Le Berceau des dominations

Anthropologie de l'inceste

écrit Par :

Dorothée DUSSY

éditions :

Pocket

Code ISBN :

2266318594

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Présentation :

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Quatrième de couverture

Tous les jours, près de chez vous, un bon père de famille couche avec sa petite fille de neuf ans.

Ou parfois elle lui fait juste une petite fellation.

Dans cette anthropologie de l’inceste, Dorothée Dussy se penche sur les mécanismes complexes par lesquels l’inceste est couramment pratiqué dans l’intimité des foyers français.

À la faveur du réel, et de la banalité des abus sexuels commis sur les enfants, l’inceste se révèle structurant de l’ordre social.

Il y apparaît comme un outil de formation à l’exploitation et à la domination de genre et de classe.

Cinq ans d’enquête ethnographique sont restitués dans ce livre : un voyage subversif au cœur de familles que rien, ou presque, ne distingue des vôtres.

 

NDWP

Déjà il est évident que les abus sexuels sur mineurs sont un acquis du “patriarcat” (99% d’auteurs masculins sur des fillettes) qu’il est temps de détruire afin de libérer la moitié de l’humanité (et même bien plus) de ces chaînes qui entravent les possibilités d’être heureux et d’avoir une vie relativement équilibrée.

Ce livre y contribue de manière limpide.

C’est aussi une très bonne lecture pour les victimes des mécanismes de ces “systèmes incestueux” en quête de compréhension/résilience/reconnaissance de leurs souffrances.

La valeur cardinale de ces systèmes est le silence.

Le premier chapitre sur les statistiques est très mauvais, ne pas en tenir compte (statistiques souvent américaines très inégales, elle cite même Kinsey !).

Globalement les seules compétences mobilisées d’anthropologue limitent les réflexions.

En témoigne la conclusion étrangement personnelle sur le rôle de l’interdit de l’inceste dans les sociétés (même si le procès de Foucault et Levi-Strauss est tout à fait justifié).

Exemple : en écologie évolutive transposée à l’histoire des sociétés humaines, on constaterait que les sociétés ayant socialement permis l’inceste ont toutes disparues, la question est de savoir pourquoi elle n’étaient pas viables par rapport à celles qui l’interdisent.

L’anthropologie évoque l’exogamie comme moteur de cet interdit alors qu’elle n’y comprend visiblement rien.

Les témoignages sont tous des cas d’incestes (seulement 30% des abus sexuels sur mineurs sont perpétrés dans le cadre intrafamilial) et de plus des cas où l’incesteur à avouer bien souvent sans y être forcé par des preuves matérielles.

L’immense majorité des agresseurs nient au tribunal et s’en sortent ainsi grâce à la difficulté de la preuve à la culture du discrédit de la parole de l’enfant (c’est encore pire depuis Outreau).

C’est très intéressant dans l’absolu mais c’est un biais énorme qui ne parle que d’une infime partie de la pédocriminalité (incesteurs qui avouent) et cet échantillon n’est absolument pas représentatif des pédocriminels en général.

Une enquête sociologique les forums internet pédocriminels ou des affaires de réseaux pédocriminels sur internet pourrait être un bonne piste pour compléter et ne pas se laisser abuser par ce biais.

L’inceste est l’arbre qui cache la forêt mais pour le savoir il faut regarder les statistiques.

 

Citations :

Les adultes de la famille incestueuse se divisent en deux grandes catégories. Ceux qui ont été eux-mêmes incestés et qui sont habitués au silence dans leur chair; ceux-là ne savent pas parler. Et, pour le dire un peu vite, mais juste, ceux qui n’ont pas été incestés et qui préfèrent sacrifier un membre de la famille – l’incesté – pour leur confort.

 

Dès lors que l’incesteur “paie” son plaisir sexuel : primo, il n’est plus un violeur, et secundo, l’incesté n’est plus violé.

 

Circonscrire la révélation ou toute parole sur l’inceste à un minuscule groupe, voire uniquement à l’agresseur – dont on sait qu’il ne divulguera rien – revient à taire l’inceste. Ainsi la victime brise le silence sur lequel reposait le crime et se désengage de l’ordre familial, tout en continuant à protéger sa famille. Pour une personne socialisée avec une expérience incestueuse, c’est là une posture qui concilie affects, valeurs et respect des rôles familiaux auxquels elle croit encore. Si elle refuse ce compromis et/ou persiste dans sa révélation et sa dénonciation, la victime, et avec elle ceux qui la soutiennent, sera vraisemblablement sacrifiée ou rejetée, implicitement ou non : on oubliera de lui rendre les clefs de la maison de campagne, on organisera les réunions familiales lorsqu’elle sera en vacances, à moins qu’on refuse définitivement de la revoir.

 

La majorité des incesteurs, qu’ils en soient inquiets ou qu’ils en soient confiants sur ce point, gardent leur place dans la famille, leur légitimité et leur honorabilité vis-à-vis de leurs parents et amis.

 

L’incesté, causant un tort certain à son aimable incesteur, porte donc le double fardeau du viol et de la culpabilité de moucharder le viol. La décision de porter une accusation publique contre son frère ou son père n’est en réalité légitime ni du point de vue de la famille (dont l’incesté) ni du point de la société.

 

En s’interdisant de pénétrer le vagin de leurs fillettes et en lui préférant la bouche, ce père, comme la plupart des incesteurs condamnés pour viol par fellation, cale son idée du préjudice et de la gravité de son geste sur sa propre échelle du plaisir sexuel. Comme le juge Halphen, qui soutenait à une collègue ethnologue, à propos d’un adolescent accusé de viol et qu’il s’apprêtait à laisser en liberté, qu’”on ne va pas en prison pour une fellation” (…) C’est ainsi qu’au terme des procès, dans la réalité des prétoires, les fellations sont moins sanctionnés que les pénétrations vaginales et les actes de pénétrations anale sont les plus lourdement condamnés.

 

Mais l’annonce de la situation d’inceste provoque d’autant moins le chaos que la justice aide le dispositif familial à protéger le silence :

Auteur : Quand les plaintes ont été déposées, votre fille Amélie et votre fils vivaient chez vous. Et les gendarmes n’ont rien dit sur le fait que des enfants vivaient là, ils n’ont pas demandé si eux aussi, peut-être…

Incesteur : Ils n’ont même pas été questionnés, Amélie avait 18 ans à l’époque, elle n’a même pas été entendue une fois à la gendarmerie. Moi, je voulais qu’elle vienne au tribunal, et elle n’est même pas venue au tribunal, j’en ai parlé à mon avocat, il a dit que c’était mieux de la laisser en dehors. Aucun des deux n’a été entendu.

Auteur: Vous ne trouvez pas ça bizarre ?

Incesteur: Bah, si j’ai trouvé ça bizarre parce que la première chose à faire, ça aurait été de questionner ma fille pour voir s’il ne s’était pas passé quelque chose avec elle. Ils n’ont pas cherché à savoir.Mais les enquêtes c’est un peu bizarre.