Méru – Chantilly | Sept ans de prison pour un proxénète de 27 ans

Elles sont huit. Huit femmes à l’histoire différente qui ne se connaissent pas. Mais un point commun les relie toutes. Ce point commun c’est Helyn-Junior Seville, qui se fait aussi appeler Junior ou JR. Il était leur proxénète. Âgé de 27 ans, Junior a été arrêté le 6 octobre dernier à Reims.
Depuis 2021, il opérait dans l’Oise, à Méru et à Chantilly notamment, mais aussi à Bussy-Saint-Georges, Ambilly, Saint-Ouen, Reims, Grenoble, Annemasse, Béziers, Paris ou encore Courbevoie

. Ce lundi 20 octobre, il comparaissait au tribunal de Beauvais (Oise).

«Il prenait la moitié de l’argent»

Parmi les neuf victimes qui ont osé porter plainte (il s’avère que l’une d’elles n’était finalement pas concernée), l’une d’entre elles a eu le courage de se présenter à la barre. Et témoigner.

«On s’est rencontré en novembre 2021, rembobine-t-elle. C’était en bas de chez moi ou dans le train, je ne sais plus. Il voulait avoir une relation sexuelle avec moi ou me faire travailler en tant que prostituée. Je n’avais jamais fait ça avant. Il s’est rapidement installé chez moi. Tous les jours, il me mettait dans le crâne qu’il fallait que je le fasse. À un moment, j’ai commencé à avoir peur de lui. Il était menaçant, pas physiquement, mais il me mettait la pression. J’avais peur des représailles. Pour lui, j’étais déjà cataloguée comme une pute. Un jour, il a loué une chambre à Sarcelles. Il a mis une carte SIM dans mon téléphone pour parler à des clients.»

Âgée aujourd’hui de 24 ans, la victime dépose plainte en février 2022.

«J’ai l’impression de ne pas avoir été écoutée par les gendarmes», déplore-t-elle. En 2023, elle recroise Junior, à Méru.

«On a eu une relation sexuelle chez sa sœur, à Persan, et j’ai travaillé pour lui, souffle-t-elle. Il prenait la moitié de l’argent. Il gérait les clients, faisait les annonces… Moi je ne gérais rien du tout. Et pendant les rapports avec les clients, il restait dans la salle de bain. Ça n’a pas duré longtemps car il est ensuite allé avec une autre amie à moi.»

Dans le box, le prévenu reconnaît l’avoir aidée à se prostituer. Mais pour lui, la plainte de la victime est juste une vengeance.

«Elle voulait me faire un enfant dans le dos comme elle a fait avec un de mes meilleurs amis, lâche-t-il. Elle proposait déjà des trucs pour 20 € ou pour un paquet de cigarettes dans un tabac quand je l’ai rencontrée !»

Il gérait les annonces sur le site Sexe model

Au total, Helyn-Junior Seville reconnaît avoir aidé trois femmes à se prostituer sur les neuf victimes déclarées au départ. Dont une qui était mineure lors des faits (elle était âgée de 16 ans). Toujours avec le même mode opératoire. Simple client, il faisait tout pour que sa victime s’attache à lui avant de la manipuler, lui mettre la pression, et gérer son affaire.
Sur le site d’escortes Sexe model, c’est lui qui publiait les annonces et répondait aux clients. Il louait ensuite les appartements. Pendant les rapports, il restait dans la salle de bain, pour assurer la sécurité de la jeune femme.

«J’ai juste fait ce qu’on m’a demandé de faire», réagit-il.

Ce manège, qui a débuté au moins en 2021, aura donc duré jusqu’au 6 octobre 2025. Jour où Helyn-Junior Seville se fait arrêter à la sortie d’un hôtel, à Reims, après une passe. Les enquêteurs ont ensuite pu remonter le fil de son histoire en remettant la main sur d’anciennes plaintes, déposées à son encontre depuis 2021 sur tout le territoire français.

«Aujourd’hui, cinq victimes ont parlé et ont dénoncé le même comportement, note la substitute du procureur de la République. Il est client, il rend service, puis ça dégénère.»

Car un comportement violent avec les filles qu’il faisait travailler lui est également reproché.

«Je n’ai jamais été violent avec une femme, surtout pour qu’elle se prostitue, se défend-il. Je n’étais pas violent avec ces femmes-là.»

«J’ai écrit au président de la République pour trouver du travail, il ne m’a jamais répondu»

Helyn-Junior Seville a pourtant déjà été condamné pour violences. Mais aussi pour trafic de stupéfiants, outrages, dégradations, menaces de mort… En tout, son casier judiciaire comporte vingt-trois mentions. À 27 ans.

«J’ai été incarcéré douze fois, j’ai passé au moins six ans en prison, indique-t-il au tribunal. Ça fait beaucoup d’années perdues.»

Célibataire, il est père de trois enfants… de trois femmes différentes.

Sans diplôme, il a déjà travaillé en tant que cariste. Pour lui, il n’avait pas d’autres choix s’il voulait gagner de l’argent.

«J’ai tout fait pour trouver du travail. J’ai écrit au président de la République pour trouver du travail, il ne m’a jamais répondu. Si j’avais eu un travail, j’aurais pas été proxénète, ni vendeur de drogue. J’ai pas eu le choix. J’étais dans le stup moi avant, je suis tombé sur une personne, j’étais dans la galère financièrement, j’ai accepté de faire ça.»

Reconnaissant à demi-mot que «toutes ces femmes sont victimes, je ne suis pas fier d’avoir fait ça».

La première fois que l’une des victimes ose raconter

Afin de réparer ce qu’il a causé, l’avocate de la partie civile, la seule victime qui a osé se présenter ce jour, réclame l’ordonnance d’une expertise psychologique, ainsi qu’une indemnisation de 5 000 €.

«Elle veut être reconnue victime, plaide-t-elle. C’est la première fois qu’elle ose raconter ce qui s’est passé. Aujourd’hui, elle est incapable de se projeter avec un homme. Ça n’a duré qu’une semaine, pour lui ce n’était rien vu la quantité de femmes avec qui il a fait ça, mais pour elle ça a changé énormément de choses.»

La substitute du procureur s’inquiète quant à elle des représailles et de la récidive de Junior. Pour les 21 faits de proxénétisme, les quatre ans de prévention, les neuf victimes, la violence engendrée, l’économie souterraine générée, tout en prenant en compte son faramineux casier judiciaire, elle requiert une peine de six ans de prison. Ainsi qu’un an de prison supplémentaire pour s’être échappé lors de sa garde à vue, en octobre (il n’a été retrouvé qu’une semaine après).

Six ans de prison pour proxénétisme, plus un an pour son évasion

«C’est une peine extrêmement lourde qui est requise aujourd’hui, réagit son avocate. J’entends son passé judiciaire, que rien n’a fonctionné avec lui, mais ce n’est pas réellement la réalité. Il essaye de faire des efforts, mais il n’a pas réussi à s’insérer, se stabiliser. Une obligation de soins est essentielle, s’il est suivi, il peut y arriver. Là, il a été happé par le truc, ça lui convenait. Il est rentré dans l’argent facile.»

Elle souhaite qu’une mesure d’éloignement soit prise, pour qu’il aille vivre chez sa mère.

Le tribunal a finalement écouté les réquisitions du parquet. Helyn-Junior Seville a été condamné à six ans de prison pour proxénétisme. À cela s’ajoute une peine d’un an de prison supplémentaire pour son évasion de garde à vue.

Il est interdit de détenir une arme pendant cinq ans, de séjourner dans l’Oise pendant cinq ans, d’exercer une activité ayant contact avec des mineurs définitivement, et de contacter les victimes pendant trois ans.

Il devra aussi s’acquitter des 5 000 € réclamés par la partie civile.