Morbihan – Vannes | L’ASE sous le choc après la mise en examen pour viol d’un inspecteur

L’Aide sociale à l’enfance du Morbihan (ASE) reste très perturbée, après la mise en examen d’un de ses inspecteurs. L’homme est notamment poursuivi pour le viol d’une mineure. Les conditions dans lesquelles il a été embauché posent question.

Illustration | Ouest France

 

La mise en examen d’un inspecteur de l’Aide sociale à l’enfance du Morbihan (ASE), en juin 2018, a été ressentie par ses collègues « comme une trahison, une transgression absolue ». Ce « tsunami » a généré de « la sidération » et même du « dégoût » chez ces personnels qui accompagnent, notamment, des enfants victimes de maltraitance.

« Nous sommes censés être là pour les protéger. Or, nous les avons encore plus exposés, encore plus mis en danger, se désole une éducatrice. Des parents d’enfants suivis par l’ASE nous ont traités de pédophiles et expliqué que nous n’avions désormais plus de leçons à leur donner », se souvient-elle.

Le pouvoir de l’inspecteur

L’inspecteur est poursuivi pour viol et harcèlement sexuel par personne abusant de l’autorité que lui confère sa fonction. Recruté par le Conseil départemental en 2014, son profil d’ancien gendarme interrogeait déjà certains membres de la commission d’embauche.

Six mois plus tôt, ce militaire avait participé à l’interpellation musclée d’un évadé près de Lorient. Alors qu’il était maîtrisé au sol, l’adjudant lui avait asséné un violent coup de pied sur la tête.

Jugé en catimini pour ces violences en janvier 2014, selon la procédure du plaider-coupable, le gendarme avait été condamné à deux mois de prison avec sursis, peine assortie d’une dispense d’inscription au casier judiciaire B2. Ce qui lui permettait de rester dans la fonction publique.

Peu de temps après avoir démissionné de la gendarmerie, il devient inspecteur à l’ASE du Morbihan.

Fin mars 2018, un signalement du directeur du service enfance et famille atterrit sur le bureau de la procureure de la République de Lorient.

L’enquête aboutit, le 18 juin, à l’interpellation de l’inspecteur, à qui il est reproché notamment une dizaine de rapports sexuels non consentis avec une mineure. Dont il avait la délégation parentale.

Cinq autres jeunes femmes font état d’allusions à caractère sexuel et autres gestes inadaptés, comme avoir reçu de l’argent de sa part. L’une d’elles affirme que l’inspecteur lui aurait enjoint « de ne rien dire de ses visites à son domicile sous peine de ralentir l’obtention de son contrat jeune-majeur ».

Ce contrat doit faciliter l’autonomie du jeune en lui accordant une aide financière, et parfois en lui mettant un logement à disposition. Âgées de 18 à 21 ans, ces jeunes femmes dépendaient de lui pour se voir délivrer ce fameux contrat.

Un cadre occupant des fonctions identiques reconnaît son « pouvoir quasi discrétionnaire » en la matière. Outre la question du pouvoir de l’inspecteur, se pose celle des conditions dans lesquelles il l’exerce : « Je ne reçois jamais un jeune tout seul, c’est toujours avec son éducateur référent, assure cet autre cadre. Et si c’est une jeune fille, je suis encore plus vigilant. »

En accident du travail

En avril, le Département reconnaît que le personnel du secteur nord-ouest du département est « confronté à une situation à forte charge émotionnelle ». Il l’invite « à se rendre chez son médecin pour se faire déclarer si besoin en accident du travail ».

Aujourd’hui, le service, qui fait l’objet d’une enquête de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), fonctionne avec quatre titulaires et huit vacataires. Cette situation, observe une éducatrice :

« pose la question du sens et de la légitimité de notre métier. Nous nous demandons si nous allons pouvoir continuer à exercer. Nous avons perdu confiance dans le service, dans le système ».

Suspendu de ses fonctions en avril 2018, l’inspecteur a été révoqué fin janvier 2019. Aujourd’hui libre, après avoir effectué trois semaines de détention en septembre, le Morbihannais, âgé de 46 ans et qui demeure présumé innocent, contesterait les faits les plus graves qui lui sont reprochés.

Ce que son avocat, Me Frank Berton – qui a plaidé au procès d’Outreau, défendu Florence Cassez au Mexique et, un temps, le terroriste Salah Abdeslam – n’a pas souhaité confirmer.

Il sera le conseil du quadragénaire face à de jeunes majeures décrites comme « très vulnérables, en souffrance, en errance ». L’accusation principale repose sur les frêles épaules d’une toute jeune majeure « au vécu terrible ».

Née en détention de parents toxicomanes, elle n’a pas répondu aux deux dernières convocations du juge d’instruction, n’a pu être confrontée à l’inspecteur, « qu’elle considérait comme son père. Écorchée vive, elle est en révolte »,souligne son avocate, Me Olivia Bourles.

« Au-delà de ses obligations »

« Ces enfants confiés au Département ont été agressés par le Département. Qui au procès défendra ces jeunes que l’ASE, d’ici là, risque de laisser s’éloigner ? »s’alarment des éducateurs.

Le Conseil départemental, qui sera partie civile, répond qu’il ira « au-delà de ses obligations puisqu’il financera la défense des victimes au-delà de leur majorité ». Et prend soin d’indiquer que « dans un procès de cette nature, le parquet, par les poursuites qu’il engage, est le premier défenseur des victimes ».

Le juge d’instruction, lui, choisira-t-il de renvoyer l’inspecteur devant le tribunal correctionnel ou la cour d’assises ? Qui pourrait alors opter pour le huis clos.

Source : Ouest France

 

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