Targon | Reconnus coupables de maltraitance sur leurs enfants, ils bénéficient de laxisme
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 15/12/2022
- 15:43
C’est habillé d’un jogging des Girondins, d’une veste et muni d’une sacoche que Jacques(*), 39 ans, s’est avancé à la barre du tribunal de Bordeaux (Gironde), mardi 13 décembre 2022. À ses côtés, son ex-compagne, Léa(*), prise de honte et de culpabilité, qui a prononcé rapidement quelques mots :
« Je reconnais les faits. »
Parents de quatre enfants, ils ont comparu devant le tribunal pour des accusations de violences sur mineurs exercées du 1er janvier 2020 au 4 mai 2021 pour la mère et du 1er décembre 2020 au 31 décembre 2021 pour le père. Au moment des faits, le couple vivait à Targon, en Entre-Deux-Mers.
La juge a énoncé les différentes violences subies directement par au moins trois enfants sur quatre :
“Gifles, enfant attaché aux pieds et aux mains avec une corde à une chaise, objet lancé dans la tête d’un enfant, ligotage avec du ruban adhésif des mains dans le dos, des pieds et sur la bouche, privation de nourriture… Il y a des photos d’un enfant attaché sur un matelas, un enfant mis dans la poubelle, et des traces de blessures.” Marie-Elisabeth Boulnois, présidente de la séance.
Dans un premier temps, avant le début de la comparution, le tribunal a décidé de dissocier deux affaires. Car le père est également accusé d’agression sexuelle incestueuse sur une de ses filles.
De nouveaux éléments étant actuellement apportés au dossier, le tribunal a décidé de se déclarer incompétent sur cette partie. L’avocate Valérie Dubos, représentant la partie civile, de l’Union départementale des associations familiales (Udaf), administratrice ad hoc, indique :
“Des faits nouveaux apparaissent au dossier, car la parole se libère de plus en plus chez certains enfants. Il y a donc de nouvelles investigations pour vérifier les éléments.”
Tout commence donc en 2010, à Targon (Gironde) avec la naissance du premier enfant, Lucie(*). Les choses se compliquent quand le second, Valentin(*), vient au monde.
A la barre, la mère de famille ne peut retenir ses larmes :
“Je reconnais les violences sur Valentin et William*. Je l’ai attaché avec une corde à la chaise pour qu’il arrête de me défier… Je n’en pouvais plus, je m’en excuse. J’ai eu un accouchement difficile. Pour moi, à la naissance, mon fils (Valentin*) était mort.” Léa, mère de quatre enfants.
C’est en sanglots qu’elle raconte toutes les violences exercées.
« J’ai demandé de l’aide aux services sociaux. Je n’ai jamais été soutenue, j’ai perdu pied. »
En 2017, effectivement, la mère de famille demande le placement de Valentin, atteint de troubles du comportement. De son propre aveu, à la barre du tribunal, elle n’arrive plus, à l’époque, à gérer la situation. Son compagnon lui reproche « fortement » :
« Il était contre les services sociaux. Pendant huit mois, il n’est pas rentré à la maison », « Mon fils était devenu mon punching-ball »
Avec Valentin, Léa déchante. Sa relation ne ressemble pas à ce qu’elle imaginait… Et quand l’homme rejoint finalement le domicile familial, en 2018, la Girondine note un changement de comportement de son fils :
“Il m’insultait, il était violent et agressif avec moi. Il me riait au nez, j’en avais marre. Mon fils était devenu mon punching-ball, je le punissais parfois pendant toute une journée, mais il n’arrêtait jamais. J’ai explosé et je lui ai mis des coups de pied alors qu’il était au sol, c’est monsieur qui m’a stoppé.”
Dans un enregistrement, la mère confiera à sa tante qu’elle était prête « à tuer son fils ». Elle raconte également une autre punition (requalifiée de violence et maltraitance par le procureur et la partie civile) infligée à son enfant : Valentin devait monter les mains sur la tête les escaliers puis les redescendre. Sans s’arrêter. Jusqu’à épuisement.
Dans les différentes auditions, les enfants n’ont pratiquement rien révélé, et ne se sont pas confiés aux gendarmes. Pire, l’un d’eux s’est même fait du mal par peur des représailles.
« Au moment de répondre la question « Papa t’a fait mal ? » Lucie s’est mise à se griffer à la cheville. Quand le gendarme lui a demandé pourquoi elle se faisait ça, elle a répondu : « Je ne sais pas, j’ai envie, ça me fait du bien, après je suis moins en colère », détaille la juge Marie-Elisabeth Boulnois.
On apprend, au cours de l’audience, le comportement troublant de Marie (*), la cadette, âgée aujourd’hui de cinq ans : lorsqu’on lui donne une poupée, l’enfant l’entoure de ruban adhésif et la frappe dans le mur.
L’affaire a éclaté le 4 mai 2021, lorsque les trois premiers enfants ont été placés. Pour Marie, le placement interviendra cinq mois plus tard. Et c’est seulement aujourd’hui que les enfants, très abîmés psychologiquement, commencent à se livrer.
Valérie Dubos, avocate représentant la partie civile, de l’Union départementale des associations familiales (Udaf), indique :
“Ils se libèrent de la pression de leur père. Comme les parents ne les voient plus depuis plusieurs mois, les enfants, jusqu’alors réduits sous silence, commencent à parler.”
Tous ont des retards de langage et de compréhension assez importants. Valentin, âgé de 11 ans aujourd’hui, a l’âge mental d’un enfant de quatre ans, d’après les éléments fournis par la justice.
Tout au long de la comparution, les deux parents, eux, ne se regardent pas. Ils ne se parlent pas. Deux profils différents dans leur comportement : Léa acquiesce à l’énoncé des différentes accusations qui lui sont exposées. La jeune femme raconte sans difficulté ce qu’il s’est passé.
Pour Jacques, le père, c’est un tout autre comportement. Il regarde beaucoup son avocat, se mord l’intérieur de la joue, se ronge les ongles par moments. L’homme ne comprend pas les faits qui lui sont reprochés.
Le père explique avoir « pété les plombs ». Sa défense ? Il explique qu’attacher ses enfants était un jeu :
“Ils rigolaient, on jouait à s’attacher, moi aussi je me laissais m’attacher par mes enfants, je ne voyais pas le mal. Avec le recul, je regrette, je ne pensais pas qu’on en arriverait là. J’avais fait ce jeu quand j’étais moi-même en famille d’accueil, je ne pensais pas faire mal.”
Le père ne se souvient pas de tout. Mais il ramène beaucoup d’éléments à son histoire personnelle. « J’ai pété les plombs quand j’ai vu que trois de mes enfants étaient placés. J’ai sorti les couteaux pour en finir avec les services sociaux. J’ai aussi moi-même voulu en finir. »
Aujourd’hui, le couple est séparé. Léa est partie vivre en Dordogne.
Après concertation, le tribunal de Bordeaux a reconnu la mère et le père coupables des faits qui leur sont reprochés.
Léa est condamnée à trois ans d’emprisonnement avec 28 mois assortis d’un sursis probatoire. Les six mois de prison ferme sont aménagés à domicile avec port du bracelet électronique.
Le père est, quant à lui, condamné à trois ans d’emprisonnement dont deux ans assortis d’un sursis probatoire. Les 12 mois de prison ferme sont aménagés à domicile avec port du bracelet électronique.
Tous les deux ont été également condamnés à payer 6 000 euros de provision pour chacun des enfants et 2 000 euros pour Marie. Ils doivent suivre des soins, et ont l’interdiction de rentrer en contact avec leurs enfants sauf si le juge des enfants les y autorise. Le retrait de l’autorité parentale a été prononcé pour les deux parents.
(*) Tous les prénoms ont été modifiés afin de protéger les victimes.
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