Kenya | Du sexe contre un déjeuner, le fléau de la prostitution infantile

Sur le littoral kényan, une mineure sur trois est une prostituée. Beaucoup commencent à “travailler” dans ce “secteur” à l’âge de huit ou neuf ans.

La prostitution est officiellement interdite au Kenya, mais le pays est pourtant depuis des années l’une des destinations les plus populaires de tourisme sexuel.

L’offre y est — si l’on parle en termes de marché — beaucoup plus importante que la demande, ce qui affecte inévitablement les revenus des filles exploitées.

Linda a 14 ans.

Elle est née dans le bidonville de Kibera — un grand quartier de Nairobi, capitale du Kenya.

Comme beaucoup d’autres prostituées mineures, c’est à Kibera qu’elle a commencé dans l’industrie de sexe.

“Ma belle-mère me battait, ne me nourrissait pas, me chassait de la maison, raconte-elle.

J’ai été obligée de partir”.

Après la mort de son père, elle a déménagé chez une amie.

Les “services” de Linda coûtent 1.000 shillings kényans (environ 10 dollars).

Selon Ahmed, employé des services sociaux de Kibera, les clients paient parfois les filles avec de la nourriture.

Le déjeuner le plus cher coûte environ 3 dollars.

“On peut même tout simplement proposer une place pour passer la nuit, raconte Ahmed.

Ici, les jeunes filles vendent leur corps pour survivre”.

«Il y a à Nairobi des fondations humanitaires qui devraient s’occuper de la protection sociale des couches démunies de la population.

Les employés de ces organisations recueillent des documents, des photos et des vidéos terribles sur la vie des jeunes filles et reçoivent des fonds de l’étranger, mais ne font rien», affirme Ahmed.

Michelle, 15 ans, n’a pas la possibilité de travailler légalement: la législation kényane interdit officiellement d’employer des mineurs.

Elle a donc été poussée à gagner de l’argent en se prostituant:

“Je n’accepte pas n’importe qui.

Il me faut d’abord parler à l’homme pour le comprendre.

Si ma raison me dit “N’y vas pas”, je refuse.

Il est très risqué de s’offrir dans la rue.

Mes concurrentes adultes peuvent me tabasser”.

Elle a eu son premier enfant à l’âge de 12 ans.

Le deuxième est né deux ans après.

Elle a été rapidement forcée à abandonner l’école car elle n’avait plus assez d’agent pour payer les livres, l’uniforme et la nourriture.

Aujourd’hui, Michelle tente également de prendre soin de sa sœur, qui a des enfants elle aussi.

La location de la cabine où elles habitent coûte 15 dollars par mois.

D’après Michelle, le nombre d’adolescentes qui sont obligées de se prostituer ne cesse de croître:

“J’ai commencé à aller en ville l’année dernière.

Je vois depuis de plus en plus de jeunes filles qui le font.

Nous risquons nos vies, mais cela nous importe peu”.

Les prix de ces “services” ne sont pas partout aussi bas qu’à Kibera: les tarifs des prostituées les plus chères de Mombassa se chiffrent au moins à 100 dollars de l’heure.

C’est là que les touristes étrangers se rendent pour trouver des prostituées.

La somme peut augmenter suivant la saison.

Les ONG travaillent plus activement en province que dans la capitale.

Selon elles, près de 80% des enfants de la petite ville de Bombolulu ont subi des agressions sexuelles.

Charo Yangay, coordinateur des programmes de l’une de ces organisations, est convaincu que la racine du problème réside dans la pauvreté:

“Les parents négligent leurs enfants.

Ils ne prennent pas soin d’eux et les enfants partent pour trouver de la nourriture quelque part.

Il suffit de payer environ 50 cents pour quelques minutes de sexe avec une fille.

Celles qui travaillent du matin au soir, peuvent gagner au maximum 15 dollars.

Vous imaginez-vous combien d’hommes elles subissent chaque jour?”

En partant au travail, Tenge, 14 ans, est obligée de laisser son bébé seul.

Elle habite avec ses copines qui sont également forcées de vendre leur corps et ne peuvent donc pas prendre soin de l’enfant.

Pour que son fils ne pleure pas, elle lui donne des comprimés grâce auxquels il s’endort.

Si aujourd’hui le marché sexuel kényan est surchargé, il y avait par le passé considérablement moins de filles dans cette industrie, affirme Eunice Yarimbo, ancienne prostituée.

Elle est fière d’avoir accumulé 5.000 dollars sur son compte bancaire.

Cet argent lui a permis d’acheter un terrain et de construire une maison.

“Je suis heureuse parce que j’ai pensé avec ma tête”, dit-elle.

Selon la Banque mondiale, 46% des Kényans vivent sous le seuil de pauvreté.

Qui plus est, la natalité dans le pays est quatre fois plus importante que la mortalité.

Certaines femmes peuvent avoir 10 voire 12 enfants.

UNAIDS affirme que le nombre de Kényans séropositifs a atteint 1,6 million en 2016.

Près de 60.000 personnes sont annuellement infectées par le sida dans le pays.

36.000 Kényans sont morts en 2016 à cause de cette maladie.

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Source : Sputnik News

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