Marlène Schiappa | «1% des violeurs condamnés»

Dans quelques jours, la secrétaire d’État doit présenter un projet de loi sur les violences sexuelles en France

 

« En France, il n’y a que 1 % des violeurs qui sont vraiment condamnés et qui font vraiment de la prison ». Ce sont les propos tenus ce jeudi matin sur France Inter par Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes.

« La situation actuelle n’est pas normale », déplore la secrétaire d’Etat qui doit présenter un projet de loi sur le sujet dans dix jours.

Mais comment Marlène Schiappa est-elle parvenue à ce chiffre ? Interrogé par Le Parisien, son cabinet explique qu’elle s’est appuyée sur les chiffres du ministère de la Justice, basés sur une enquête de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP).

Selon cette enquête de victimation, réalisée par téléphone sur la base des déclarations des interlocuteurs, 93 000 femmes ont subi des viols ou des tentatives de viol en 2016. La même année, 1012 condamnations ont été recensées pour viol. Grâce à un produit en croix, le ministère tombe bien sur 1,08 % de condamnation (en associant viol et tentative de viols, ndlr).

Mais ce calcul souffre de plusieurs difficultés. La première réside en des unités de comptes différents, entre des personnes ayant déclaré avoir déposé plainte et les condamnations globales sur une même année. En outre, une victime peut avoir subi un ou plusieurs viols, par une ou plusieurs personnes. Une même personne peut avoir également commis plusieurs viols, comme le signale Hugo d’Arbois de Jubainville sur Twitter. Ce dernier, chargé d’études à l’‎Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), évoque un autre chiffre, estimant que dans les affaires viols traitées par la justice en 2016, une personne mise en cause sur 10 serait poursuivie pour viol. Ce qui ne dit rien ensuite du taux éventuel de condamnation et donc du pourcentage de violeurs condamnés.

Seules 30 % des plaintes pour viols sont instruitesCertaines associations avancent elles d’autres explications pour expliquer si peu de condamnations. Seuls 9 % des viols font l’objet d’une plainte, assure tout d’abord Muriel Salmona, auteure d’un rapport sur les crimes sexuels rendu à l’automne à Marlène Schiappa.

Sur ces 9 % de plaintes, 70 % sont classées sans suite. Une spécificité française, estime Violaine Guérin, présidente de l’association Stop aux violences sexuelles (SVS). « On est des champions du classement sans suite », ironise cette gynécologue et endocrinologue. Selon elle, les professionnels « « mal formés », les dossiers « mal examinés », les expertises de mauvaise qualité expliquent ce chiffre. Les situations de « parole contre parole » et la difficulté à apporter la preuve du viol, expliquent également ces classements sans suite, selon la médecin.

Seules 30 % des plaintes pour viol sont donc instruites. Parmi elles, « la moitié est déqualifiée » en atteinte ou agression sexuelle, reprend Muriel Salmona. Les affaires sont donc traitées au tribunal correctionnel.

Sur les 15 % de plaintes restantes pour viol, il faut compter les non-lieux, pour prescription des faits par exemple, et les acquittements, selon la fondatrice de l’association Mémoire Traumatique et victimologie. 10 % des 9 % de plaintes initiales aboutiraient finalement à une condamnation aux assises.

« Mais c’est 1000 fois pire », tient à conclure Violaine Guérin, qui rappelle que les viols sur enfants sont encore plus minimisés que ceux sur les femmes. Elle cite ainsi le Conseil de l’Europe : « La vraie réalité c’est qu’un enfant sur cinq est victime de violences sexuelles. Rapporté à l’échelle nationale, c’est 13 millions de Français. »

Source : leparisien.fr

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