Toulouse | Alerte sur les menaces que subissent des mères d’ex-prostituées mineures

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Pourquoi le système peine-t-il à les protéger ?
Jennifer Pailhé, fondatrice de l’association “Nos Ados Oubliés”, alerte sur les menaces que subissent des mères d’ex-prostituées mineures ciblées par la DZ Mafia. Pourquoi le système peine-t-il à les protéger ?

Parmi les familles que vous accompagnez en région toulousaine, vous affirmez que plusieurs mères d’ex-prostituées mineures sont ouvertement menacées par des groupes criminels. Lesquels ?

En effet, plusieurs d’entre elles sont menacées par la DZ Mafia ou par des individus se réclamant de ce groupe. Elles reçoivent énormément de messages via les réseaux sociaux. De faux comptes les ajoutent sur Snapchat ou Instagram.

Cela suppose que ces auteurs connaissent leurs adresses et leur identité. Les agresseurs profèrent des menaces explicites, allant jusqu’à évoquer des violences physiques ou une mise en prostitution.

Certains envoient des points GPS pour prouver qu’ils savent où se trouvent leurs filles ; d’autres vont jusqu’à envoyer des photos de leurs parties intimes. C’est ignoble.

Comment assurez-vous la sécurité des mères que vous accompagnez

Nous sommes sans solution concrète. Heureusement, les forces de l’ordre de leurs secteurs respectifs sont informées.

Certaines mères souhaitent poser des systèmes d’alarme à leur domicile, mais ces dispositifs sont coûteux et aucune aide n’est prévue pour les financer.

Toutes les mamans que l’association suit ont effectué des demandes de relogement. Aucune n’a abouti.

Votre association a-t-elle été directement menacée par ces réseaux criminels ?

À ce jour, l’association Nos Ados Oubliés n’a pas été directement menacée. Nous avons cependant formulé une demande auprès de la mairie de Toulouse pour obtenir un local et y établir notre siège. Ce qui nous exposerait moins.

Quels sont les signaux d’alerte que les familles doivent repérer pour identifier une adolescente victime d’un proxénète?

Certains signes précurseurs sont très caractéristiques. Souvent, les jeunes filles sous emprise changent de cercle amical, rompant avec les relations qu’elles entretenaient depuis l’enfance.

On note également des changements de comportement : accès de violence au domicile, déscolarisation, consommation de stupéfiants, addiction aux réseaux sociaux, fugues, ou encore transformation de l’apparence (maquillage prononcé, faux cils, faux ongles…).

Il faut aussi être attentif lorsqu’elles ramènent chez elles des objets ou des vêtements qu’elles n’ont manifestement pas achetés.

Le point commun de ces jeunes filles : elles sont carencées, fragilisées, souvent marquées par des traumatismes importants comme l’inceste, la violence intrafamiliale ou l’aliénation parentale.

Voyez-vous une évolution des modes opératoires ces dernières années

Oui. On observe une baisse inquiétante de l’âge des victimes de prostitution.

Par ailleurs, les réseaux de stupéfiants et de prostitution sont de plus en plus liés. On déploie les grands moyens contre le narcobanditisme, il faut les mêmes contre les proxénètes.

Les forces de l’ordre et la justice prennent-elles suffisamment au sérieux ces menaces ?

Il y a, ces derniers temps, une véritable prise de conscience.

Toutefois, la plupart des échanges entre proxénètes et victimes ont lieu sur des messageries cryptées, ce qui complique considérablement le travail des enquêteurs.

De plus, les jeunes filles ne se considèrent pas toujours comme des victimes et redoutent les représailles. Même lorsqu’elles connaissent l’identité de leurs agresseurs, elles refusent souvent de parler.

Quelles sont les principales failles du système selon vous ?

Une difficulté majeure survient lorsque des parents, en détresse, sollicitent l’aide sociale à l’enfance (ASE).

Dans certains cas, leurs filles sont placées dans des structures d’accueil qui deviennent de véritables viviers à prostitution. C’est un problème systémique grave

Le gouvernement a récemment annoncé des mesures contre la prostitution des mineurs. Pensez-vous que ces actions soient suffisantes ?

C’est un début, mais il faut aller beaucoup plus loin.

Tous les magistrats doivent être formés à ces problématiques.

Lorsqu’une adolescente a commis des infractions, il est nécessaire de la sanctionner tout en la plaçant dans un lieu sécurisé, véritablement coupé de l’influence des réseaux criminels. Aujourd’hui, ces structures spécifiques n’existent pas.

Sur l’accompagnement, la principale difficulté est que certaines jeunes filles repartent avec leur proxénète dès qu’elles en ont l’occasion. Nos Ados Oubliés travaille avec des structures de rupture ou de remobilisation.

Là où les départements ont mis en place ce type de solutions, les résultats sont tangibles.

 

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