Lot | Un homme condamné à du sursis pour détention et diffusion de pédopornographie
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 27/01/2024
- 05:30
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Le jeudi 11 janvier 2024, V., un homme d’une trentaine d’années, ingénieur de haute qualification, a comparu devant le tribunal correctionnel de Cahors.
Il est poursuivi pour détention et diffusion d’images de mineurs, à caractère pédopornographique, à partir de réseaux de communications électroniques (*).
Les faits remontent à la période courant d’octobre 2017 à mai 2020. V. est tombé dans les mailles d’un coup de filet national de la lutte contre la cybercriminalité ; il a reconnu les faits, dès les premières auditions menées par les enquêteurs.
Des souffrances qui remontent à l’enfance ? Une curiosité pour la pornographie, un glissement vers la pédopornographie, comment cet ingénieur de haut vol, s’est-il retrouvé à la barre du tribunal correctionnel de Cahors ?
Comment cet ingénieur de haut niveau a-t-il été pris ?
Grâce à l’adresse IP (Internet Protocol), le numéro d’identification propre à chaque ordinateur connecté sur internet, les enquêteurs ont constaté que V. consultait de manière plus ou moins récurrente, des sites de photographies de jeunes nus ou victimes de relations sexuelles avec des majeurs, sur une fourchette d’âge de 8 – 15 ans.
Ce coup de filet dans le milieu de la pédocriminalité a abouti à de nombreuses interpellations à travers l’hexagone, dont V., résidant dans le Lot.
« Contrairement au profil des personnes se livrant à ce type de consultations en règle générale plusieurs fois par jour, pour V., les connexions se sont limitées à une dizaine de fois au total, sur les trois années retenues dans la prévention. Certes, plusieurs milliers d’images ont été captées sur trois ordinateurs de V., ayant transité via 208 fichiers. Les mots clés associés aux recherches repérés par les enquêteurs… conduisaient tout droit sur les plateformes criminelles », constate Philippe Clarissou, président du tribunal.
Le magistrat analyse le glissement progressif de V. jusqu’à la pédopornographie.
À un moment donné, V. s’est créé des paravents pour entrer en contact avec ses interlocuteurs et interlocutrices sur internet.
Ainsi, a-t-il détourné des photos de nus d’une jeune fille avec qui il correspondait de manière « virtuelle » et avec qui il a échangé durant plusieurs années, de manière platonique.
Sur le même principe, il s’est constitué un faux compte, avec la photo d’un garçon de son âge.
C’était sa parade, pour communiquer sur internet grâce à de faux profils. V. aurait commencé à fréquenter des sites pornographiques à partir de l’âge de 16-17 ans.
« C’était devenu une addiction, du même type qu’avec de la drogue ou de l’alcool »
Avant même l’arrivée des enquêteurs, il avait tout arrêté
À plusieurs reprises, ému de se retrouver devant la justice, V. exprime sa honte et sa désolation.
Avant même l’arrivée des enquêteurs à son domicile, V. avait mis fin à ces pratiques et avait entamé un suivi psychologique.
À la question du président Philippe Clarissou, de savoir comment il en est arrivé là, le prévenu répond :
« C’est parti de deux choses. D’une part, le fait de m’être retrouvé seul, isolé, durant mon adolescence, sans avoir de véritables camarades… et, en raison de cet isolement précisément, je me suis tourné vers des sites pornographiques. D’autre part, ma mère à cette époque-là m’a confié avoir subi un viol, quand elle était enfant et cela a créé en moi bizarrement, la curiosité d’aller voir et revoir des images sur internet, générant une sorte d’addiction. »
V. reconnaît que ces démarches lui procuraient une certaine satisfaction, dans 90 % des cas.
– « Vous auriez pu en rester à des sites pour adultes ? » poursuit le président.
– « Oui, mais encore une fois, c’était devenu une addiction, du même type qu’avec de la drogue ou de l’alcool » assure V.
Le président rappelle au prévenu que ces scènes de nus d’enfants, mêlant parfois des mineurs et des majeurs, sont qualifiées de viols, lourdement sanctionnées par la loi pénale.
V. insiste pour sa part, sur le fait qu’il a mis fin à toutes ces consultations, qu’il a tourné la page, qu’il est engagé dans une psychothérapie de fond avec un traitement EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing ou « désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires »).
Spécialisé dans l’accompagnement pour la pose de stents
Toujours en quête de compréhension de ce glissement vers la pédopornographie, le président s’intéresse à présent au cadre familial de V.
Le prévenu considère avoir évolué au sein d’une famille aimante, regrettant toutefois un père peu présent à la maison, en raison précisément de sa profession de chauffeur routier international. V. évoque avec émotion le décès de son frère en 2022 et indique avoir rencontré celle qui est devenue son épouse en 2015, « ce qui m’a permis d’ouvrir les yeux jusqu’à tout arrêter de ces consultations ».
Selon les conclusions du rapport d’expertise psychiatrique, V. ne présente pas de pathologie mentale, si ce n’est quelques troubles d’origine névrotique, marqués par des angoisses.
Quant à la révélation que lui a faite sa mère concernant son viol, cela aurait-il attisé une curiosité le conduisant vers la recherche de sites pornographiques ?
Un risque de récidive apparaît improbable, selon l’expert, qui encourage toutefois à une poursuite des soins engagés.
V. a couronné ses études d’ingénieur par un doctorat. Ses travaux ont porté sur la fragmentation des corps de bombe pour le compte de la Défense nationale.
Puis cherchant à donner un sens plus proche de ses convictions, il s’est reconverti dans le domaine médical, notamment au niveau de la pose de stents.
Ses interventions d’assistance informatique auprès de chirurgiens ont permis d’améliorer les conditions de vie, peut-être même de sauver, plus de 500 personnes.
Jusqu’ici, V. n’a jamais commis la moindre entorse à la loi et son casier judiciaire est vierge.
Des souffrances qui remontent à l’enfance…
Patrick Serra, Substitut du Procureur de la République du Lot, constate qu’il n’y a pas de difficulté quant à la reconnaissance des faits reprochés au prévenu, portant sur plusieurs milliers de photographies pornographiques, dont certaines représentant des mineurs.
Le magistrat prend en compte la prise de conscience de la gravité des faits par le prévenu.
Quant à la peine ? Le Parquet constate que V. est totalement inséré dans la société, mais tient cependant, à ce que les soins engagés soient consolidés dans la durée.
Il requiert une peine de 4 mois de prison avec sursis probatoire, estimant que V. est sur le bon chemin.
Il est par ailleurs sollicité à titre de peines complémentaires, une interdiction d’activité auprès de mineurs pour une durée de 5 ans et la confiscation des trois ordinateurs qui ont servi à la commission des infractions.
Des conséquences d’un harcèlement, de l’isolement, de l’exclusion ?
« Chacun vit avec ses souffrances ! » reprend Me François Faugère, avocat de V. insistant sur les caractéristiques inhabituelles de ce dossier.
L’ancien bâtonnier revient sur les douleurs qui marquent l’itinéraire de vie de son client.
Il fait valoir comment l’obésité précoce de V. l’a placé dans l’isolement, voire le harcèlement, l’exclusion, depuis ses années de collège.
D’où ce refuge pour V. sur les réseaux sociaux.
Il revient sur l’engrenage et ce glissement vers ce qui était devenu une addiction.
Il dépeint un homme recroquevillé, dont la jeunesse a été marquée par la solitude, parce qu’il était trop gros et aussi parce qu’il était trop intelligent.
Doté d’une vivacité intellectuelle hors norme, il s’est vu propulsé à un poste aux travaux classés Secret Défense.
Jusqu’au jour où il a préféré mettre ses compétences au service de l’assistance médicale.
À présent, V. est marié et a tourné la page sur ces périodes sombres de sa vie.
Me Faugère rappelle que son client a arrêté tout seul et il insiste sur les regrets profonds manifestés à maintes reprises.
Après en avoir délibéré, motivant sa décision par le souci de soutenir le prévenu, le tribunal a suivi les réquisitions du Parquet, tout en ramenant à 2 ans l’interdiction de fréquenter des mineurs.
Son nom se voit inscrit de facto au Fijais (Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes).
Le prévenu dispose d’un délai de 10 jours pour interjeter appel.
(*) Rappel : le droit pénal prévoit une peine d’emprisonnement de 2 ans et une amende de 30 000 € pour la seule détention et consultation d’images pédopornographiques.
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