Muriel Salmona | “Il y a en France une forme de confusion entre violences sexuelles et sexualité”

Muriel Salmona, psychiatre spécialisée en traumatologie et victimologie est l’invitée du Grand Entretien de 8h20.

Muriel Salmona © AFP

Muriel Salmona, psychiatre spécialisée en traumatologie et victimologie est l’invitée du Grand Entretien de 8h20.

Que contient la loi de lutte contre les violences sexistes et sexuelles défendue par Marlène Schiappa ? Quel est son enjeu ? Comment l’appliquer ? Quel accompagnement possible pour les victimes de harcèlement ?

Après l’adoption du texte de loi par l’Assemblée nationale, Muriel Salmona estime que les députés sont passés à côté de sa mesure principale : Le seuil en-dessous duquel tout acte sexuel commis sur un enfant par un adulte est considérée comme une agression sexuelle. Selon elle, “on reste dans une situation où l’on va pouvoir encore rechercher le consentement de l’enfant. Ce que nous voulions, c’est que soit reconnu qu’une pénétration sexuelle sur un enfant de moins de 15 ans est une violence en soi“.

Pour autant, Muriel Salmona reconnait que certaines mesures de la loi sont bénéfiques, comme le rallongement de la durée de prescription de 20 à 30 ans, “même si nous, on demandait l’imprescribilité“. Il y a aussi une redéfinition du viol, qui inclut la pénétration sur la personne de l’auteur ; tout n’est donc pas à jeter, loin s’en faut.

Malgré le maintien d’une période de prescription, “on peut porter plainte n’importe quand, rappelle Muriel Salmona, mais il n’y aura pas d’instruction de sa plainte parce que les faits sont prescrits. Mais il est toujours utile de porter plainte, car on peut retrouver d’autres victimes.

Un amendement qui n’a pas été retenu permettait une levée de la prescription pour toutes les victimes s’il n’y avait pas prescription pour une seule des victimes”. 

“Ce n’est pas la victime qui met en place ce mécanisme de protection, c’est son cerveau qui la protège d’un état de choc total, particulièrement quand les victimes sont confrontées à l’agresseur à répétition”.

Cette “dissociation traumatique”, si elle permet à la victime de survivre, la rend aussi “à l’ouest ; beaucoup de victimes se décrivent comme des automates, ce qui met un mécanisme d’emprise sur elles très facile“.

Et c’est ce mécanisme, selon Muriel Salmona, qui “est le facteur principal du fait de subir des violences sexuelles à répétition, si on ne les soigne pas“.

Ne peut-on pas imaginer laisser les souvenirs enfouis là où ils sont ? “Il vaut mieux pouvoir traiter la mémoire traumatique, c’est comme ça qu’on peut sortir d’un mécanisme de survie. Sinon on peut survivre, mais on reste dépossédé d’une partie de soi“, répond Muriel Salmona.

La nouvelle loi va-t-elle inciter plus de personnes à porter plainte pour toucher des indemnités, comme le suggérait un auditeur ? “On ne peut pas dire cela, c’est une procédure maltraitante : il y a 1% de condamnation, et dans l’ensemble, les indemnités, c’est 15 000€ pour quatre à six ans de galère absolue“, explique Muriel Salmona.

“Si les victimes portent plainte, c’est parce qu’elles croient en la justice, et surtout pour qu’il n’y ait pas d’autres victimes”

En France, note-t-elle, “il y a une confusion entre violence sexuelle et sexualité : c’est présent internationalement, mais en France c’est très présent, il y a une minimisation des faits, une culpabilisation de la victime. On a aussi une culture du privilège : certaines personnes peuvent se permettre des transgressions, surtout dans le milieu du cinéma ou de la politique“. 

Et cela est aussi lié, selon Muriel Salmona, au manque d’information : “Il faut diffuser les informatons, que personne ne puisse échapper à la réalité de la violence, à la gravité de l’impact : une agression sexuelle sur un mineur peut lui faire perdre jusqu’à 20 ans d’espérance de vie.

Il ne faut plus tolérer ces violences et ces privilèges donnés à des hommes“.

Source : franceinter.fr

 

 

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