C’est une mesure réclamée de longue date par les victimes, mais considérée encore insuffisante par certaines associations. Désormais, les évêques qui auraient couvert des abus sexuels commis dans leur diocèse pourront être jugés pour «manquement à leur devoir professionnel», en vertu du droit canon. Le pape François a donné mercredi son feu vert à la création d’une «nouvelle instance judiciaire à l’intérieur de la Congrégation pour la doctrine de la foi», l’ancien Saint-Office chargé au Vatican de veiller dans l’Église entière au respect du droit canon.
Du personnel supplémentaire, ainsi qu’un secrétaire spécialement nommé par le pape auront la responsabilité de ce tribunal dont «l’efficacité» sera évaluée sur une période de cinq ans, a précisé le porte-parole du Saint-Siège, le père Federico Lombardi, à l’issue d’une réunion du conseil des cardinaux. Les plaintes contre les évêques seront d’abord reçues par les trois «ministères» du Vatican compétents pour les évêques qui auront ensuite l’obligation de les transmettre à la Congrégation pour la doctrine de la foi.
Le Vatican accusé d’avoir protégé certains évêques
L’idée de créer une telle juridiction au sein du Vatican n’est pas neuve. En 2011, le pape Benoît XVI avait demandé à toutes les conférences épiscopales d’adopter des dispositifs pour mettre fin aux scandales des prêtres pédophiles et collaborer avec les pouvoirs judiciaires civils. Depuis la fin des années 1990, l’Église catholique est en effet régulièrement secouée par des affairesd’abus sexuels de religieux, prêtres et religieuses sur des mineurs pour des délits remontant principalement aux années 1960-70. Dans ces années-là, des dizaines de milliers de mineur(e)s ont été agressés. Mais des dizaines d’évêques ont aussi refusé d’écouter les plaintes des victimes, leur demandant parfois le silence, protégeant les prêtres accusés ou soupçonnés, parfois en les mutant dans des postes où ils pouvaient continuer leurs forfaits. Le Vatican a ensuite été accusé d’avoir protégé certains de ces évêques, justement pour éviter les scandales.
Dernièrement, une affaire a fait beaucoup de bruit, car elle concerne le cardinal australien George Pell, tout puissant «ministre» de l’Économie du pape. Ce dernier est accusé d’avoir voulu étouffer une affaire de pédophilie, ce qu’il nie en bloc. Une autre concerne la nomination d’un évêque chilien, Juan de La Cruz Barros, par François, alors qu’il est soupçonné d’avoir protégé dans le passé un vieux prêtre accusé de pédophilie. L’association américaine d’anciennes victimes SNAP, très critique envers le Vatican, a jugé que le dispositif du Vatican n’allait pas assez loin. Elle estime que ce n’est pas encore suffisant, dans la mesure où ces jugements restent internes à l’Église et confidentiels. «Durant ces décennies de crise, les commissions, les procédures, les protocoles et les promesses ont abondé. Mais ils ont été dépourvus de signification, estime la SNAP. Aussi longtemps que des prêtres sont chargés de s’occuper des autres prêtres qui ont commis ou couvert des crimes sexuels, peu de choses changeront.»