Le Creusot | 16 ans de prison ferme pour avoir violé pendant des années ses deux nièces mineures, déjà violées dans le passé par leur père

Le martyr d’une fille d’abord violée par son père, puis à nouveau violée par son oncle, devenu son beau-père qui a été lourdement condamné.

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Il est enroulé sur ses avant-bras posés sur le rebord du box, tête baissée, mutique.

Il n’a pas touché à la bouteille d’eau posée dans le coin, avec un gobelet posé à l’envers sur le capuchon.

Elle est là, pour lui, depuis vendredi dernier à l’ouverture de son procès devant la cour d’assises de Saône-et-Loire.

Il est jugé pour viols sur mineures, deux de ses nièces devenues ses belles-filles lorsqu’il s’est mis en couple avec leur mère.

Leur père biologique avait été condamné à 10 ans de prison, pour les mêmes faits, sur les mêmes enfants.

« Je ne me suis jamais heurté à un mur pareil » dit son avocat

« Monsieur X ne m’a jamais demandé réellement de le défendre, et pourtant je dois le faire.

Je me demande sérieusement depuis combien de temps il est mort. »

Maître Diry commence ainsi sa plaidoirie ce lundi 28 janvier, second et dernier jour du procès.

« A mon sens il est mort de honte.

Il vit de manière morbide en détention, il fait des grèves de la faim.

Il est dans la négation totale de sa condition d’homme.

Je ne me suis jamais heurté à un mur pareil. »

L’accusé souffre d’une grave dépression, « conséquence directe de ce qu’il a fait », dit son avocat.

« Il a quand même dit aux experts psychiatres : je ne me le pardonne pas. »

« Elle me disait «arrête» mais je continuais. A force, elle ne disait plus rien »

« Je ne me le pardonne pas », c’est déjà une reconnaissance des faits, a minima.

Mais y a-t-il un minima en matière de passage à l’acte incestueux ?

Ce lundi matin, la présidente Podevin, en bute, elle aussi, à ce mur, s’est vue contrainte de procéder aux lectures de toutes les auditions de cet oncle/beau-père, pour donner aux jurés et aux juges assesseurs l’ensemble des positions de l’accusé.

« C’est des conneries », dit-il lors de la 1ère audition.

Il reconnaît toutefois sa « sévérité ».

« Cheveux arrachés, tête qui claque contre le mur, coups de pieds aux fesses », développera l’avocate générale Aline Saenz-Cobo.

A l’époque, 5 bières par jour, et 10, les jours de repos.

Il était peintre en bâtiment. 3ème audition :

« Oui, j’ai mis ma main dans sa culotte, puis j’ai mis sa main sur mon sexe, jusqu’à l’éjaculation.

Oui je l’ai pénétrée avec mes doigts.

Elle me disait « arrête » mais je continuais, je pense que c’est ça qui l’a fait partir »,

« à force, elle ne disait plus rien, elle était habituée ».

Les jurés sont comme en dedans d’eux-mêmes, durant cette lecture si impudique, si difficile.

L’avocate générale requiert 18 ans de réclusion criminelle

Il raconte les fréquences, il raconte la demande de silence aux deux enfants martyres.

Il regrette, leur demande pardon, et à sa femme aussi.

Puis il y eut une autre audition, et un interrogatoire de 1ère comparution devant la juge d’instruction :

« Les actes sexuels que je faisais sur X et Y me suffisaient, je pensais que c’était plus facile, qu’elles n’allaient rien dire parce que mon frère les avait déjà violées. »

Plus tard il se rétracte, et arrive à son procès maigre, faible, et muré.

« Il faut aller chercher la vérité là où elle est, requiert l’avocate générale, du côté des victimes. »

Elle explique le travail d’analyse, de recoupements, de confrontations de leurs déclarations « stables » :

« Elles n’en rajoutent pas.

Elles auraient pu, mais ne l’ont pas fait, et le contexte des révélations compte lui aussi. »

Dans le box, sous la tablette, l’accusé ne bouge qu’une main.

Il l’ouvre doigt par doigt, la referme en poing, puis recommence, répétition qui tourne à vide.

« Il a abusé de son autorité et de sa violence.

Elles ont dit ‘non’, cela ne l’a pas arrêté.

Il a abusé de leur vulnérabilité extrême : leurs âges et les viols précédents, c’est du pain béni pour un agresseur. »

Aline Saenz-Cobo requiert 18 ans de réclusion criminelle et le retrait de son autorité parentale.

Enfants « sans protection familiale »

« Comprendre pourquoi ? Pourquoi elle ? Pourquoi encore elle ? » demande maître Lépine pour X, l’aînée.

Elle décrit une scène parmi d’autres, « effroyable ».

« Elle avait 11 ans, et ça a duré 7 ans…

mais il n’y aura aucune réponse, il s’est servi d’elle comme d’une boîte de jeu.

On prend, on dispose, on referme, on range, jusqu’à la prochaine fois.

Ne pas oublier sa place : victime. »

Le mot « place » est si important, si décisif dans ces familles où l’on mélange tout, on l’on efface les limites, où on les bafoue.

Et si l’accusé est « dans la négation de sa condition d’homme », il fut, dans ses passages à l’acte, dans la négation absolue de ce qu’étaient ses enfants-là.

Maître Lamain le rappelle pour Y, la seconde :

« Violée tout petite (par son père) puis à nouveau (par le frère de son père).

Sans protection familiale.

Une alerte lors de ses 6 ans.

On l’a dite traumatisée, mais on leur a demandé de se taire et d’oublier, sans suivi médical.

Puis 5 nouvelles années d’abus… »

Les deux avocates racontent les scolarités difficiles, les maux de ventre.

Comment faire confiance ? Comment chasser les images qui reviennent ?

« C’est dégueulasse. Pourquoi faire ça à des enfants ? »

Une psychologue a rencontré la plus jeune, en 2016.

Y a pas que les jurés qui semblent au-dedans d’eux-mêmes durant les lectures de la présidente, on l’est tous, et certains doivent contenir ce que « ça fait » d’entendre « ça » parce que ça fait mal.

Elle s’en veut d’avoir « sacrifié la vie de famille ».

« Ceux qui aiment violer, c’est dégueulasse.

Ils ont leurs femmes, pourquoi faire ça à des enfants ? »,

« quand V. (l’oncle) le faisait, je le laissais faire, j’étais ailleurs ».

Détresse émotionnelle, hypervigilance, difficulté à faire confiance aux autres, absence d’estime de soi, honte, « traumatique complexe de type 2 » conclut la psychologue, qui a cette formule qui éclate à l’intérieur de soi, par sa force : « effet sidérant sur ses pulsions de vie ».

Quoi de plus moche, de plus meurtrier, en dehors du meurtre lui-même ? Rien.

« L’inceste ne surgit pas de nulle part »

Comment l’accusé, homme « frustre, à l’intelligence limité » pouvait-il aborder ces questions ?

« Il lui manque tous les outils dont nous disposons », plaide Benoît Diry.

Intelligence limitée et absence de personnalité, ça fait un bouillon… et l’inceste ne surgit pas de nulle part. »

L’avocat parle de « catastrophe annoncée », « une famille comme ça, les services sociaux auraient dû avoir un œil dessus » (la présidente acquiesce).

Ce point est intéressant car les révélations ont surgi dans un contexte privé : en 2016, Y, la plus jeune, vivait placée chez une femme, « tiers de confiance » à qui l’autorité judiciaire avait confié l’autorité parentale.

Cette femme a une fille, et Y va lui parler.

La fille, légitimement, s’en ouvre à sa mère en lui demandant de garder ça pour elle, mais devant la gravité des faits, sa mère va agir.

Elle dépose en août 2016, puis tout s’enclenche.

16 ans de réclusion criminelle

« Il n’a été qu’à trois moments avec nous, rappelle Benoît Diry à la cour. Lorsqu’il a été question de ses enfants, lorsqu’il a été question du coup de foudre pour sa femme, lorsqu’il a été question de son travail. Soit les choses dont il peut être fier. »

« Avez-vous quelque chose à ajouter pour votre défense ? » demande la présidente Podevin à l’homme qui se maintient enroulé sur lui-même.

« Non. »

La cour et les jurés le déclarent coupable et le condamnent à 16 ans de réclusion criminelle, suivis de 8 ans de suivi socio-judiciaire.

Pourquoi a-t-il fait « ça » ?

Source : Creusot Infos

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