Passy | Un ancien professeur condamné à 2ans de prison ferme pour de multiples agressions sexuelles sur 10 de ses élèves

Le tribunal de Bonneville a condamné jeudi 10 octobre l’ancien professeur de l’école de musique de Passy à quatre ans de prison (dont deux avec sursis) pour des agressions sexuelles commises sur dix de ses élèves mineurs (10 à 17 ans au moment des faits) entre 2009 et 2015.

Illustration : Isabelle Louvier

Le professeur qui joue au “chat-bite” avec ses élèves mineurs, leur demande la taille de leur pénis, leur propose des masturbations, leur envoie des messages déplacés, les invite en vacances, leur propose des sorties ski, des bains de minuit et autres, n’ira en prison que pour deux années pour avoir agressé sexuellement dix de ses élèves !

Il a en outre l’obligation de suivre des soins et l’interdiction définitive d’exercer une activité professionnelle ou bénévole au contact de mineurs.

En mai 2015, la présidente de l’harmonie municipale de Passy raccompagne un jeune élève musicien à son domicile. Durant le trajet, le jeune homme se confie sur les raisons qui l’ont amené à arrêter sa formation à l’école de musique.

Il dénonce le comportement déplacé de son professeur de percussion, âgé aujourd’hui de 46 ans. Le jeune homme raconte que son professeur lui aurait demandé de lui montrer son sexe en punition d’un retard, il évoque aussi des attouchements et précise qu’il n’est pas le seul à les avoir subis.

Assistante sociale de profession, la présidente s’inquiète de ces déclarations et les signale au procureur par un courrier. L’enquête est décidée ; les auditions des élèves amènent plusieurs victimes potentielles à se signaler. Dix d’entre eux se sont portés parties civiles lors du procès.

Décrit comme un professeur « dynamique », « impliqué », « compétent » par ses collègues, le prévenu était aussi apprécié voire vénéré par la majorité de ses élèves. Au sein de l’école de musique, il avait créé un big band devenu « le Graal des élèves ; c’était un aboutissement d’être retenu pour le big band », explique l’une des victimes. Or, chacune des victimes a, à un moment ou un autre, été membre de cet orchestre en plus de participer aux cours individuels dispensés par le professeur.

Un groupe de copains composé presque exclusivement de jeunes garçons se forme dont le professeur est partie prenante, troublant ainsi les limites qui s’imposent dans la relation entre un enseignant et ses élèves. Le tribunal s’est ainsi beaucoup intéressé à la pratique du « chat-bite », jeu de cours de récréation où il s’agit de frapper les parties génitales du voisin. Un jeu de gamin auquel s’adonnait également le professeur sur ses élèves.

« En fait, je me sentais comme un vrai gamin avec eux », raconte à la barre l’enseignant pour tenter de justifier son attitude ambiguë.

Devenu très proche de ses jeunes élèves, il les invite en vacances, leur propose des sorties ski, des voyages à Disneyland, des bains de minuit, les invite chez lui pour un bœuf ou pour voir un film ; autant d’initiatives pour lesquelles il ne prenait pas toujours la peine de contacter les parents. Et de s’étonner qu’un parent ait un jour refusé de le laisser emmener son fils : « Je ne comprends pas. Il n’y avait aucun risque », explique benoîtement le prévenu.

Ce comportement se caractérise aussi par des échanges de messages via les réseaux sociaux ou des SMS dont le contenu est des plus déplacés. L’enseignant s’inquiète régulièrement de la taille du sexe de ses élèves, de la fréquence de leur masturbation ; il leur fait moult compliments expliquant à certains qu’il les aime, les trouve beaux et matures… « Ce sont des messages que l’on envoie à son amoureux », remarque la présidente. Pour certains élèves, la chose va encore plus loin.

C’est le cas pour Michel* dont le témoignage fut l’un des plus frappant. La présidente du tribunal a ainsi évoqué plus d’une centaine d’échanges (réseaux sociaux, SMS, etc) entre le professeur et le garçon. Dans ces messages, l’enseignant propose au garçon de se « masturber ensemble ». Michel* refuse mais le professeur insiste très lourdement, tente de le convaincre de faire le mur pour le rejoindre dans des échanges de messages effectués après minuit.

Un soir qu’il le ramène chez lui, l’enseignant l’agresse :

« Il avait garé la voiture un peu avant chez mes parents. Là, il m’a bloqué de manière à ce que je ne puisse réagir ; il a mis la main sur mon sexe, je me suis débattu et j’ai pu appuyer sur le klaxon. Il m’a alors lâché. »

Et l’enseignant d’expliquer : « Oui, c’est vrai on chahutait. » Un autre soir, le professeur attend même le garçon devant chez ses parents.

« Il m’a demandé de monter dans la voiture. Je ne sais pas pourquoi j’ai accepté. Je ne pouvais pas refuser. »

Le professeur le mène dans un lieu isolé du plateau d’Assy et tente pendant plus d’une heure de le convaincre de pratiquer une masturbation conjointe.

« J’étais piégé. j’étais seul au milieu de nulle part, je ne pouvais rien faire », raconte le garçon qui obtient tout de même gain de cause.

Pour d’autres, c’est la salle des partitions qui le piège. L’un de ses élèves oublie un jour ses affaires. Le professeur le punit d’une drôle de façon.

« Il était énervé. Il m’a demandé de venir avec lui dans la salle des partitions. Là, il m’a poussé contre le mur et a glissé sa main dans mon pantalon pour toucher mon sexe. Il est resté comme cela pendant peut-être trente secondes. Il me disait : C’est gros, etc. », raconte le garçon.

Une méthode pédagogique appliquée sur d’autres élèves. Une fausse note et le professeur donnait un coup sur le sexe de son élève. « C’était des sortes de gages », a-t-il expliqué.

Marié depuis 2002 a une femme jugée « effacée » par son propre avocat, le prévenu a depuis divorcé. A l’époque des faits, ils vivaient encore ensemble mais, selon l’enseignant, celle-ci n’a jamais rien su de ses méthodes pédagogiques particulières.

La présidente : « Qu’a t’elle pensé des messages que vous avez envoyés aux élèves ? » Le prévenu : « Je lui ai expliqué que c’était des plaisanteries. Elle l’a pris très mal. »

Pourtant, à l’en croire, la révélation de l’affaire aurait peu à voir avec la séparation. « Je n’ai pas été honnête avec elle. Je ne lui ai pas dit que je ne voulais pas d’enfant. » Une femme avec laquelle il vécut en concubinage platonique durant cinq ans avant de l’épouser. Même cette étape franchie, il semble que la vie intime du couple fut plutôt morose. « C’était pas le top. Je pense que mon épouse était déçue. »

Maître Jullien, l’avocat du professeur, pose alors franchement la question d’une sexualité mal assumée, refoulée : « Monsieur, êtes vous homosexuel ? » Le prévenu : « Non. Je n’ai jamais été attiré par les hommes, ni par les adolescents. » Les expertises psychologiques semblent confirmer cet avis. Maître Jullien a quand même un doute:

« Cet expert, je l’aime bien mais il est à l’expertise psychiatrique ce que je suis à la papauté. »

Par ailleurs, il est à signaler que l’examen du matériel informatique n’a mené à aucune découverte incriminante.

Confronté à ces accusations, le prévenu a reconnu la plus grande partie des faits :

« Je tiens à dire aux victimes que je m’excuse. Je n’aurais pas dû faire ça. J’ai honte. »

Des excuses quelque peu dévaluées par les explications parfois surréalistes que le professeur a données pour justifier son comportement.

Il reconnaît ainsi qu’au moment des faits, il était « dangereux » et explique que « si les parents qui avaient des doutes étaient venus m’en parler, cela m’aurait mis une claque et j’aurais arrêté. Mais personne ne m’a rien dit. »

À la présidente du tribunal qui l’interroge sur les raisons de l’insistance avec laquelle il réclame une masturbation à Michel, il explique :

« Ce n’était pas sexuel. Je voulais juste connaître sa réponse. Est-ce qu’il l’aurait accepté ou pas ? Mais s’il avait accepté, jamais je ne l’aurais fait. C’était juste de la curiosité », assure-t-il.

Pour maître Lorichon, avocat des parties civiles : « Il semble qu’il parle de ses élèves comme des cobayes. » Et l’avocat de voir dans son comportement un stratagème digne d’un prédateur :

« Nous avons quelqu’un qui joue sur tous les tableaux : il joue sur l’autorité, il est le copain mais parfois il n’est plus copain, il joue et ne joue pas. On a alors des adolescents qui ne savent plus tellement comment se positionner vis-à-vis de lui. Il obtient leur confiance, puis les utilise pour assouvir ses pulsions sexuelles. »

Pour les élèves comme pour le tribunal, l’enseignant exerçait une « emprise » digne d’un gourou sur les garçons.

« On ne pouvait pas lui dire non », glisse l’une des victimes.

À la barre, chaque victime a tenu à remercier l’élève qui le premier a parlé.

« Il faut beaucoup de courage. S’il n’avait pas parlé, je n’aurais rien osé dire. J’avais honte ; on n’est pas fier de s’être fait touché le sexe par son professeur de musique. Je tiens à le remercier car sans son courage, le prof animerait toujours des cours aujourd’hui », explique l’un des garçons.

Selon les experts psychologues, ces jeunes garçons sont aujourd’hui atteints de troubles de types post-traumatiques. Certains ont passé le cap d’une sexualité adulte avec beaucoup de difficulté et traînent encore un mal-être. Sans parler de ceux à tout jamais dégoûté par la musique.Tous font état d’une perte de confiance envers les autres et les institutions.

« Je n’ai plus confiance en personne. Même des pompiers, des gendarmes, je me méfie », raconte le témoin à l’origine de l’affaire.

La mère d’une victime explique de son côté que son fils « ne sortait plus, s’était beaucoup renfermé. Cela fait vraiment peu de temps qu’il sort de nouveau. »

 

Source : lemessager.fr

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