Témoignage | Victime d’attouchements, personne ne l’a écoutée

Elle a regardé, impuissante, son enfant s’enfoncer dans un mal-être et la violence sans comprendre le sens du message. Jusqu’à ce que la petite fille parvienne à s’ouvrir au monde des adultes. Et raconter ce qu’elle a enduré.

Photo archives RL/Fred LECOCQ

La voix de l’enfant tarde encore, parfois, à être entendue. Il a fallu cinq ans pour que la justice s’intéresse aux mots de Lucie, on va l’appeler ainsi pour préserver son anonymat. En 2012, elle a confié une première fois à un gendarme le mal qui la ronge.

Un psychologue en déduit des carences éducatives. Puisque personne ne la comprend, l’enfant se tait.

Son attitude parle pourtant pour elle. Elle change. L’enfant qui n’a pas encore six ans devient agressive avec ses poupées, elle les met nues. La maman demande de l’aide à un pédopsychiatre, un ergothérapeute, à une éducatrice. Les difficultés sont signalées aux autorités, la maman, qui travaille dans le milieu médical en Moselle Est, est entendue par les forces de l’ordre. Un suivi est imposé par un juge mais « ça ne sert à rien », confie l’adulte, séparée du père, après avoir été agressée sexuellement. Des faits pour lesquels l’homme a été condamné.

L’enfant s’enferme plus profondément encore dans la violence. Par deux fois, elle cherche à poignarder sa mère. Puis elle s’en prend à un chaton, qui meurt dans ses mains. « Elle avait perdu confiance dans le monde des adultes, et en moi aussi », s’excuse la maman, terrassée par un énorme sentiment de culpabilité. « Je n’y arrivais plus… »

La fillette est placée en famille d’accueil à la fin de l’année 2016. « Je pouvais voir ma fille régulièrement. Et puis, là-bas, elle était bien entourée. Elle a commencé à s’ouvrir. » Elle nomme pour la première fois la personne qui lui a fait du mal. Les faits sont dénoncés.

« Elle va mieux… »

Elle est entendue à nouveau par la gendarmerie en janvier 2017. Sa déposition est détaillée, précise, horrible. Un expert assure qu’elle « n’affabule pas. » Lucie ne veut plus entendre parler de son père, auteur d’attouchements. Ni de sa belle-mère, qui l’empêchait de se laver ou de changer « de culotte » lors de ses courts séjours à leur domicile. L’enfant raconte encore avoir été privée de nourriture « parce qu’on me traitait de grosse ». Un lit lui avait été aménagé à la cave.

Cette enquête judiciaire est terminée depuis le mois de mars. Le parquet des mineurs de Metz a transmis le dossier à Sarreguemines. « C’est un dossier douloureux », juge le procureur de la République de Sarreguemines, Jean-Luc Jaeg. « Mais il n’est toujours pas audiencé. On ne sait pas quand le procès aura lieu. C’est le flou total, s’irrite Me Dominique Boh-Petit. C’est grave et très préjudiciable parce qu’il y a d’autres enfants. » (lire par ailleurs).

Aujourd’hui, Lucie ne voit plus son père. Elle va avoir dix ans. « Elle est très courageuse », sourit sa maman. Cela ne veut pas dire qu’elle va bien. « Elle va mieux mais ce sera long… »

Source : republicain-lorrain.fr

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