.

Fox s’est par exemple bien gardé d’embêter Marin lors de l’arrestation illégale de Lydia Cacho.

En outre, Nacif a poursuivi Cacho pour diffamation, mais heureusement il a perdu.

Nacif est également proche de moult gouverneurs d’États, dont Marin à Puebla, où Nacif possède des maquiladoras, et aussi de Vicente Fox, le président en exercice au moment où le scandale a éclaté.

En échange, ces politiques l’aident à construire ses usines et à obtenir des subventions et autres déductions fiscales, tout en fermant les yeux sur les malversations et autres délits.

 

Kamel Nacif et Jean Succar faisaient partie du même réseau.

L’une de leurs victimes a expliqué que Succar se mettait en relation avec des mineurs aux USA pour les procurer à ses amis, dont Nacif, qui serait donc un amateur d’enfants.

Certains faits se sont donc produits dans l’hôtel Solymar, propriété Succar à Cancun, saisie par les autorités en 2012.

Lui a été arrêté en Arizona en 2004 et devait être extradé au Mexique (pour, entre autres, du blanchiment d’argent).

Kuri est aussi amateur d’adolescentes : il a rencontré sa femme quand elle avait 15 ans.

Il passait la moitié du mois à Cancun, l’autre moitié à Hong-Kong, Las Vegas, en Californie…

Toutefois, comme au Vatican, la majorité sexuelle (hétérosexuelle) est fixée à 12 ans.

Dans ce petit monde, tout le monde se connait, et tout le monde se file des coups de main.

On constate, comme chez nous dans l’affaire Baudis ou celle des disparues de l’Yonne, que toute la classe politique et le monde du business ont défendu leur congénère.

Kamel Nacif est encore défendu bec et ongles, même si ce n’est heureusement plus le cas pour Succar.

En 2008, une déléguée des droits de l’homme de l’ONU est venue faire le point au Mexique au sujet des réseaux de pédopornographie.

Elle a constaté que les victimes n’avaient pas accès à la justice, que les médias étaient tenus par des proches du pouvoir, que les assassinats de journalistes continuent sans entraves.

Dans un tel contexte, le même qu’en France où on se targue d’expliquer la “démocratie” aux autres, on comprend que l’impunité est de mise.

Et que Succar sera certainement le seul à porter le chapeau, car il est le plus grillé.

Cette déléguée a aussi compris que Kamel Nacif protégeait Succar.

Aujourd’hui, Lydia Cacho a du quitter le Mexique.

Elle a subi de nouvelles menaces, des tentatives de meurtre, un emprisonnement inique, et les autorités semblaient incapables de la protéger efficacement malgré une protection policière.

D’un autre côté, le Mexique semble avoir un peu sévi : en 2011, Jean Succar, a été condamné à 112 ans de prison pour abus sur mineurs et pédopornographie[7], ce qui était sans précédent.

Succar a été condamné suite à la dénonciation de Lydia Cacho dans son livre, en 2005.

Mais apparemment il a servi de fusible, car il est le seul à avoir été condamné parmi tous les politiciens et entrepreneurs cités.

Et les choses n’ont pas été simples : Succar était protégé par Nacif, et il y a eu de fortes pressions pour que Succar ne soit pas extradé des États-Unis.

Quant aux victimes, la plupart ont bien compris qu’il valait mieux se taire.

Celles qui ont parlé ont été fortement malmenées par la « justice », de manière assez visible pour que le message passe à toutes les autres.

 

[1] Au sujet de la Turquie, Lydia Cacho évoque une vieille maquerelle née en 1914 dans une famille aristocrate, appelée Matilde Manukyan.

Devenue veuve, elle a mis en place de nombreux bordels légaux dans le pays, et a même eu les honneurs de l’État turc en 1995, pour avoir été la contribuable ayant payé le plus d’impôts.

Puis, de nouvelles mafias sont arrivées, Matilde a échappé à un attentat à la bombe, et soudain en 1996 on s’aperçoit publiquement qu’elle faisait aussi travailler des mineurs issus du trafic international d’enfants.

Là, les notables qui étaient ses amis et protecteurs l’ont lâchée, et Matilde s’est convertie à l’islam.

Elle est morte en 2001 sans jamais avoir été poursuivie par la Justice.

D’après une femme qui a été exploitée encore mineure chez Manukyan, « les policiers et les hommes politiques étaient les meilleurs clients.

Ils aimaient tant la patronne qu’ils envoyaient leurs infirmières pour nous soigner.

Nous étions réputées pour être les prostituées les plus obéissantes et les plus saines du pays ».

[2] La ville est passée de 70.000 habitants en 1982, à plus d’un million en 1988.

[3] Suite à diverses menaces et agressions par des hommes à la solde de Succar, comme ce fut le cas pour Edith Encalada et sa sœur Estefanía.

[4] En 1993, Nacif a été arrêté à Las Vegas, sur demande des autorités mexicaines, pour évasion fiscale.

[5] Marin a vite été blanchi pour cette affaire, la cour suprême estimant qu’il n’y avait pas eu de « violation grave des garanties individuelles » de la journaliste.

[6] C’est du moins la justice du Nevada qui le disait en 2000.

[7] Il est en ce moment en train de chercher à réduire sa peine voir d’être acquitté.

Il vient de gagner, grâce à un vice de forme totalement bénin, le fait que sa peine incompressible de 70 ans ait été supprimée.

L’étape suivante sera, on le suppose, l’acquittement.

 

Actualisation d’avril 2019 :

L’État s’excuse pour avoir torturé une journaliste qui a osé dénoncer un réseau pédophile VIP

Après des années de combat, une journaliste mexicaine, Lydia Cacho, vient d’obtenir des excuses publiques de la part de l’État mexicain pour les persécutions qu’elle a subies après avoir dénoncé un réseau pédophile impliquant des VIP, qui produisait aussi de la pédopornographie.

C’est l’ONU qui a fait pression, et l’enquête judiciaire rebondit dans la foulée.

En 2005, Lydia Cacho a publié son livre sur une enquête qu’elle avait démarrée quelques années plus tôt, en 2003.

Los Demonios del Edén portait sur l’exploitation sexuelle d’enfants dans l’État du Quintana Roo au sud du pays.

Un État touristique de la péninsule dont la capitale est Cancún, et qui est particulièrement touché par la corruption et les liens entre entrepreneurs, politiciens et narcotrafiquants.

 

Incroyable : l’ONU oblige le Mexique à réagir

Très vite après le signalement des faits à la justice, des fuites ont été organisées dans les médias, et les types qu’elle avait accusés nommément ont entamé une campagne de presse contre elle et contre les victimes qui avaient osé parler.

La journaliste a subi diverses pressions judiciaires et médiatiques, et a même été arrêtée illégalement par des gros bras –mais avec la caution d’un procureur- durant plusieurs jours.

C’est à tel point qu’en 2018, le Comité des Droits de l’Homme contre l’ONU a demandé au Mexique de réparer les dommages liés aux graves violations des droits de l’homme qu’elle a subies durant des années et de poursuivre les coupables.

 

Par ailleurs, l’ONU a demandé la révision des lois qui permettent les procédures pour diffamation et calomnie, qui ont été lancées contre elle et ses sources.

Autant dire que c’est une première internationale.

Peu après avoir publié son livre en mai 2005 Lydia Cacho a été emmenée dans une camionnette, transportée durant 20 heures au cours desquelles elle a été menacée de mort, et détenue illégalement pendant une dizaine de jours.

En février 2006, des enregistrements des conversations d’un des entrepreneurs qu’elle visait, un patron d’entreprise textile d’origine libanaise dénommé Kamel Nacif Borge, ont été diffusées par un média [1].

 

Dans l’une d’elles, il félicitait carrément Mario Marín le gouverneur de l’État de Puebla (près de Mexico), membre du PRI (le parti dominant, le Partido Revolucionario Institucional) qui n’est pas du pas plus révolutionnaire que notre parti socialiste n’est socialiste pour avoir arrêté Cacho.

Si elle s’en est sortie, c’est parce que son compagnon, qui était le directeur d’un des plus grands quotidiens du pays, El Universal, et ses amis journalistes, se sont démenés.

C’est seulement après que l’affaire ait fait la une des 20h de plusieurs chaînes nationales et locales qu’un juge a ordonné la libération de Lydia Cacho.

En 2007, la Cour Suprême a déclaré que les violations des droits dont elle a été victime n’étaient pas si graves que cela.

 

L’enquête de Lydia Cacho

Lydia Cacho était une journaliste déjà connue, qui dirigeait depuis des années un centre pour les femmes victimes de violences, quand elle a commencé à enquêter sur les déclarations de deux fillettes, qui expliquaient être victimes de violences sexuelles commises dans le cadre d’un réseau.

C’était au début des années 2000.

Elle a remonté le fil, et compris que ce réseau était bien organisé, qu’il produisait de la pédopornographie, et que parmi les abuseurs il y avait des politiciens et des entrepreneurs très en vue.

Elle a découvert des ramifications de ce réseau basé à Cancun, jusqu’en Espagne, aux États-Unis, au Brésil, au Venezuela.

Cancún est une ville balnéaire, qui reçoit des flots de touristes du monde entier, particulièrement des US, un lieu très propice pour la prostitution et la débauche.

Le moteur du réseau était un riche patron d‘hôtel, Jean Succar, un Libanais naturalisé mexicain qui était proche du directeur de l’aéroport de Mexico et d’un haut fonctionnaire des douanes amis de Kamel Nacif, et pouvait carrément aller chercher de nouvelles victimes à l’étranger en avion sans être embêté.

Succar produisait de nombreux films pédopornographiques puisqu’il filmait les viols et les orgies.

D’ailleurs, cela lui permettait également de menacer les victimes de montrer cela à leurs familles.

En 1998, Succar avait récupéré une fillette de 3 ans qui est devenue sa principale victime, et lui a servi d’appât pour attirer d’autres mineurs par la suite.

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Et déjà en 2003, trois cassettes pédopornographiques sur lesquelles Succar était identifiable ont été retrouvées dans un de ses hôtels à la suite d’une perquisition pour une affaire de fraude fiscale.

Quelques mois plus tard, un article d’un journal hispanophone des États-Unis mentionnait son arrestation, dans le cadre d’un “réseau de prostitution et de pornographie infantile”impliquant des mineurs de 8 à 14 ans, à Cancún.

Plusieurs hôtels de la zone touristique étaient concernés et une grande opération de communication a dû être menée par les partons d’hôtels pour changer les idées de l’opinion publique locale à ce sujet.

Un certain Alejandro Góngora Vera, ex-patron du fonds de planification de tourisme du Mexique (Fonatur) [2], ex-délégué à la Sécurité Sociale et aux Migrations, était cité publiquement par l’une des victimes comme un membre important de ce réseau.

Mais selon Lydia Cacho, ce sont en fait cinq victimes du réseau de Succar qui l’ont identifié et cité dans leurs témoignages auprès de la justice.

Quand son nom a été cité dans les médias, Góngora Vera a vendu ses biens très rapidement et a disparu de la circulation le temps de se faire oublier.

Des membres de l’équipe du procureur général des mineurs étaient également impliqués dans le réseau, selon le quotidien mexicain La Jornada.

Dans son livre, Cacho cite plusieurs politiciens locaux, comme l’ex-maire de la ville, Magaly Achach, qui serait entrés dans le réseau au fil du temps et ont toujours protégé Succar comme ils le pouvaient.

Dès qu’elle a commencé à creuser sur les déclarations des victimes, avant même d’avoir publié le livre, Lydia Cacho a subi des menaces de la part du réseau, et notamment de Succar Kuri.

Dans un article de 2005 du quotidien espagnol El Mundo, il est précisé que

“Certains anciens agents de la police municipale ont rendu visite à Lydia Cacho pour la prévenir qu’elle et l‘avocate du centre, Veronica Acacio, étaient sur une liste de personnes que Succar Kuri avait demandé d’assassiner”.

 

Lydia Cacho montre dans son livre que ce réseau était tentaculaire, et selon une estimation pas moins de 18.000 enfants dans le monde ont été victimes du réseau de Succar.

Ledit Succar avait des amis très bien placés, parmi lesquels José López Portillo, qui avait été président du Mexique de 1976 à 1982, un architecte en vue appelé Roman Rivera Torres, ou encore un autre ponte du PRI de Cancún, le sénateur Emilio Gamboa Patrón (qui a occupé son siège jusqu’en 2018).

L’une des victimes cite aussi Miguel Ángel Yunes Linares, un grand ami de Succar, ex sous-directeur de la société qui exploitait l’aéroport de Cancún à la fin des années 80, puis politicien et gouverneur de l’État de Veracruz de 2016 à 2018.

Ces jours-ci, Yunes est accusé d’avoir détourné de l’argent du fonds d’indemnisation des catastrophes naturelles, et a aussi sur le dos une affaire de marché public illégal pour la fourniture de caméras de surveillance dont 72% ne fonctionnent pas.

Et selon Lydia Cacho, une enquête menée par l’office antidrogue US (la DEA) et par la justice mexicaine a permis de lancer une surveillance de Yunes, qui a montré ses liens avec des narcos [3].

 

Nacif avait beaucoup de relations lui aussi, et plutôt très bien placées.

Parmi ses amis, Kamel Nacif, pouvait compter l’ex président Vicente Fox.

Il faut dire que, selon Lydia Cacho, il finançait allègrement les campagnes électorales de nombre de ses amis.

Né en 1946, de nationalité étatsunienne, le type avait déjà été arrêté en 1993 à Las Vegas avec demande d’extradition au Mexique pour évasion fiscale, mais il a été libéré au Nevada contre rémunération.

Il faut dire qu’il avait fait construire des hôtels de luxe là-bas, grâce notamment au travail non déclaré de migrants mexicains.

Au Mexique, il possède plusieurs usines dans quatre États différents, où les travailleurs sont sous-payés.

Il a également été cité en 2003 dans une note d’information d’une ONG comme participants à du blanchiment d’argent.

 

Quelles suites ?

Depuis toutes ces années, la justice ne s’est pas beaucoup remuée pour mettre les types impliqués dans le réseau derrière les verrous.

Jean Succar a bien pris 112 ans de prison en 2011, mais il a été le seul [4] et finalement sa peine a été jugée trop longue et raccourcie à 20 ans.

Le temps faisant, la plupart des autres protagonistes ont fini par se retirer de la vie politique.

Mais Lydia Cacho veille.

En 2016 encore, elle a à nouveau dénoncé un candidat au poste de Procureur général du Quintana Roo, Miguel Ángel Pech Cen, comme étant “un protecteur de pédophiles”, ce qui a jeté un froid dans la campagne.

Il faut dire que ledit Pech avait carrément prévenu et laissé s’échapper Jean Succar lors qu’il dirigeait l’enquête sur le réseau.

Le procureur Miguel Ángel Pech Cen, qui avait mis tellement de volonté à ne rien faire contre son ami Succar Kuri, a dû démissionner de son job de procureur général du Quintana Roo fin 2018, alors qu’il avait été élu à l’unanimité le 21 décembre 2016.

S’il est tombé, ce n’est pas spécifiquement suite à l’affaire Cacho, mais pour une corruption généralisée du parquet dénoncée par le rapport du Secrétaire à la Sécurité Publique de l’État.

“Pech Cen a eu à diriger une institution corrompue, infiltrée, qui a un retard monumental dans le traitement des procédures et investigations”, lisait-on dans El Universal du 27 septembre 2018.

 

Mais en 2007, la cour suprême avait considéré qu’il n‘était pas responsable de l’enlèvement de Lydia Cacho, qu’il avait pourtant validé.

Aujourd’hui, Kamel Nacif est en prison aux États-Unis, mais bien-sûr ce n’est pas pour son implication dans le réseau pédophile.

S’il a été arrêté en 2018 seulement – et il est en attente d’extradition, c’est pour les actes commis contre Lydia Cacho.

Un fonctionnaire du bureau du procureur a aussi été arrêté pour la détention illégale de Cacho.

Le désormais ex-gouverneur Mario Marín a déclaré récemment que pour lui, l’affaire Cacho avait déjà été jugée, et qu’il n’y avait rien à redire.

Un juge vient tout juste d’ordonner son arrestation, annoncée le 16 avril très exactement, mais pas de chance il était “en vacances” et n’a pas pu se rendre à la police avant deux jours.

L’ordre d’arrêt concerne également Kamel Nacif Borge, ainsi que l’ex-directeur de la police judiciaire dans l’État de Mexico Hugo Adolfo Karam Beltrán, et l’ex-commandant de la même police, un dénommé Juan Sánchez Moreno.

La petite bande qui a perdu une procédure en appel doit donc répondre d’avoir torturé Lydia Cacho.

 

Là encore, ce n’est donc pas du réseau qui préoccupe la justice.

Quant à Lydia Cacho, elle a semble-t-il dû récemment fuir le pays suite à de nouvelles menaces, elle demande à l’État mexicain d’examiner aujourd’hui de nombreux cas flagrant d’impunité de la classe politique, notamment celui du massacre de dizaine d’étudiants en 2015.

Elle contribue aussi au mouvement #MeToo au Mexique, qui est très critiqué car il décape plusieurs icônes.

Un film devrait être tourné, avec de gros moyens, à partir du livre de Lydia Cacho.

Ce qui a tendance à agacer la victime qui en a été la protagoniste principale, lassée d’être sous les feux de la rampe depuis 15 ans.

Elle a entamé depuis quelques années une procédure contre Lydia Cacho pour dommage moral.

 

Un réseau similaire à Acapulco ?

En février, un média alternatif espagnol, la Tribuna de Espana relatait l’histoire d’un entrepreneur mexicain dans l’événementiel balnéaire, Federico Weck Palazuelos, accusé d’avoir organisé un réseau de prostitution dont les victimes incluent des mineurs.

Celui-ci dénonce des accusations mensongères destinées à lui extorquer de l’argent.

C’est sur les réseaux sociaux que l’affaire aurait commencé à faire parler.

Deux employés d’une boîte de nuit, la Candela 2, ont déclaré y avoir vu “des jeunes participer à un concours de sexe oral”.

Puis des gens ont parlé, sur les réseaux sociaux, de pédophiles qui attrapent des mineurs et les amènent dans la prostitution.

A Acapulco, il semble que le tourisme sexuel et la prostitution de mineurs se portent très bien ces derniers temps, ce qui commence à alerter l’opinion publique.

Le réseau en question, qui serait basé à Acapulco, un haut lieu touristique, comprendrait lui aussi des VIP de niveau national.

L’ex-président (jusqu’en 2018) ultra libéral Pena Nieto est cité, mais il y aurait d’autres politiciens et des entrepreneurs, notamment des espagnols qui faisaient le déplacement rien que pour les prestations fourniers par Palazuelos.

Une cinquantaine de mineurs âgés parfois d’une douzaine d’années auraient été victimes de cet individu, qui organisait des orgies dans ses villas.

 

Sur les réseaux sociaux, des parents sont en train de réclamer que Federico Weck Palazuelos lâche leurs enfants sur lesquels il a mis la main, selon les messages.

Ils auraient tenté d’alerter des politiciens et la police, mais il ne se passe rien.

Selon la “Tribuna de Espana”, Weck Palazuelos menace les journalistes qui tenteraient d’évoquer l’affaire, en leur envoyant des flics corrompus pour les amener à « réfléchir ».

Un procureur, un certain Merit Camacho García, lui donnerait des coups de main, notamment en demandant une protection de son domicile.

Depuis deux ans, Palazuelos a lancé des procédures en diffamation contre les gens qui l’accusent de proxénétisme de mineurs et de majeures sur les réseaux sociaux, et il a embauché un hacker pour contrer ces accusations.

Il serait aussi aidé par un cartel puissant de la région, le Cártel del Golfo, qui s’occuperait de la sale besogne.

Plusieurs affaires sont en train d’émerger à Acapulco, notamment un réseau de pédophiles repéré récemment sur Facebook.

[1] C’est la femme de Nacif (qu’il avait épousée quand elle avait 15 ans et lui plus de 40) qui avait fait les enregistrements et les avait diffusés avant de fuir, parce qu’il la battait et qu’elle voulait dénoncer ses actes pédophiles.

[2] A ce poste, Góngora Vera a été soupçonné d’avoir détourné et blanchi d’importantes sommes d’argent, grâce notamment à l’intervention de ses amis le sénateur Emilio Gamboa Patrón et Jean Succar.

[3] Il est carrément soupçonné, alors qu’il gouvernait l’État de Veracruz, d’avoir laissé s’installer un cartel en toute impunité, malgré les débordements que cela implique avec les cartels déjà présents.

Par ailleurs, plusieurs témoins l’accusaient d’avoir facilité du transport de drogue par avion.

[4] Il a tout de même fallu aller le récupérer en Arizona où il pensait pouvoir rester planqué.

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