Niederroedern | Retour sur les 10 jours de procès de Jean-Christophe Karcher

Article du 3 Octobre 2022:

Ce matin du 3 octobre devant les assises du Bas-Rhin à Strasbourg, les bancs sont quasiment tous occupés.

Tout au fond, de nombreuses jeunes filles se serrent et lorsqu’entre Jean-Christophe Karcher, accusé d’agressions sexuelles et de viols sur 34 fillettes, quelques unes ne peuvent retenir leurs larmes.

Constituées parties civiles avec leurs familles, une soixantaine en tout représentées par une quinzaine d’avocats, elles vont assister au procès de ce père de famille de 50 ans, maire-adjoint de Niederroedern (d’où la plupart des victimes sont originaires), enseignant respecté au collège de Seltz et chef scout.

Cette première matinée de procès a été consacrée à la personnalité de l’accusé, son enfance, lui qui a reconnu devant l’expert psychiatre:

“Je suis attiré par la pré-adolescence, le moment où le corps d’enfant devient un corps d’adulte”.

Maître Michaël Plançon, avocat de six des petites victimes explique:

“Les victimes n’attendent pas grand chose de Jean-Christophe Karcher Elles avaient confiance en lui, c’était une autorité légitime et elles se sont faites flouer par lui, il a commis des gestes abominables sur elles. Elles n’attendent même pas forcément de pardon, à la rigueur des explications mais surtout que la justice fasse son œuvre.”

A. victime de Jean-Claude Karcher déclare:

“J’attends qu’il soit jugé correctement, les enfants que nous étions n’avions pas forcément conscience de ce qu’il faisait.”

A. fait partie des premières victimes connues.

La jeune femme a aujourd’hui 18 ans mais avait 8 ans au moment des faits.

elle raconte d’une voix basse mais ferme:

“Je le vis très mal. Je dors mal, j’y repense souvent, c’est un peu compliqué pour moi d’être présente à ce procès. Ce qu’il a fait c’est grave, alors c’est difficile à entendre, à vivre, à revivre, pas que pour moi mais aussi pour les autres filles et les parents. Ca a été compliqué de le revoir en face de nous, ça a fait remonter beaucoup d’émotion. J’attends qu’il soit jugé correctement, les enfants que nous étions n’avions pas forcément conscience de ce qu’il faisait. j’attends des explications sur le pourquoi de ces actes, d’autant que j’avais confiance en lui”.

“Le jeu du requin”

Les faits qui sont reprochés à Jean-Christophe Karcher se sont déroulés entre 2007 et 2018 et concernent pour beaucoup des amies des propres filles de l’accusé, invitées dans la piscine familiale.

Le père de famille imposait “le jeu du requin” au cours duquel il attirait les petites filles au fond de l’eau pour pouvoir toucher leurs parties intimes. 

Il proposait également des douches et des massages, se servant chaque fois de ses filles comme appât.

Chef scout, il entrait la nuit dans les tentes de fillettes et proposait là encore des massages.

Emmanuel Spano, avocat de deux familles explique avec douceur:

“Les victimes voient ce procès comme un aboutissement, cette phase de jugement, c’est un terme que l’on attend avec impatience. Je représente deux jeunes filles qui souhaitent obtenir justice et que l’on reconnaisse leur statut de victime parce que c’est difficile, la procédure a été longue. Et puis, il y a beaucoup de monde à ce procès, une forte pression médiatique aussi. C’est compliqué de faire face à son agresseur, ça vous fait vous remémorer des choses douloureuses qui sont encore difficiles à gérer pour la plupart de ces jeunes femmes”

En 2018, une de ses victimes ose se confier à l’assistante sociale de son lycée, une enquête est alors ouverte qui conduit à l’arrestation de Jean-Christophe Karcher.

Michaël Plançon qui la représente confie:

“Elle est très courageuse”

Il aura donc fallu quatre ans de procédure pour que le procès ait lieu.

Mais si l’accusé reconnaît les attouchements, il nie les viols.

Michaël Plançon raconte encore:

“Je l’ai trouvé très manipulateur, parce qu’il a l’art et la manière de répondre de manière très fleuve aux questions qu’on lui pose en essayant de noyer la question dans un flot de réponses. Il ne reconnait que ce qu’il a besoin de reconnaitre pour que la sanction soit allégée, il ne reconnait notamment pas les viols”

Anxieux à l’idée d’affronter le regard des victimes

Quatre années de procédure, que l’accusé a passé en détention.

Son avocate maître Gaëlle Mootoosamy explique:

“Il est très anxieux à l’idée de comparaître devant la justice, et d’affronter le regard de toutes ses victimes, de toute sa famille, du public, il a cœur de s’expliquer, de se livrer aussi pour permettre, en petite partie du moins, la reconstruction des victimes. Il s’investit dans la détention, il sait que c’est la place qu’il doit occuper aujourd’hui.”

Le père du quinquagénaire est également dans le box des accusés.

Il comparaît libre mais encourt trois ans d’emprisonnement pour destruction de preuves : il a brûlé des clés USB contenant probablement des vidéos appartenant à son fils.

“Une violation du droit d’informer”

Le procès se tient à  huis clos partiel.

Elément pour le moins étonnant : seul un journaliste de presse écrite a été autorisé à assister à l’audience, ses confrères – dont les journalistes de France 3 Alsace – ont été priés de quitter la salle.

Une décision inédite, selon Jean Philippe Deniau, président de l’association de la presse judiciaire (APJ).

Il a déclaré à nos confrères de France bleu Alsace:

“Il existe effectivement des huis clos partiels, avec la présence de la presse, mais pas en choisissant un journaliste. Il s’agit d’une violation du droit d’informer qui est flagrante”

Dans un communiqué publié ce lundi soir, l’APJ exprime sa “stupéfaction” face à la décision du président de la Cour d’assises, qui  “a accédé à la demande des avocats des parties civiles qui réclamaient la présence d’un seul journaliste, qu’ils avaient eux-mêmes choisi” et “souligne la totale illégalité d’un tel procédé”.

Selon l’APJ:

“Ce huis clos, s’il veut en être un, doit concerner tous les journalistes présents ou aucun d’entre eux.”

Le ministère de la Justice a été saisi.

Le verdict est attendu le 14 octobre prochain.

Il sera prononcé en audience publique, conformément à l’article 306 du Code de procédure pénale.

Mise à jour du 4 Octobre 2022:

Au deuxième jour du procès de Jean-Christophe Karcher pour trois viols et une trentaine d’agressions sexuelles sur des petites filles âgées de 8 à 12 ans en Alsace du Nord, la cour a commencé à entendre les victimes.

À travers des dépositions courageuses, celles-ci ont crûment dépeint les atteintes subies, levant le voile sur des jeunesses volées et des vies abîmées.

La cour d’assises du Bas-Rhin a brutalement plongé mardi 4 octobre dans la réalité du dossier.

Une réalité incarnée par les visages de ces quatre jeunes femmes qui ont défilé à la barre pour raconter les abus sexuels subis, alors qu’elles n’étaient pas encore des adolescentes, et le retentissement qui s’est ensuivi.

Ces premières prises de parole ne sont qu’un avant-goût du tunnel qui attend les jurés : plusieurs dizaines d’auditions de parties civiles , en incluant les proches parents désireux de s’exprimer, sont programmées jusqu’à mardi prochain.

Suzy [*] apparaît dans l’enquête comme la toute première victime de l’accusé.

Ses parents, qui avaient participé à la crémaillère donnée par les Karcher à Niederroedern, avaient apprécié ces sympathiques voisins.

Un jour d’été, elle ne sait plus trop si c’était en 2006 ou en 2007, Suzy et son petit frère sont allés se baigner dans la piscine de la propriété.

La jeune fille portait un bikini orange fluo à fleurs blanches – ça, elle en est sûre.

Profitant d’un jeu de ballon dont il avait fixé les règles, l’homme s’est soudain rapproché de l’enfant.

Suzy relate en réfrénant un sanglot:

« Il a pris ma main et l’a posée sur son sexe en érection. Il a maintenu la pression »

L’odeur du gel douche

La culpabilité ne l’a jamais quittée:

« Je me dégoûte. J’ai l’impression que c’est à cause de mon corps qu’il a trouvé l’envie de toucher des jeunes filles non formées. »

Amanda est de celles-là.

La jeune femme se rappelle des gémissements de Jean-Christophe Karcher lors du jeu du requin dans la piscine, du contact gênant contre ses fesses, de l’odeur du gel douche utilisé durant les toilettes intimes.

Elle aussi est rongée par le remords de n’avoir pas parlé, vis-à-vis des autres victimes et d’une mère qui lui avait inculqué dès le plus jeune âge que son intimité était « un trésor que personne n’a le droit de toucher ».

Adolescente, elle allait si mal qu’elle a songé au pire.

Irina et Magali sont quant à elles encore aujourd’hui claquemurées dans une logique d’évitement, à savoir mettre sous le tapis ce que l’experte pédopsychiatre nomme “des événements de vie fragilisants”.

Irina confie s’être renfermée sur elle-même à la suite des attouchements ; il lui est toujours impossible de prendre sa douche avec ses coéquipières de vestiaire.

Magali avoue pudiquement qu’elle « ne veut pas creuser ce qui s’est passé ».

« Explosion d’hormones »

Victimes indirectes, les parents culpabilisent d’avoir douté, ou minimisé les propos des petites.

La mère d’Amanda indique:

 « Tout le monde connaissait Jean-Christophe Karcher dans le village. On avait confiance. »

La mère de Magali résume:

« On est tous tombés dans le panneau, on s’est fait berner »

L’experte psychologue pose le diagnostic : l’homme de 50 ans, passé maître dans l’art de la manipulation , fonctionnait avec ses victimes sur un mode « pervers ».

L’accusé a d’ailleurs longtemps fait de l’épisode estival avec Suzy le déclencheur de son attirance pour les filles prépubères.

Dans un courrier écrit à sa fille depuis la maison d’arrêt, il a évoqué le souvenir de cette « explosion d’hormones » qui l’a « enivré » lorsque la jeune fille est venue se frotter contre lui.

Sur la question du président Antoine Giessenhoffer il corrige:

« Ce n’est pas elle qui a réveillé quoi que ce soit, c’était déjà en moi, refoulé »

« Je me suis reconnu dans ce qui a été dit par les experts. Ce que j’ai fait était construit, voulu, prémédité. Et mes filles peuvent me reprocher de m’être servi d’elles comme des appâts. »

Dans une démarche qu’il voit comme une main tendue à ses innombrables victimes autant que comme une occasion de « tourner la page » pour lui-même, il se dit enfin prêt à assumer l’étiquette de prédateur :

« J’ai été poussé par une irrépressible envie de continuer. »

Mise à jour du 5 Octobre 2022:

La cour s’est penchée mercredi 5 octobre sur six autres victimes de Jean-Christophe Karcher.

L’ancien animateur scout en a dit un peu plus sur ses modes opératoires pour attirer et agresser sexuellement les fillettes.

Pour la première fois, il a formulé des regrets.

La tromperie contamine tout le dossier.

L’accusé consent:

« Pour l’ensemble des victimes, il y avait un lien de confiance qui avait été tissé, soit directement, soit au travers des parents, soit les deux. Les témoignages se recoupent et confirment la manière dont j’ai procédé. »

Comme cela avait été le cas la veille , Jean-Christophe Karcher a eu le loisir mercredi après-midi d’exposer son positionnement sur une série d’agressions sexuelles imposées à quelques-unes des 34 victimes recensées par le juge d’instruction – des faits de viol sont également visés pour trois d’entre elles.

A propos de Ludivine*, une copine de sa fille cadette venue faire une soirée pyjama à Niederroedern après une journée luge, relate-t-il:

« Je lui ai touché le sexe à l’occasion du massage dans la chambre »

La lycéenne à la barre se remémore:

« Il a proposé des massages en nous disant que sa femme dormait comme un bébé après. Il m’a demandé de me déshabiller. J’avais 8 ans, je ne savais pas que c’était mal. Il m’a dit d’enlever ma culotte parce que l’huile de massage pouvait la tacher. À la fin il m’a dit de ne pas en parler aux autres pour pas qu’elles soient jalouses. »

Réveillée par des caresses au bas-ventre

Cindy a dénonce des massages dans le cabanon de jardin où elle avait campé avec l’aînée des filles de l’accusé.

Avec le coucher, ce dernier s’est longuement attardé « sur tout le corps sauf le sexe ».

Le lendemain matin, Cindy a été réveillée par des caresses au bas-ventre.

Le quinquagénaire explique dans le box, sans tergiverser sur la dimension sexuelle de ses agissements:

« C’était pour réitérer le plaisir que j’avais ressenti la veille »

Qu’il s’agisse des attouchements pratiqués lors du « jeu du requin » dans sa piscine privée, des massages ou des douches, l’enseignant en physique-chimie au collège de Seltz était guidé par un puissant désir – il hésite à parler de « pulsions » – pour les jeunes filles non encore formées.

Il a ainsi massé la poitrine de Lara au cours d’un centre aéré estival que dirigeait son épouse.

Pour Géraldine, cela s’est déroulé durant un camp scout de louveteaux-jeannettes sur le thème des Indiens.

L’animateur s’est glissé dans le teepee où la fillette, assise en tailleur, était en train d’écrire une lettre à ses parents:

« J’étais triste, il m’a proposé un massage pour me changer les idées. »

Jean-Christophe Karcher, qui jusqu’alors contestait ces faits affirme:

« Le souvenir ne m’est pas revenu mais je reconnais ma culpabilité »

« Je ressens toute leur émotion, leur douleur, et je regrette »

Me Michaël Plançon questionne:

« Est-il possible qu’il y ait d’autres victimes [à l’instar de Géraldine] dont vous ne vous souvenez pas ? »

L’accusé glisse depuis le box:

« Je ne l’espère pas »

Murmures dans le public.

Les débats de ces deux derniers jours n’ont pas permis de lever tous les doutes : plusieurs enfants qui se sont baignées dans la piscine de Niederroedern, parfois des petites sœurs de victimes, ne figurent pas sur la liste aux 34 noms.

En toute fin d’audience, Jean-Christophe Karcher demande la parole.

Il veut s’adresser aux parties civiles:

« Je ressens toute leur émotion, leur douleur, et je regrette. J’ai entendu depuis le début du procès des victimes exprimer du dégoût à mon égard. Je le comprends. Ce dégoût était proportionnel à la confiance qui m’avait été donnée. »

Une jeune femme quitte la salle d’audience en pleurs. Quelques parents lui emboîtent le pas.

Mise à jour du 11 Octobre 2022:

Au procès de Jean-Christophe Karcher, le discours confus d’un grand-père qui a détruit des preuves.

À la barre il confesse « une bêtise », mais à son épouse il avait parlé d’une « connerie ».

En février 2019, au terme d’un échange avec son fils incarcéré depuis trois mois, Jean Karcher s’est rendu en voiture jusqu’à Niederroedern, où la maison de Jean-Christophe Karcher était inoccupée depuis plusieurs semaines.

Officiellement, pour « mettre la chaufferie au ralenti ».

Mais l’homme qui aura 80 ans sous peu avait une autre idée en tête.

Jean Karcher, qui s’exprime avec un accent alsacien prononcé, admet:

« Son épouse m’avait dit au téléphone qu’il avait filmé des petites. Ce jour-là au parloir, il me l’a avoué à petite voix »

Jean-Christophe Karcher a aussi mentionné l’existence de clés USB qu’il cachait dans un meuble de la cave, en précisant qu’elles avaient très probablement été saisies lors des deux perquisitions des gendarmes.

L’ancien chef scout explique, sans se rappeler s’il a missionné son père ou si c’est ce dernier qui a pris l’initiative d’aller vérifier:

« Il y avait un petit espoir [qu’elles soient toujours là] »

 

« Je n’ai pas fait de corrélation entre les clés USB et ce qu’avaient subi les victimes »

Père et fils s’étaient néanmoins entendus sur un code à utiliser au téléphone en cas de découverte positive.

Et les supports numériques étaient toujours là, bien alignés au fond du tiroir.

Il déclare:

« Quand j’ai vu les clés USB, la panique m’a pris, raconte le septuagénaire devant les jurés. Pendant les 45 minutes du trajet retour jusqu’à Entzheim, j’avais l’impression que ça me brûlait les mains. Je les ai montrées à mon épouse et je lui ai dit que j’allais les descendre au feu. Elle m’a demandé si j’étais sûr que je faisais bien, j’ai pas répondu. »

À peine avait-il jeté les pièces à conviction dans sa chaudière à bois qu’il a été gagné par les remords.

Il est allé tout raconter à la gendarmerie.

Évoquant assez confusément l’acte d’un « père qui saute à l’eau pour sauver son fils », Jean Karcher affirme n’avoir pas pensé un instant qu’il venait de détruire des preuves d’ abus sexuels perpétrés par l’accusé  :

« Je n’ai pas fait de corrélation entre les clés USB et ce qu’avaient subi mes petites-filles et les autres victimes. »

L’ancien professeur de génie civil au lycée Le Corbusier à Illkirch-Graffenstaden, qui doit répondre du délit de destruction de preuve en vue de faire obstacle à la manifestation de la vérité, était convaincu que les clés USB abritaient des fichiers pédopornographiques provenant du web.

Un disque dur externe miraculeusement retrouvé

Interrogé par son conseil, Me Pierre Giuriato, sur son état d’esprit actuel, Jean Karcher prend nettement ses distances avec son fils :

« J’ai une énorme peine pour les victimes et leurs familles d’avoir mis au monde un prédateur sexuel qui s’est transformé en humain pour commettre ces agressions. »

Un positionnement contrebalancé par une confidence faite à un proche de la famille juste après l’arrestation du professeur de collège  :

« Jean Karcher m’a dit, en parlant de Jean-Christophe : ‘‘Ce con a avoué. S’il n’avait pas avoué, on aurait pu démentir les propos de toutes les petites filles.’’»

À la suite des révélations du retraité, les enquêteurs avaient perquisitionné une troisième fois l’habitation de Niederroedern.

Dans le meuble qui renfermait les clés USB, ils avaient miraculeusement découvert un disque dur externe contenant des films réalisés par l’accusé.

Une fillette apparaissant sur l’une des vidéos doit déposer ce mardi.

Mise à jour du 12 Octobre 2022:

Les avocats des parties civiles qui ont commencé à plaider mercredi 12 octobre devant la cour d’assises du Bas-Rhin ont mis en mots l’incommensurable souffrance des 34 petites filles abusées sexuellement par Jean-Christophe Karcher durant une décennie.

La psychologue qui a pu expertiser la quasi-totalité des victimes l’a répété inlassablement au gré de ses rapports à la barre de la cour d’assises du Bas-Rhin depuis l’ouverture du procès le 3 octobre : la réaction au traumatisme est purement individuelle.

Une réflexion qui permet d’appréhender l’infinie diversité des dommages (cauchemars, troubles alimentaires, scarifications, pensées suicidaires…) qu’elles ont endurés et qu’elles endurent encore du fait des actes de Jean-Christophe Karcher.

Me Charlotte Barby, dont la cliente a choisi l’évitement schématise:

« Il y a autant de manières de réagir que de victimes dans la salle »

Enfants et parents partagent le sentiment d’avoir été bernés, piégés, par cet homme à l’apparence parfaite , à la fois époux et père de famille admiré, adjoint au maire dynamique, enseignant et chef scout apprécié.

Me  Benoît Chabert, l’avocat parisien de l’association des Scouts et guides de France tonne:

« Comment a-t-on pu passer à côté ? »

La réponse est à chercher du côté de l’expert psychiatre :

« Jean-Christophe Karcher présente une perversion sexuelle cliniquement constituée de nature pédophile. »

Le praticien, qui pointe un risque de récidive criminologique « très élevé », dit encore:

« Un cas d’école »

Grâce à la ruse de ses modes opératoires et la couverture sociale qui était la sienne, le professeur de collège était quasi indétectable.

De 2007 à 2018, l’habitant de Niederroedern s’est mué en « agresseur sexuel d’enfants en série », selon la formule de Me  Claire Fauvet.

« Il les a touchées, souillées, froissées, brisées et puis il les a jetées dans la poubelle de la vie »

Cet appétit sexuel pour les filles prépubères ne laisse aucune place à l’autre.

L’enfant est réduit au rang d’« objet fétiche », observe l’expert psychologue.

Me  Valérie Gletty compare les 34 fillettes agressées à des mouchoirs en papier :

« Il les a touchées, souillées, froissées, brisées et puis il les a jetées dans la poubelle de la vie. Mais ces petites filles sont devenues des jeunes femmes qui se sont relevées courageusement. »

Me  Emmanuel Spano oppose « la dignité incommensurable » de toutes les victimes entendues au cours du procès à « la vulgaire soupe » servie par Jean-Christophe Karcher lorsqu’il a reconnu ses viols , avec une « émotivité dirigée vers sa seule image ».

L’expert psychologue parle d’un « leurre » qui s’inscrit dans son développement pervers.

Il conseille:

« Le mieux à faire pour ces filles est de ne pas chercher de vérité en lui. La guérison doit venir des victimes elles-mêmes. »

« Pourquoi moi ? »

Pour Me  Fabienne Hagemann, il est proprement insupportable d’entendre l’accusé dire qu’il veut participer à la reconstruction des enfants qu’il a abîmées:

« Comme si c’étaient des horloges qu’il a déréglées et qu’il veut remonter »

Quelques-unes des victimes ont tout de même ressenti l’impact positif de ses aveux à l’audience, fait remarquer Me  Laura Javaux.

Reste ce fardeau de culpabilité écrasant toutes les parties civiles.

Me  Hagemann évacue:

« Pourquoi moi ? Parce que c’est lui »

« Il n’y a pas d’autre question à se poser. »

Trois autres potentielles victimes évoquées

« Le seul intérêt de ce procès est la manifestation de la vérité. Malheureusement, il n’a pas permis d’ouvrir toutes les portes. »

Dans sa plaidoirie, Me Emmanuel Spano a évoqué le nom de trois petites filles qui ne sont pas concernées par l’audience de la cour d’assises du Bas-Rhin alors qu’elles sont apparues dans la procédure.

La première, bien plus jeune que les 34 victimes reconnues par Jean-Christophe Karcher, figure nue sur une dizaine de photos saisies dans son ordinateur.

Les deux autres mineures ont été citées par l’accusé lui-même comme victimes de ses attouchements.

Entendues postérieurement à la clôture de l’instruction, elles ont déclaré n’avoir aucun souvenir d’une quelconque agression.

L’avocat strasbourgeois déplore:

« Y a-t-il eu d’autres victimes ? Ce procès n’a pas permis qu’on réponde à cette question »

Mise à jour du 4 Octobre 2022:

Jean-Christophe Karcher a été condamné ce vendredi 13 octobre par la cour d’assise du Bas-Rhin à 20 ans de réclusion criminelle pour viols et agressions sexuelles sur plus de 30 fillettes.

Au terme du dixième jour de procès, la cours d’assise du Bas-Rhin a rendu son verdict ce vendredi 13 octobre.

Jean-Christophe Karcher, jugé depuis le 3 octobre pour viols et agressions sur mineures, écope donc de 20 ans de prison, sans peine de sureté.

Un verdict presque fidèle aux réquisitions de l’avocat général qui avait requis 20 ans de prison assortis d’une période de sûreté des deux tiers.

Cette peine est assortie d’un retrait de l’autorité parentale, d’une interdiction de séjour dans le Bas-Rhin pendant dix ans, et d’une interdiction de toute activité avec des mineurs.

Le père de l’accusé, Jean Karcher, a lui aussi été jugé pour destruction de preuve.

Il était accusé d’avoir détruit des clés USB contenant des vidéos compromettantes pour son fils.

La cour d’assise l’a condamné à deux de prison dont un avec sursis.

Pour rappel, Jean-Christophe Karcher était enseignant au collège de Seltz et ancien premier adjoint de la commune de Niederrœdern (Bas-Rhin).

Il a été jugé pour des faits qui se sont déroulés entre 2007 et 2018 à la fois à son domicile et lors de camps scouts.

Les viols et agressions concernent pour beaucoup des amies de ses propres filles. Invitées dans la piscine familiale, l’accusé imposait “le jeu du requin” au cours duquel il attirait les fillettes au fond de l’eau pour pouvoir toucher leurs parties intimes.

Tout au long de ce procès, les jeunes filles maintenant majeures ont dû témoigner à la barre.

Un moment douloureux et chargé en émotion.

Des témoignages qui avaient alors fait craquer l’accusé.

Car depuis le début de l’instruction Jean-Christophe Karcher a toujours nié les faits qui lui étaient reprochés.

Mais deux jours avant la fin, l’ancien professeur a finalement reconnu des pénétrations digitales sur trois des jeunes filles.

Des aveux très attendus par les parties civiles, tout comme l’annonce du verdict.

Alors lorsque le président condamne Jean-Christophe Karcher à 20 ans de prison, c’est un véritable sentiment de soulagement qui les a envahit:

L’avocat d’une des jeunes filles victime de viol nous confie:

“Aujourd’hui c’est l’apothéose, les victimes sont soulagées. Maintenant c’est le processus de reconstruction qui commence”

Satisfaits, les avocats des parties civiles n’en attendaient pas moins de la part de la cours d’assise.

Emmanuel Spano, avocat de victimes explique:

“Le ministère public a pris la voie de la sécurité, c’est son rôle de faire en sorte que monsieur Karcher soit le plus éloigné possible de toute autre victime potentielle, c’est pour cela que la peine maximale a été requise”

Au total, une cinquantaine de parties civiles s’étaient constituées dans cette affaire.

Source:

1er Jour d’audience

2ème jour d’audience

Déclaration des victimes

Destruction des preuves

Plaidoirie des avocats

Condamnation