Haute Garonne | Il se fait passer pour un espion du KGB pour abuser de sa famille

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— Les « méchants » veulent qu’on couche ensemble…
Nicolas a été condamné à 14 ans de prison par la cour criminelle de Haute-Garonne. Il avait manipulé son entourage en leur faisant croire qu’il était un agent du KGB et qu’il devait accomplir des « contrats » sexuels pour les protéger. Il violait ses filles

La nuit enveloppe le lac de Muret, au sud de Toulouse.

À l’arrière de la voiture qui roule dans la pénombre, Nour*, 14 ans, s’ennuie un peu.

Mais son père insiste pour que l’ami qui les conduit prolonge la promenade.

Par la vitre, il scrute l’obscurité, comme s’il guettait quelque chose…

Soudain, le faisceau d’une torche traverse le pare-brise.

Le conducteur pile net. Avec stupeur, Nour voit son père dégainer une arme de poing.

L’instant d’après, il la prend par l’épaule et la force à descendre.

Sur un parking, deux hommes masqués semblent attendre, une mitraillette au côté.

Nicolas N. leur désigne sa fille :

— Vous voyez, je l’ai amenée comme vous me l’avez demandé !

Puis il fait signe à sa gamine de remonter dans la voiture.

L’instant d’après, depuis l’habitacle, Nour voit son père viser un des hommes et tirer !

Le blessé titube et s’effondre derrière une voiture.

Nicolas N. revient alors auprès de sa fille pour prendre son téléphone portable.

— Il faut que je leur envoie une photo du corps, explique-t-il. Tu veux le voir ?

Puis comme Nour secoue la tête en tremblant, il s’éloigne, filme un instant le cadavre et revient.

Dans la foulée, il compose un numéro de téléphone.

— La voie est libre, dit-il nonchalamment. Tu peux prévenir le « service de nettoyage ».

Nour le regarde de travers. Ce serait donc ça, sa vie de « papa espion » ?

Une organisation secrète dont il ne peut révéler le nom

Le secret de Nicolas N. pèse sur sa famille depuis toujours.

À l’époque où il rencontre Mélina*, sa future compagne, il lui avoue tout de suite que ce n’est pas son vrai nom.

Il se dit espion russe. Son nom de code : « M. Ivanovic »

— Quand j’avais 17 ans, des types du KBG m’ont torturé, violé et enrôlé de force, raconte-t-il.

Depuis, Nicolas n’aurait plus le choix. Il affirme appartenir à une organisation secrète dont il ne peut révéler le nom.

Son métier de plâtrier, près de Toulouse ?

Une simple couverture pour pouvoir assassiner sur ordre.

Face à ces déclarations, Mélina demeure estomaquée.

Maman d’une fillette de 3 ans, Islah*, elle craint pour la sécurité de la petite.

— Ne t’inquiète pas, la rassure le tueur. Tant que je travaille pour « eux », vous n’avez rien à craindre.

Impressionnée, et peut-être un peu émoustillée, Mélina s’abandonne dans les bras de l’étrange personnage, qui la rassure et l’effraie à la fois.

Nicolas a dix ans de moins qu’elle. Ses besoins sexuels sont intenses. Et il a tellement de choses à raconter !

En avril 2007, le couple a une fille, Nour.

Un bonheur compromis sept ans plus tard, quand Mélina découvre que son super-héros va voir ailleurs.

Elle décide de le plaquer. Il a une réaction sidérante :

— Le KGB va être furieux ! proteste-t-il. Ils veulent qu’on reste un couple, tu comprends ? C’est le contrat. On a signé pour la vie !

Les Russes lui réclament au moins trois vidéos par semaine

Puis il lui met sous le nez un SMS, dans lequel on le menace d’être « désactivé ».

Un peu dépassée, Mélina cède au chantage.

Un cercle pervers s’enclenche.

Plus tard, Nicolas lui explique que pour satisfaire ses employeurs, il doit leur envoyer des sortes de « sextapes ».

Et pas un simple extrait comme ça ! Les Russes lui réclament au moins trois vidéos par semaine, sinon, ce sera la mort pour tout le monde !

« Une simple fellation peut suffire », nuance-t-il toutefois.

Et comme il s’agit d’une question de survie, Mélina, coincée, accepte de se donner devant l’objectif.

En 2017, le couple se sépare quand même. Nicolas déménage à Carbonne.

Mais trois fois par semaine, il la rappelle :

— C’est mon jour, lui dit-il.

Puis il passe s’acquitter de son « devoir ».

Des rapports vite expédiés, souvent en moins de deux minutes chrono. Mais les ordres sont les ordres.

— Si on ne le fait pas, tu sais comment ça se termine, lui rappelle-t-il systématiquement.

Pendant ce temps, Islah et Nour grandissent.

Nicolas N. les prépare en douceur à leur révéler sa vraie identité.

À mots couverts, il leur raconte qu’il lutte contre « des méchants », qu’il doit parfois en tuer certains, et aussi faire des choses « pas normales ».

D’ailleurs, puisqu’on en parle, ses employeurs exigent maintenant de nouvelles vidéos ! Avec, on l’a deviné, de la chair fraîche dedans…

À l’été 2018, Nicolas N. emmène Islah, 18 ans, en vacances au Cap d’Agde.

C’est là qu’un soir au camping, il lui expose la situation :

— Les « méchants » veulent qu’on couche ensemble…

Islah se fige dans l’instant. Tétanisée, elle lui répond qu’elle est vierge et qu’elle le considère comme son père.

— Je sais bien, s’afflige Nicolas, mais si nous ne leur obéissons pas, nous ne serons plus là demain…

Puis à gestes lents, il déshabille l’adolescente, la force à s’allonger et la caresse.

— Je ne peux pas les laisser faire du mal à ta mère et à ta petite sœur, lui répète-t-il.

Et il prend ce qui ne lui est pas offert.

— Ne t’inquiète pas, on va s’en sortir ! rassure-t-il la gamine un peu plus tard sous la douche.

Quelques jours après cette défloration savamment mise en scène, de retour à la maison, le pervers explique à sa femme :

— Ta fille a été violée par deux types du KGB dans les toilettes du camping. Mais ne t’inquiète pas, je les ai liquidés et j’ai démembré les corps !

Sa mère interprète ce silence comme une confirmation

L’adolescente, stupéfaite, ne trouve pas la force de le contredire.

Probablement a-t-elle honte de ce qui lui est arrivé.

En tout cas, elle ne moufte pas. Sa mère interprète ce silence comme une confirmation des faits…

Puis à l’automne 2018, Nicolas N. pousse encore d’un cran son scénario tordu.

Un jour qu’il est seul en voiture avec Islah, il lui montre le SMS qu’il vient prétendument de recevoir :

— Les « méchants » ordonnent que tu me masturbes, annonce-t-il à sa belle-fille d’une voix désolée.

Comme elle n’a pas l’air de comprendre, il lui montre d’autorité de quoi il est question.

— On ne peut pas faire semblant ? demande l’ado, désemparée.

— Impossible, ils nous surveillent en permanence ! soupire-t-il. Tiens, regarde, là et là !

Deux voitures passent à toute vitesse, que la gamine n’a pas le temps de détailler.

— Mais comment est-ce qu’ils savent où tu es ? demande-t-elle.

— Ils m’ont mis une puce derrière la tête. Ils me suivent par satellite…

Face à l’argument, sans plus d’échappatoire, Islah fait ce qu’il demande.

Ces petites « exigences » en voiture deviennent rapidement quotidiennes.

Mais évidemment, le KGB en réclame toujours plus.

Et c’est bientôt Nicolas qui descend entre les cuisses de sa belle-fille.

— C’est le contrat, on doit jouir tous les deux ! assure-t-il, la langue impatiente.

À la longue, il persuade même la gamine de sécher le lycée « pour obéir aux ordres de Moscou ».

— Tu sais ce qui arrivera si on désobéit, se morfond-il encore et toujours.

Ah, ces Russes ! Après chaque viol, il s’en trouve toujours un pour adresser un SMS à la petite.

« Ça vous a plu, hein ? », demande un de ces messages.

Ou encore :

« Vous l’avez mal fait… Essayez de nouvelles positions ! »

Même quand elle bavarde avec une copine à la sortie du lycée, la jeune fille peut être soudain pétrifiée par une vibration de son téléphone.

« Si Nicolas ne vous protège plus, votre amie sera agressée sexuellement ! », menacent « les méchants ».

Plus tard, alors qu’elle vient de décrocher son premier emploi, ces satanés Russes osent même écrire à son patron :

« Aidez Islah à comprendre qu’elle doit faire les bons choix », exigent-ils.

Le premier petit ami de l’adolescente n’y échappe pas

Et la pluie de textos continue comme ça, à tout moment, dans toutes les situations.

Le premier petit ami de l’adolescente n’y échappe pas.

« Informez-nous de ce qu’elle représente pour vous, et vous pour elle, dit le SMS. Tout mensonge sera sévèrement sanctionné ! »

À la maison, Mélina elle-même reçoit en permanence des messages similaires, qui lui donnent la certitude d’être espionnée en continu.

Sous pression, malheureuse, elle finit par accepter de reprendre Nicolas sous son toit, espérant sans doute un peu de répit.

L’autre débarque en héros, avec toutefois une mauvaise nouvelle.

Désormais, c’est cinq fois par semaine qu’elle devra passer à la casserole !

Et comme si ça n’était pas clair, les Russes en rajoutent une couche :

« Vous avez compris que sans Nicolas, vous seriez déjà dans une de nos cellules à vous faire torturer… », lui écrivent-ils.

L’ “agent secret” a désormais son petit harem

Résultat, l’« agent secret » a désormais son petit harem.

Le jour, il s’envoie la mère. La nuit, il dort seul dans une chambre où le rejoint la fille.

Seule Nour échappe encore à son emprise. Pour l’instant…

En 2016, alors qu’elle n’avait que 9 ans, Nicolas N. a bien tenté de tripoter l’écolière, avant de s’arrêter au milieu du gué, peut-être rattrapé par un reste de bonne conscience.

Le lendemain, il a demandé à Nour d’oublier ses gestes « étranges ».

Il lui a même offert un hélicoptère télécommandé, pour se faire pardonner.

Mais la tentation de l’interdit continue de le tirailler.

Régulièrement, il donne 5 ou 10 euros à sa fille pour qu’elle lui fasse un « massage ».

Il enlève à chaque fois un vêtement de plus. Jusqu’à ne plus en porter du tout…

En 2018, il finit par craquer.

Baisers sur la bouche. Caresses.

Insidieux, l’homme laisse traîner son téléphone portable, pour que sa fille puisse lire en douce les messages qu’il reçoit.

« Nour, ça doit être votre femme, lui écrit le KGB. Vous devez la considérer comme votre femme. »

Un jour qu’il la « surprend » devant l’écran, il lui souffle :

— Je dois leur obéir, tu comprends, je leur dois de l’argent…

Un peu plus tard, alors qu’ils sont seuls, il tente de passer à l’étape suivante.

— Nous n’avons plus le choix, explique Nicolas à la fillette. Il faut que tu « reprennes le contrat » de ta sœur !

Nicolas trouve encore le moyen de culpabiliser sa fille

Plein de fausse tendresse répugnante, il ajoute en ouvrant un préservatif (la gamine parlera de « petit ballon ») :

— Papa va te rendre femme !

Évidemment, Nour souffre, Nour pleure, Nour crie.

Mais Nicolas trouve encore le moyen de la culpabiliser.

— C’est toi qui voulais ! la gronde-t-il. Tu ne voudrais pas que les méchants s’en prennent à ta sœur, n’est-ce pas ?

Puis les années passent à ce rythme. À la maison, c’est le lupanar.

Nicolas N. a le droit de cuissage sur tout le monde.

Malgré tout, il sent qu’avec sa petite dernière, le coup du « KGB » ne va pas tarder à coincer.

Il doit trouver une parade, et vite, pour resserrer son emprise.

C’est pourquoi, durant l’hiver 2021, il monte le scénario délirant du lac de Muret, avec l’assistance de trois complices.

Objectif : convaincre Nour que depuis le départ, tout était vrai, et que dans le monde des « méchants », personne ne lui fera de cadeau.

Le plâtrier embarque sa fille en voiture, pour une petite “virée nocturne”

Le 22 mars 2021, le plâtrier embarque sa fille de 14 ans en voiture, pour une petite « virée nocturne » sur les berges du lac.

La suite, on la connaît. Les faux types avec de fausses mitraillettes sur le parking.

Le faux agent ennemi « abattu »…

Presque du James Bond ! Sauf que Nour a oublié d’être bête et ne mord qu’à moitié dans l’histoire.

D’une, elle a cru reconnaître la voix d’un des gars.

De deux, en fouillant dans le téléphone de son père, elle a repéré une appli intitulée « ON/Off », qui sert à changer de numéro pour pouvoir envoyer, par exemple, des textos de manière anonyme.

Le doute ronge la collégienne. Les fameux « Russes » existent-ils seulement ?

Après cet épisode foireux, Nour se confie à Islah, qui ne croit plus elle-même à grand-chose.

Il y a ce garçon, Sofian*, à qui l’aînée des deux sœurs a tout raconté, les Russes, les SMS… Sofian a écarquillé les yeux.

Il dit que tout ça, c’est du pipeau, et que Nicolas n’a jamais été agent secret de rien…

Pour le prouver, il a même proposé à Islah un rendez-vous secret.

Les Russes, s’ils la surveillaient vraiment, auraient dû voir qu’elle sortait. Or ils n’ont strictement rien vu !

À partir de là, la rébellion commence à couver.

Islah refuse désormais que son beau-père la touche.

Ça le rend dingue. Un jour, il supplie. Un autre, il pleure. Un troisième, il s’autoflagelle :

— Je ne suis pas excusable ! déclare-t-il, théâtral. Je suis complètement perturbé, c’est le diable qui me possède !

Mais toujours, il se ressaisit, et remet finalement les Russes sur le tapis.

— Qui pourrait inventer un scénario pareil ? demande-t-il à sa belle-fille. Si tu n’honores pas ton contrat, ta petite sœur sera prise pour cible !

Un après-midi qu’elle le repousse, il va même jusqu’à sortir un revolver à barillet.

Feignant de jouer à la roulette russe, il plaque le canon sur la tempe de l’adolescente.

Mais Islah devine que l’arme est aussi bidon que le reste.

Elle ne se démonte pas. Empoignant le flingue factice, elle bondit sur ses jambes et court s’enfermer dans sa chambre.

Nicolas N. la poursuit, défonce la porte.

Nour, qui assiste à la scène, en fait une crise d’asthme…

Ce sera l’épisode de trop. Le soir même, les deux gamines se réfugient chez une tante, à Carcassonne. Et elles lui déballent enfin leur sac…

La mère de famille se présente à la gendarmerie avec ses deux filles

Le 26 mars 2021, Nicolas N. est mis en garde à vue puis hospitalisé d’office.

Le lendemain, Mélina se présente à la gendarmerie accompagnée de ses deux filles.

Chacune avec leurs mots, la mère de famille et les deux ados racontent tout. Le KGB, les SMS, les viols…

Entendu cinq fois dans la foulée, Nicolas N. reconnaît une partie des faits, mais tente de les minimiser.

Oui, il a couché avec Islah, mais à l’en croire, elle était amoureuse et demandeuse !

Quant à Nour, il jure ne jamais l’avoir touchée…

— Elle a dû inventer tout ça pour venger sa sœur ! se risque-t-il.

« Tout inventé » ? Ben voyons ! Jugé à huis clos en cette rentrée 2024 devant la cour criminelle de Haute-Garonne, le pseudo-« agent secret » a probablement tenté une dernière fois de défendre son honneur, jurant ses grands dieux que ses filles étaient les pires des menteuses.

Les cing juges ont apprécié sa démonstration à leur façon, en le condamnant à quatorze ans de réclusion, soit à peu près le temps qu’aura duré son délire sordide…

S’il se sent seul en cellule, N. pourra toujours s’envoyer des SMS à lui-même. Il paraît qu’on trouve facilement des portables en prison.

*Les prénoms ont été changés

 

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