
Orthez | Des anciens élèves de l’établissement privé Moncade parlent de leurs calvaires
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 19/09/2025
- 00:45
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Dans le réfectoire vide, ce soir-là, le surveillant Jean-Louis L. affiche un grand sourire.
Un soulagement pour Alain Pinarel.
Habituellement, l’encadrant, qu’il qualifie de « spécialiste des tartes » , est réputé pour sa dureté.
Mais là, il se montre prévenant envers l’adolescent de 14 ans.
« Regarde, il y a un feu de cheminée, on va être bien », aurait-il lancé d’un ton jovial, avant de disposer des matelas sur des tabourets en guise de lits.
L’ancien élève, aujourd’hui âgé de 62 ans, a mal au ventre, il peine à respirer lorsqu’il fait le récit de cette soirée de 1977, pendant ce séjour à la montagne organisé à Lescun par le collège privé catholique Moncade d’Orthez.
Allongé à côté d’Alain Pinarel sur le lit de fortune, le surveillant aurait déshabillé le jeune garçon, sans prévenir.
« L. s’est mis à me masturber » , affirme aujourd’hui le sexagénaire.
L’encadrant aurait ensuite pris la main du collégien pour qu’il en fasse autant, durant plus d’une heure.
« J’obéissais de façon mécanique » , raconte t- il.
Jean- Louis L. lui aurait ensuite demandé de se coucher sur le ventre, pour « frotter son sexe » contre les fesses de l’enfant.
Quelques mois plus tard, une seconde agression serait survenue, selon Alain Pinarel, lors d’un week-end à Bielle (Pyrénées-Atlantiques), en présence d’un autre adolescent.
Lorsque la mère de l’élève lui rend visite les mercredis, il s’effondre systématiquement en larmes.
Mais après ces deux épisodes, le collégien garde le silence.
Ces événements, assure-t-il d’une voix tremblante, l’ont profondément changé :
« Je me suis mis à me méfier de tout et de tout le monde. Je suis devenu un peu asocial. »
Contacté par l’Humanité, Jean-Louis L. n’a pas donné suite à nos sollicitations.
Devant son poste de télévision, en février 2025, Alain Pinarel dit avoir ressenti un déclic.
Les victimes du pensionnat Notre-Dame de Bétharram (Pyrénées-atlantiques) se confient alors sur les violences physiques et sexuelles subies des années durant dans l’établissement privé catholique.
Encouragé par cet exemple, il décide de briser des décennies de secret, en se livrant à son épouse.
Avec en tête une nouvelle certitude :
« La honte n’est pas de mon côté, finalement. »
DES « CONFESSIONS OBLIGATOIRES INDIVIDUELLES »
Alain Pinarel évoque un autre surveillant général, qu’il qualifie d’ « alcoolique notoire » .
En public, celui-ci aurait distribué de « grosses baffes » .
En privé, il serait allé plus loin : coups de poing, tabassages…
Un jour, Alain aurait essayé d’esquiver ses coups en se réfugiant sous un lit.
Son bourreau aurait alors tenté de l’écraser en sautant de tout son poids sur le matelas.
« Je pleurais tout le temps et je me faisais traiter de pleurnichard », raconte t-il.
Ce témoignage fait écho à ceux de deux autres anciens élèves de l’établissement catholique, Vincent Larsen et Pierre (1).
Pour la première fois, ils livrent à l’Humanité des récits qui dépeignent un climat de violence généralisée entre 1977 et 1984.
Tous deux confirment avoir assisté à des scènes de violence de la part de cet encadrant.
Ces trois anciens élèves accusent aussi le directeur de l’époque, l’abbé A., d’avoir à plusieurs reprises frappé des élèves à coups de « bouffes » – des grosses baffes.
« On n’avait personne à part nous- mêmes » , déplore Pierre à propos de ces années de collège.
Arrivé en 1980 en demi-pension, l’élève de 12 ans se serait vu régulièrement imposer des « confessions obligatoires individuelles » durant ses années de sixième et de cinquième dans le bureau de l’économe, l’abbé H.
Le religieux l’aurait installé sur ses genoux, le tenant « fermement » pour lui « caresser les cuisses » .
Vincent Larsen, lui, entre à Moncade en 1979.
Il n’a que 12 ans lorsqu’il est placé à l’internat du collège, sous la responsabilité de Jean-Marie E.
Ce surveillant gère le dortoir d’environ 70 lits.
Décédé en 2016, celui qui est surnommé « Tcheutche » fut aussi l’un des dirigeants d’un club de football local.
Dans un article du quotidien Sud Ouest, il est présenté comme « une figure aimée de tous » .
Vincent Larsen en brosse un tout autre portrait.
Un soir, pour avoir fredonné une chanson dans son lit, Vincent aurait été convoqué dans la chambre de Tcheutche.
À genoux, il aurait reçu une avalanche de coups : des « droites et revers » sur le visage, qui n’auraient cessé qu’une fois l’enfant épuisé, incapable de crier.
Ces scènes se seraient répétées :
« Tout est devenu prétexte à sa violence » , assure-t-il.
Quand Vincent Larsen revient chez lui, il « passe son week-end à pleurer », se souvient sa grande soeur Agnès.
« Ma crainte, c’était qu’un jour, cet homme le tue » , raconte-t-elle.
Puis seraient venues les agressions sexuelles.
Un soir, alors que l’élève est couché dans son lit, croyant en avoir fini avec la journée de brimades, il aurait senti une main se glissant dans son pyjama.
« Le surveillant Tcheutche me caressait le sexe sous mon caleçon » , affirme-t-il.
« Ça me répugnait, il était sale en plus », poursuit-il.
Terrorisé, l’enfant aurait fait semblant de dormir.
« J’étais comme un oiseau terré dans l’ombre. »
L’épisode se serait reproduit, selon Vincent Larsen, à deux reprises.
AUCUNE OREILLE ATTENTIVE À QUI SE CONFIER
Le jeune garçon se confie alors à sa mère, qui demande un rendez-vous au directeur, l’abbé A.
Ce dernier aurait justifié les violences, arguant de la discipline à imposer à des enfants nombreux, rapporte l’ancien élève.
Quant aux mains dans le caleçon de l’enfant…
« Tu as dû rêver », aurait-il répondu au jeune Vincent.
Le directeur aurait exigé de lui qu’il répète ses propos devant celui qu’il accuse de l’avoir agressé.
Terrifié, le collégien se serait tu.
À la fin de l’année, sa mère décide de lui faire quitter l’internat.
Mais il reste scolarisé dans l’établissement.
« Aucun crédit n’a été donné à mes propos » , regrette l’ancien élève.
Contactés, les proches de l’ancien directeur nous ont indiqué que son état ne lui permettait pas de répondre aux questions de l’Humanité.
Quelques jours avant le départ de l’élève de la pension, Tcheutche découvre qu’il a uriné dans son lit.
Dans la salle d’études, le surveillant aurait soulevé le jeune Vincent et l’aurait pris par les oreilles, pour l’exhiber devant la centaine d’élèves présents.
« Il a fait pipi au lit » , aurait-il clamé.
Vincent Larsen dit se sentir, encore aujourd’hui, humilié en se remémorant cette scène.
Le collégien aurait alors tenté de se confier à Jean-louis L., devenu surveillant général : celui-là même qu’Alain Pinarel met en cause.
« Il s’est montré dubitatif, mais pas comme les autres adultes » , raconte l’ancien élève.
Le soulagement est de courte durée.
Au lieu de le protéger, l’homme aurait profité de la vulnérabilité de Vincent Larsen.
Dans la cour de récréation, il aurait multiplié les « câlins » , les « caresses sur les cheveux » , posant « sa tête contre la sienne » …
Jean-louis L. a été condamné en 2003 pour agressions sexuelles sur un autre élève du collège Moncade.
Le conseiller principal d’éducation a reconnu avoir emmené l’un de ses élèves, « âgé de 13 ans, d’abord à Poitiers, pour visiter le Futuroscope, puis à Royan (Charente-Maritime) » , raconte le quotidien Sud Ouest.
« Il conduisit le collégien dans son appartement, lui projeta des films à caractère pornographique et lui fit subir les agressions sexuelles qui lui ont valu d’être écroué à la maison d’arrêt de Pau » , poursuit le quotidien régional, en précisant que Jean-Louis L. aurait également fréquenté l’établissement Moncade en tant qu’élève.
Là, l’agresseur aurait, « selon ses dires, lui-même été victime, enfant » , de faits de pédocriminalité « identiques à ceux qu’on lui reproche ».
N’ayant trouvé, à l’époque, aucune oreille attentive à qui se confier, Pierre doit porter ce secret.
« On essayait de se défendre mais comment pouvait-on faire ? Tout ce qu’ils nous ont enseigné, c’est se méfier, détester les adultes, et surtout ne jamais avoir confiance en eux. »
Et d’assurer, aujourd’hui, avoir une seule attente :
« Que ce qu’on m’a fait soit entendu. »
Contacté, l’établissement Moncade – appelé aujourd’hui Moncade Jeanne d’Arc – n’a pas répondu à nos sollicitations.
Aucune des trois personnes qui se sont confiées à l’Humanité n’a porté plainte.
Les faits d’agression sexuelle sur mineur évoqués ici sont prescrits.
(1) Le prénom a été modifié à la demande de l’intéressé.
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