Montréal | Arrestations en masse des Cybercriminels, enquête vidéo

Les arrestations pour pornographie juvénile ont explosé depuis six ans à Montréal, grâce aux dénonciateurs qui sont de plus en plus nombreux, constate la police

Photo Ninon Pednault Lors d’une perquisition à la mi-avril à laquelle notre Bureau d’enquête a assisté, l’escouade des crimes technologiques du SPVM a saisi l’ordinateur d’un suspect.

Une fillette de 6 ans confie à sa monitrice de camp de jour qu’elle déteste être prise en photo. Raison invoquée : un ami de la famille lui demande parfois de poser et elle « n’aime pas ça ». Les proches de l’enfant prennent la chose avec un grain de sel, mais pas la police.

Résultat: les enquêteurs mettent la main sur une minuscule carte SD cachée dans le tiroir de l’homme, ce qui permettra de retracer quatre autres victimes d’abus sexuels, dont une petite fille de 2 ans.

De telles histoires bouleversent le commun des mortels, mais constituent le quotidien des enquêteurs de l’Unité d’exploitation sexuelle des enfants du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Ceux-ci ont permis à l’équipe numérique de notre Bureau d’enquête de vivre une incursion dans leur univers.

125 arrestations

Nous y avons appris que cette unité a épinglé 125 personnes l’an dernier, soit une augmentation de 131 % par rapport aux 54 arrestations de 2012. Ces chiffres n’incluent pas les crimes reliés au proxénétisme, qui relèvent d’une autre unité.

« Il y a environ une à deux arrestations par semaine », souligne fièrement la sergente-détective Mélodie Leclerc, du SPVM. Contrairement à ce qu’on peut penser, les enquêteurs travaillent principalement sur le terrain. Ils ne sont pas du tout derrière leur ordinateur.

« Ça s’apparente à une unité comme les gangs de rue. Il y a beaucoup de perquisitions, de travail à l’extérieur, en équipe », compare la sergente-détective de cette unité qui compte une quinzaine de personnes au sein de ses rangs.

Ces chiffres s’expliqueraient par le nombre plus important de dénonciations dans les dernières années et des effectifs dédiés à l’Unité.

« On fonctionne beaucoup à partir de dénonciations. Il n’y a pas d’enquête en ligne qui est faite par nous. Si on parle de leurre, c’est souvent la victime qui va lever la main », note Mme Leclerc

Du travail de terrain

À l’échelle du Québec, les signalements transmis à Cyberaide.ca augmentent d’année en année et comptent à présent pour 21 % du total au Canada.

L’Unité d’exploitation sexuelle nous avait donné rendez-vous à l’aube à un poste de police dans l’est de Montréal. Un premier convoi s’est aussitôt mis en route vers le lieu de la perquisition, après un briefing technique.

« Vous devrez rentrer en équipe de quatre », a expliqué la sergente-détective, avant de remettre à ses troupes un document contenant les informations personnelles du suspect. Les policiers ont enfilé leur gilet pare-balles avant de partir, mandat en poche.

« Soyez prudents ! » a lancé un enquêteur.

La perquisition qui devait durer quelques minutes prendra plus de temps que prévu. Le suspect n’était pas sur place, mais quatre individus dormaient dans l’appartement. Un ordinateur a été saisi. Son contenu sera examiné par l’escouade des crimes technologiques, qui avait garé son camion devant l’immeuble.

Victimes silencieuses

« Après une perquisition, l’escouade débute une micro-analyse pour valider les motifs de pornographie juvénile, par exemple. Même que parfois à la préanalyse, on tombe déjà sur des victimes », explique le sergent-détective Modesto Pompeo.

« Le but ultime, c’est d’identifier des victimes qui sont silencieuses, souligne Mme Leclerc, citant en exemple un récent dossier. On est partis avec une image d’un quart de seconde d’une vue par la fenêtre où une jeune fille se faisait agresser. De là, on a localisé le bloc où demeurait la victime […] On a pu ensuite retrouver le suspect, faire son arrestation et émettre les chefs d’accusation. »

Les enquêteurs sont formés pour interviewer les victimes. Ils accompagnent d’ailleurs les jeunes et leurs familles dans leurs démarches judiciaires.

« Au niveau de la pornographie juvénile, c’est principalement des filles à 80 %, que ce soit vidéos ou photos, indique la sergente-détective Mélodie Leclerc. Au niveau du leurre, c’est environ 50/50 tant les garçons que les filles. »

Les pédophiles peuvent être n’importe qui

Lors d’une perquisition à la mi-avril à laquelle notre Bureau d’enquête a assisté, l’escouade des crimes technologiques du SPVM a saisi l’ordinateur d’un suspect.

Ceux qui croient qu’un cyberprédateur est nécessairement un homme reclus dans son sous-sol sont dans l’erreur, selon les policiers, qui observent qu’un consommateur de pornographie juvénile « peut être n’importe qui » à l’ère d’internet.

Adolescent, femme avec un bon travail, professeur, universitaire, père de famille : les gens arrêtés depuis les dernières années proviennent de toutes les couches sociales.

« C’est un crime qui n’a ni ramifications ni spécificités », souligne la sergente détective du SPVM Mélodie Leclerc.

« Parfois, quand on a une adresse, on ne peut pas savoir si c’est le père ou le fils », ajoute la policière, précisant que les réseaux sociaux constituent un terreau fertile pour commettre ce type de crime.

Une bonne connexion

Le sergent-détective Modesto Pompeo se souvient d’un jeune suspect âgé de 19 ans qu’il a coffré.

« Il consultait et bâtissait sa collection de pornographie juvénile depuis l’âge de 15 ans. C’est varié. Ça peut aller jusqu’à 70 ans et plus. Maintenant, avec internet, il [le prédateur] a juste besoin d’une bonne connexion », déplore-t-il.

Fait aussi à souligner, selon les données obtenues du SPVM, six femmes ont été arrêtées l’an dernier. Contrairement à deux en 2012. Le phénomène demeure toutefois marginal.

Nouvelles plateformes

Le sextage ainsi que la production et la distribution de pornographie juvénile par de jeunes mineurs s’avèrent aussi « un phénomène qui augmente », note René Morin, porte-parole de Cyberaide.ca.

« Un jeune couple de mineurs qui se prend en photos, disons innocemment, c’est aussi de la production. Et si l’un d’eux décide de se venger, ça peut devenir de la diffusion d’images. »

Un phénomène que le SPVM observe de près.

« Il y a beaucoup de jeunes qui se partagent des photos à l’école. […] Une fois que la photo est partagée sur internet, c’est parti et ça peut tomber entre de mauvaises mains », indique le sergent-détective Claudio Del Corpo.

Ce dernier rappelle qu’il faut être vigilant sur les réseaux sociaux, les chatrooms, les plateformes qui diffusent en direct.

« Les prédateurs ou les gens qui ont une attirance envers certains enfants vont aller vers ces plateformes en sachant que des mineurs ou des jeunes sont là […] C’est important de mettre des limites, contrôler les accès à internet. »

Source : journaldemontreal.com

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