Prostitution de mineurs | D’après l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains les affaires de proxénétisme sur mineurs ont été multipliées par 6 ces 4 dernières années

De plus en plus d’adolescentes françaises se prostituent, un phénomène qui inquiète les autorités judiciaires et les parents. Les affaires de proxénétisme sur mineurs ont été multipliées par six ces quatre dernières années, d’après le décompte de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains.

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C’est le rendez-vous des parents inquiets, qui ne reconnaissent plus leur enfant. Les discrets locaux de l’association Agir Contre la Prostitution des Enfants (ACPE), dans le centre de Paris, accueillent des parents qui ont découvert, effarés, que leur adolescente se prostituait. On ne parle pas là de prostituées étrangères, mais de jeunes françaises, tous milieux confondus.  

C. est une maman souriante et pleine d’énergie.

Elle arrive accompagnée d’une amie et de son fils de cinq ans.

Son monde s’est écroulé il y a un an.

Elle était partie à Londres pendant quelques semaines parce que son fils, qui souffre d’une maladie rare, devait suivre un protocole médical particulier.

À son retour, sa fille aînée restée en France, est métamorphosée.

À 14 ans, elle porte des talons hauts et se maquille de manière outrancière.

Puis elle fugue, pendant plusieurs semaines.

“Je ne reconnais plus ma fille.

C’est comme si c’était quelqu’un d’autre.

Je la questionne pour en savoir plus mais elle met des barrières”, raconte C. aux bénévoles de l’ACPE.

Pourquoi ces jeunes filles sont-elles de plus en plus nombreuses à tomber dans la prostitution ?

Chaque histoire est personnelle mais il y a une constante : elles ont souvent une fragilité liée à leur enfance.

Ce fut le cas pour Andrea*, victime d’un viol lorsqu’elle avait six ans.

À 14 ans, brisée, elle se lance dans la prostitution, une de ses connaissances fait office de proxénète.

“J’en arrivais à imaginer que cela pouvait être valorisant d’être choisie par les hommes, de recevoir de l’argent ou des cadeaux pour qu’ils couchent avec moi”, explique la jeune femme, aujourd’hui majeure.

“On se retrouvait dans des bars privés, on nous servait le champagne à une table à part avec mes copines.

Je me sentais un peu princesse, quelqu’un à part, quoi…”

Adolescente et prostituée… quatre années à cumuler les passes, à vivre sous l’emprise de souteneurs à peine plus vieux qu’elle, à supporter toute cette violence dans l’excès de drogue et d’alcool.

Car la prostitution a été une expérience très violente pour Andréa.

“Pendant cette période, je me raccrochais à une représentation sexy et poétique de la prostitution”, confie-t-elle.

“Mais la réalité, ce n’est pas cela.

La réalité, c’est de la violence, des coups, des viols, des insultes, des crachats.

Ce n’est pas des rapports sexuels, dans la prostitution.

C’est de la domination.

C’est vraiment être réduite à un état d’objet.

On perd son humanité. “

Dans ce genre d’affaires, Internet et les réseaux sociaux jouent un rôle déterminant.

Ils permettent à des proxénètes en herbe de recruter des filles et des clients.

Lucie, 22 ans aujourd’hui, s’est prostituée quand elle était mineure.

Elle a rencontré son proxénète sur le blog de la radio Skyrock.

“Internet, ça peut être toxique à un âge où l’on n’est pas construit et où l’on a besoin de reconnaissance.

On a envie de traîner avec des gens qui sont plus âgés que nous.

Il y a tous les pervers qui traînent et on est facilement abordables via les réseaux sociaux.”

L’autre facteur qui peut expliquer la hausse vertigineuse des cas de prostitution chez les adolescentes est, ce que les magistrats appellent “l’effet Zahia”, du nom de cette ancienne prostituée au train de vie fastueux, reconvertie dans le cinéma.

Pour certaines adolescentes, elle est un modèle de réussite.

“C’est une jeune femme qui a une véritable réussite sociale et matérielle à son niveau à elle”, explique Raphaëlle Wach, magistrate, spécialiste du proxénétisme sur mineurs au parquet de Créteil.

“Pour les adolescentes de certains milieux, la prostitution peut représenter un ascenseur social, là où les autres formes d’ascenseurs sociaux n’existent plus tellement dans notre société”.

Résultat, les affaires de proxénétisme sur mineurs ont été multipliées par six ces quatre dernières années.

Des réseaux très lucratifs pour les proxénètes : l’exploitation d’une jeune prostituée peut rapporter jusqu’à 1 000 euros par jour.

Source : France Inter

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