Tréguier | Procès d’un médecin généraliste accusé d’agressions sexuelles par huit patientes

Le généraliste qui a comparu, jeudi 4 avril, au tribunal de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), est-il un médecin à l’ancienne, très soucieux des infections gynécologiques de ses patientes, ou un agresseur sexuel comme le déclarent huit plaignantes ? Le jugement sera rendu le 13 juin.

Illustration ©La Voix Le Bocage

Il aura fallu plus de dix heures d’audiences, jeudi 4 avril, au tribunal de grande instance de Saint-Brieuc, pour évoquer le dossier de ce médecin généraliste de Tréguier, poursuivi pour des agressions sexuelles sur huit de ses patientes, qui auraient été commises entre 2008 et 2013.

L’affaire a éclaté en 2014, par la plainte d’une jeune fille de 17 ans, interne au lycée Savina de Tréguier.

Elle avait consulté le médecin attaché à l’établissement scolaire pour une sinusite et, selon ses déclarations, celui-ci lui avait fait une palpation mammaire et lui avait touché le pubis.

Cette plainte fait boule de neige.

L’apprenant, d’autres patientes de ce médecin généraliste et conseiller municipal de Tréguier s’étaient déclarées à leur tour auprès de la gendarmerie, pour des actes qui les avaient gênées ou choquées.

Huit se sont portées parties civiles.

« Je me suis sentie salie », dit une jeune femme, jeudi, au tribunal correctionnel de Saint-Brieuc.

Aujourd’hui retraité mais exerçant à temps partiel dans un cabinet de Tréguier, le médecin nie toute agression sexuelle.

Ces gestes, soutient-il aux juges, il les a faits pour des raisons thérapeutiques précises.

Non, il n’a pas touché les sexes mais pratiqué des palpations dans les « plis inguinaux » (l’aine) à la recherche d’éventuels ganglions.

Il reconnaît avoir peut-être insuffisamment expliqué ses actes.

Les déclarations des victimes couplées à la lecture des dépositions d’autres patientes racontent souvent les mêmes faits.

« J’ai senti qu’il profitait de sa fonction pour que je me déshabille et qu’il me palpe les seins », dit une ex-patiente.

Une autre, devenue infirmière, déclare :

« Je connais la différence entre le palper et le pétrissage.

Aucun autre médecin ne m’a jamais fait ça. »

Témoin à sa décharge, l’ancien chef de service à l’hôpital où le prévenu a appris la gynécologie constate l’évolution de la relation entre médecin et patient.

« Je suis parti à temps à la retraite, je n’ai jamais perdu la confiance et la simplicité.

Aujourd’hui, c’est une aire de protocoles et d’explications très différente.

Le patient est sur ses gardes. »

« Je me moque de savoir de quelle génération est le prévenu.

La loi pose des cadres clairs à la médecine.

L’acte médical est intrusif et nécessite le consentement du patient », rétorque l’avocat d’une des victimes.

Pour la procureure, qui reprend un à un les dossiers des plaignantes, les gestes de ce médecin n’avaient aucun caractère médical et leur « intention sexuelle » ne fait aucun doute.

Pour le parquet, « les caractères de surprises et de contrainte sont bien présents » et caractérisent l’agression sexuelle.

La procureure réclame une peine de trois ans d’emprisonnement dont deux assortis de sursis, ainsi que l’interdiction d’exercer.

À son tour, l’avocate de la défense décortique les faits.

Maître Catherine Glon, du barreau de Rennes, veut contrer « la théorie qui a prévalu à l’instruction selon laquelle mon client s’en prenait aux patientes jolies, jeunes et de passage ».

Elle réfute la contrainte et la surprise.

« Quand on vient dans un cabinet médical, c’est pour se faire examiner.

Il n’y a rien de surprenant à devoir se déshabiller. »

Selon elle, c’est parole contre parole.

« Que ce que disent ses patientes soit possible, vraisemblable, ne fait pas preuve. »

Elle reconnaît « peut-être une obsession de la prévention en pratiquant assez systématiquement des palpations » par ce médecin, qui fut accoucheur durant plusieurs années au début de sa carrière.

Elle évoque, sans s’attarder, une rumeur qui, en 2014, faisait de son client « le DSK de Tréguier », qui aurait pu servir les intérêts des opposants politiques du médecin, alors candidat aux élections municipales.

Autre argument de la défense :

« Que les experts disent que ses actes ne servaient à rien n’en fait pas des agressions sexuelles. »

Et conclut :

« Si on commence à condamner des médecins dans une situation comme celle-là… »

Le jugement a été mis en délibéré et sera rendu le 13 juin.

Source : Ouest-France

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