Nouvelle-Calédonie | Condamné pour vingt-cinq ans d’agressions sexuelles incestueuses
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
oui
Pédocriminel En liberté
- 03/12/2022
- 19:23
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Du haut de ses douze ans, elle a eu le courage immense de briser un lourd silence. Lorsqu’en 2019 cette adolescente raconte à ses parents ce que lui fait subir son aïeul dans l’intimité de la maison familiale, la justice va être saisie et tirer peu à peu le fil d’histoires similaires enfouies par d’autres victimes qui ont grandi murées dans le silence, pour ne pas faire imploser la famille.
Pendant huit heures, vendredi, le tribunal correctionnel de Nouméa a épluché un douloureux dossier de multiples agressions sexuelles qui ont perduré de 1994 à 2019.
Vingt-cinq années au cours desquelles cet homme de 77 ans a développé une forme d’emprise sur ces enfants – sa petite fille, deux petites-nièces et la fille d’un ami -, leur imposant des caresses sur la poitrine et les fesses, des bisous forcés, des scènes de masturbation, l’une d’elles frôlant la tentative de viol.
« Pour l’amusement »
Le grand-père a divergé dans sa défense au cours du procès. Il a d’abord invoqué son côté « italien » pour prétexter :
« les mains aux fesses. C’était pour l’amusement, pour chahuter, pour le plaisir, j’ai toujours fait ça à mes enfants »
Maladroite aussi, sa façon de répondre aux accusations en invoquant le fait que ces gestes étaient :
« mal interprétés. On faisait ça à notre époque mais la société a changé ».
Tout aussi insupportable pour les parties civiles, sa manière de rejeter la faute sur ses « proies ».
« Elle m’a sauté dessus, elle m’a embrassé et instinctivement, j’ai mis mes mains sur ses fesses par tendresse »
, répond-il à un moment, avant de dire qu’une autre victime « était provocante ».
S’il a fini par accepter un « comportement bizarre » sans « arrière-pensée », le septuagénaire s’est longtemps enfermé dans les dénégations, au grand dam des victimes venues de Métropole qui espéraient un début de réponse à leurs souffrances.
« Je ne m’en souviens plus », « si elle le dit, peut-être que c’est vrai »
, n’ont cessé d’être répété par le prévenu.
« Vous avez fracturé les barrières de l’intimité de ces filles avec des conséquences sur le très long terme »
, a martelé la présidente Sylvie Morin.
« Elles sont fracassées »
Ce qui n’a jamais varié dans ce dossier, ce sont les récits précis de ces jeunes femmes aux profils similaires – « réservées, solitaires et sensibles » – et les conséquences dévastatrices sur leurs vies (lire ci-contre).
« Elles sont fracassées, il faut un courage extraordinaire pour parler. Le pire, c’est que je n’ai eu de cesse d’entendre quelqu’un fuyant ses responsabilités »
, résume Me Didier Hollet, pour la partie civile.
L’autre ligne directrice de la procédure a été la description d’un « climat incestuel » dans cette famille : le patriarche a « un intérêt pédophile qu’il a pris soin de cacher », a révélé l’expert psychiatre, décrivant un homme agissant « avec précaution pour ne pas se faire surprendre ».
Me Laure Chatain considère aussi que le prévenu « trouvait de l’excitation dans la chair fraîche », espérant que ce procès soit « le premier jour du reste de la vie » des victimes qu’elle représente.
La « question de la pédophilie ne fait pas de doute », développe encore la procureure de la République Céline Verny, « ce qui pose aussi la question d’éventuelles autres victimes qui se taisent aujourd’hui ».
« Il les a considérées comme des poupées pour s’amuser, s’exciter, se satisfaire »
, avance la magistrate qui réclame cinq ans de prison.
À l’énoncé des réquisitions, les victimes et leurs parents se serrent les uns contre les autres avec l’espoir que la justice les entende.
Le portrait d’un « monstre à l’affût de la moindre petite fille » ne peut « pas résumer la vie de mon client », a répliqué Me Olivier Mazzoli.
« Il a commis l’irréparable. Mais le risque de récidive est nul, il ne causera plus de problème à la société ».
En toute fin de journée, après une audience longue et éprouvante, la juridiction a sanctionné le grand-père de cinq ans de prison dont trois ans avec sursis probatoire. Il a désormais, entre autres, l’obligation de suivre des soins et l’interdiction de contacter les victimes. Il sera équipé prochainement d’un bracelet électronique pour purger la partie ferme.
« J’aurai dû parler »
Avec une grande dignité, les victimes ont raconté à leur manière le poids qu’elles portent encore, des années après les agressions.
« Ça fait 14 ans qu’il a tenté de me violer, que j’attends et que je ne dis rien. Il m’a brisé psychologiquement, il m’a privé de mon enfance et des joies de l’adolescence. Chaque jour est de plus en plus difficile »
, a raconté l’une d’elles, âgée de 27 ans.
« Mon silence a duré 25 ans, a poursuivi une autre. À 7 ou 8 ans, je n’avais rien dit pour ne pas briser ma famille. J’aurai dû parler pour éviter que ça arrive aux autres, je m’en veux ».
Les expertises ont mis en avant le sentiment de honte et de culpabilité, des troubles de stress post-traumatique, des souffrances affectives. Certaines d’entre elles ont même tenté de se suicider.
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