Le SPD et la CDU embarrassés par une affaire de pédophilie

Allemagne‬: C’est un ‪‎procès‬ bien embarrassant pour le Parti social-démocrate (SPD) allemand‬. Ce lundi ouvrait à ‪‎Verden, en Basse-Saxe, le procès de Sebastian Edathy, député ‪‎SPD du Bundestag entre 1998 et 2014, accusé d’avoir acheté du matériel ‪‎pornographique‬ pédophile via le‪ ‎serveur‬ canadien Azov‬.

Edathy s’était fait un nom en dirigeant d’une main de maître la commission d’enquête parlementaire sur la NSU, une cellule terroriste d’extrême droite qui a assassiné une dizaine de commerçants turcs et grecs entre 2000 et 2006 sans être inquiétée.

Ce fils d’un pasteur indien et d’une Allemande était connu pour dénoncer aussi bien le racisme dans la police que le manque d’efficacité des enquêteurs. Alors qu’il était promis à un brillant avenir politique, les observateurs s’étonnaient que son nom ne figure pas sur la liste des secrétaires d’Etat de la nouvelle majorité CDU-SPD à l’automne 2013.


 

L’étoile montante déchue de la politique allemande

Sebastian Edathy. (HC Plambeck/Laif)
Sebastian Edathy. (HC Plambeck/Laif)

 

Sebastian Edathy était promis à une brillante carrière au sein du SPD. Hier s’ouvrait le procès du député, accusé de détention de matériel pornographique pédophile

C’est un procès bien embarrassant pour le SPD… Lundi s’ouvrait à Verden, en Basse-Saxe, l’au­dience contre Sebastian Edathy, l’ancienne étoile montante du parti, accusé d’avoir acheté du matériel pornographique pédophile via le serveur canadien Azov.

Député SPD du Bundestag entre 1998 et 2014, Sebastian Edathy s’est d’abord fait un nom dans le domaine de la sécurité intérieure, avant de diriger à partir de 2012, d’une main de maître, la commission d’enquête parlementaire sur la NSU. Cette cellule terroriste d’extrême droite avait assassiné à travers le pays une dizaine de petits commerçants turcs et grecs entre 2000 et 2006 sans qu’à aucun moment les enquêteurs ne fassent le lien entre ces différents crimes – malgré l’usage de la même arme dans plusieurs cas – et sans que la police n’envisage la piste néonazie. La cellule NSU avait été démasquée par hasard à la suite d’une attaque à main armée qui avait conduit deux des trois protagonistes au suicide. Leur complice, Beate Zschäpe, est en ce moment même jugée à Munich dans le cadre d’un procès-fleuve, le plus complexe et le plus long depuis le procès des membres de la Bande à Baader.

Sebastian Edathy, 45 ans, fils d’un pasteur protestant d’origine indienne et d’une Allemande, a fait depuis longtemps du racisme un de ses chevaux de bataille en politique. Il prend le dossier NSU à bras-le-corps. A la tête de la commission d’enquête du Bundestag, il dénonce inlassablement tant le racisme ordinaire dans la police que le manque d’efficacité des enquêteurs. Son travail met au jour le long calvaire des familles des victimes, accusées pour certaines du meurtre de leur proche. Une épouse turque subit de longs interrogatoires tentant de prouver qu’elle aurait pu agir par jalousie; un frère aurait pu être impliqué dans des trafics de drogue mafieux… Certaines familles, détruites, n’ont été réhabilitées dans leur honneur que près de 15 ans après les faits.

L’affaire de la NSU propulse Sebastian Edathy sur le devant de la scène politique, promis à un brillant avenir. Son nom, constatent les observateurs, ne figure pourtant pas sur la liste des secrétaires d’Etat de la nouvelle majorité CDU-SPD, à l’automne 2013. Le politicien disparaît alors quelque temps de la scène publique, officiellement pour cause de burn-out. En février 2014, Sebastian Edathy démissionne par surprise de toutes ses fonctions. Quelques jours plus tard, des perquisitions sont menées au domicile et dans les bureaux du député. L’affaire Edathy – qui va éclabousser jusqu’aux instances dirigeantes du SPD et pousser un ministre conservateur à la démission – vient d’éclater. Le nom de Sebastian Edathy figure sur un fichier clients du serveur canadien de matériel pornographique pédophile Azov, sur lequel enquête un pool de police international depuis des mois. Un ordinateur portable du Bundestag, utilisé par le politicien, contient quantité de photos de jeunes garçons nus. La justice l’accuse en outre d’avoir été en possession d’un recueil de photos – «Jeunes garçons dans leur temps libre» – et d’un CD, au contenu également pédopornographique. Le «matériel» serait «à la limite de la légalité», assure le procureur. Le tribunal de Verden juge tout de même la plainte recevable. Edathy ne manifeste aucun regret. Il consent tout au plus avoir agi de façon répréhensible au regard de la morale. «Je n’ai rien fait d’illégal», répète au cours d’une conférence de presse surréaliste celui qui a dû fuir se cacher à l’étranger, lynché par la presse populaire. De fait, la législation allemande n’interdit à l’époque pas l’achat de photos d’enfants ou d’adolescents nus, type photos de famille d’enfants prises sur la plage. Un débat est lancé en Allemagne sur la nécessité de durcir ou non la législation sur la notion de photo pédopornographique.

Mais Edathy s’est-il contenté d’une pédophilie «légale»? Ses ordinateurs attestent aussi qu’il a détruit quantité de documents avant la perquisition de février 2014. Et c’est là que l’affaire devient embarrassante pour le SPD et pour la CSU. Sebastian Edathy assure aujourd’hui avoir été prévenu du scandale imminent par des cercles proches de la direction du parti, eux-mêmes informés par le Ministère de l’intérieur, alors aux mains de Hans-Peter Friedrich, du parti conservateur bavarois CSU. Hans-Peter Friedrich, informé de l’enquête internationale baptisée «Selm» contre un cercle de clients pédophiles, avait prévenu à son tour le SPD pour éviter que le député ne figure parmi les membres du nouveau gouvernement. Friedrich, qui assure avoir voulu éviter à la nouvelle coalition de débuter sur un scandale de pédophilie, démissionnait à son tour début 2014.

Sebastian Edathy risque jusqu’à 2 ans de prison. Le procès, qui doit durer jusqu’en avril, pourrait déboucher sur un non-lieu. Mais si Edathy ne risque guère plus qu’une carrière ruinée, le SPD, lui, risque gros en termes d’image. Son rôle dans l’affaire est d’ailleurs au centre d’une commission d’enquête parlementaire qui se déroule en parallèle au procès. Il s’agit de déterminer dans quelle mesure le président du parti et ministre de l’Economie, Sigmar Gabriel, et le chef du groupe parlementaire social-démocrate au Bundestag, Thomas Oppermann, auraient pu entraver le déroulement de la justice, pour éviter un scandale politique.

Source: http://www.letemps.ch/

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