Scandale Oxfam | L’humanitaire rattrapé par le scandale

La liste ne cesse de s’allonger. Sombre, répugnante, désespérante. Qu’il s’agisse d’affaires de pédophilie, de viols, d’atteintes sexuelles sur des femmes adultes (et parfois des hommes), ou d’exploitation sexuelle de la misère, aucune institution ne semble épargnée. Une par une, les structures vacillent, les étoiles pâlissent, les réputations se ternissent.

Credit : Juan Carlos Hidalgo/EFE/SIPA

Il y a eu l’Église catholique, et les abus commis par certains prêtres ou religieux sur des mineurs. Il y a eu, en France, l’enseignement, les médias, les syndicats, les politiques. Partout des accusations de harcèlement – sinon pire – portées contre des personnalités en vue, députés ou membres du gouvernement. Il y a eu le cinéma, avec l’affaire Weinstein. Puis le sport, avec la lourde condamnation du médecin américain de la fédération de gymnastique ou les scandales dans le foot anglais. Une nouvelle série de révélations commence. Elle concerne cette fois le monde humanitaire. Oxfam, une des plus importantes ONG britanniques, a plus ou moins cherché à couvrir un scandale de prostitution en Haïti.

Ces affaires ont beau éclater dans des secteurs très différents les uns des autres, elles présentent des traits communs. Première constante : les abus sexuels sont aussi et à la fois des abus de pouvoir et des abus de confiance. Les victimes se sentent trompées autant que molestées ou exploitées, par des personnes dont elles dépendent et parfois qu’elles admiraient. On s’aperçoit ensuite que ces cas « isolés » font système. Si les raisons de l’inertie varient – culture du secret, peur de perdre des troupes ou de l’argent, corporatisme, machisme, manque de preuves, respect de la vie privée… –, la gestion de beaucoup de scandales se ressemble. Sans pression extérieure, on préfère ignorer le problème, ou le relativiser, ou le régler en interne, ou l’étouffer, quitte à se séparer discrètement de brebis galeuses, qui vont alors exercer ailleurs.

Les Églises et les ONG affichent une double prétention : faire la morale et faire le bien.

Nous en sommes aux effets pervers, eux aussi terrifiants. Le déphasage des pouvoirs mène au déballage, et le déballage conduit au lynchage. On mélange faits et époques, rumeurs, soupçons et certitudes, on exhume affaires prescrites et autres plaintes classées sans suite. On se gausse de notions fondamentales comme la présomption d’innocence ou les délais de prescription. Quand on en vient à déclarer que « un homme sur deux ou sur trois est un agresseur », comme l’a fait récemment la féministe Caroline De Haas, on ridiculise et on décrédibilise une cause juste. Mensonges institutionnels et outrances médiatiques provoquent écœurement et emballement. Trop, c’est trop.

Pourtant, parvenu à ce stade critique, il faut poursuivre. En particulier dans les ONG et les institutions religieuses. Ces deux univers, dont à La Vie nous sommes si proches, ainsi que nombre de nos lecteurs, ont beaucoup en commun. La « religion de l’humanitaire » a historiquement beaucoup à voir avec la charité chrétienne, dont elle a sécularisé en partie valeurs et engagements. Comme les Églises, les ONG reposent sur des valeurs d’altruisme et de gratuité.

Elles affichent aussi une double prétention : faire la morale et faire le bien. En ce sens, lorsque le scandale les atteint, le problème se révèle particulièrement redoutable. On l’a dit à propos de l’Église catholique, on le redit donc à propos de l’humanitaire : il faut temps et courage pour rétablir la confiance. On ne peut y arriver en faisant les choses à moitié. Il faut aller jusqu’au bout de la vérité, même si c’est un chemin de croix.

Source : lavie.fr

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