France | Des particuliers traquent eux-même les suspects trouvés sur internet

La police nationale a mis en garde ces derniers jours les internautes sur les démarches de particuliers qui souhaitent eux-mêmes piéger des personnes soupçonnées de pédophilie. Ces derniers jours, ce genre de pratique a été observée sur les réseaux sociaux notamment.

Capture d’écran – LCI

Elle s’appelle Marie*, elle a 17 ans, bientôt 18. Il y a quelques jours, cette jeune fille a entrepris de traquer les pédophiles sur la toile par ses propres moyens.

“J’ai eu une pulsion, après avoir vu une émission de télé récemment consacrée à ces personnes, et aussi avec l’affaire Quesada dont on a beaucoup entendu parler récemment.

J’ai aussi eu un oncle pédophile, qui s’est suicidé en 2012, avant son procès.

C’est un sujet qui me touche particulièrement”, explique l’adolescente ce vendredi à LCI.

Lundi dernier, Marie s’est donc inscrite sous pseudo sur un site de chat qui se veut “simple et efficace” tel que décrit sur sa homepage.

“Un ami  à moi m’a parlé de ce site, en me disant qu’il y avait des ‘mecs chelous dessus’.

J’ai mis comme pseudo un nom de petite fille, Louna.

J’ai indiqué que j’avais 18 ans car on ne peut pas s’inscrire en tant que mineure et j’ai ajouté mon code postal.

Je n’ai même pas mis de photo de profil”, nous explique Marie.

En moins de 24 heures, la jeune femme est contactée par plusieurs hommes.

“La grande majorité est là pour draguer et avoir des rapports.

On m’a envoyé, après quelques messages et sans que je demande quoi que ce soit, des photos de sexes, des vidéos explicites.

On m’a proposé de l’argent contre des relations sexuelles.

Et quand j’ai dit à mes interlocuteurs que j’avais 12 ans, ça n’a pas freiné certains”.

Marie obtient alors un numéro de téléphone de l’un de ces hommes, âgés de 40 ans.

Rendez-vous est fixé dans un parc de la ville, à 17h30, alors que l’espace est fermé au public.

“J’y suis allée avec un ami, et on a coincé cet individu. Il disait qu’il voulait discuter avec moi, me réchauffer. On l’a filmé, et on lui a dit que s’il recommençait à faire ça avec des mineurs, ça irait très mal pour lui. Puis on l’a laissé partir, et on est parti nous aussi”, nous raconte la jeune fille.

La vidéo du rendez-vous a été postée sur les réseaux sociaux dans la foulée et a été vue des milliers de fois, en France mais aussi à l’étranger.

Comme Marie, ils sont quelques-uns à traquer sur Internet les personnes qu’ils soupçonnent de pédophilie en se faisant passer pour de jeunes adolescent(e)s.

“Généralement les internautes filles ou garçons chattent un peu, puis disent dans la conversation qu’ils ont 12, 13, ou 14 ans.

Ils appâtent les personnes déviantes, puis les dénoncent à leur façon, en mettant sur les réseaux sociaux leurs numéros de portables, leurs photos…”, indique une source policière à LCI.

Outre ces particuliers qui s’improvisent justiciers dans leur coin, existent également des sites Internet, à l’instar de “Wanted Pedo”, qui se présente comme une “association à but non lucratif qui lutte contre la pédocriminalité sous toutes ses formes”.

“Interpeller les pédophiles et les condamner s’ils sont reconnus coupables, c’est le travail de professionnels, en l’occurrence de la police et de la justice.

Certainement pas de particuliers”, prévient cette source.

Cette semaine d’ailleurs, après la vidéo de Marie et une autre dénonciation sur les réseaux, la police nationale a rappelé dans un tweet les risques auxquelles ils s’exposent.

Convoquée au commissariat ce vendredi, Marie admet avoir “commis une erreur” en filmant ce monsieur.

“Ses intentions pour moi étaient claires.

Inviter une gamine dans un parc isolé, vouloir la ‘réchauffer’, ‘discuter’, c’est qu’il y a un problème”, estime-t-elle.

Les enquêteurs lui ont demandé de retirer la vidéo qu’elle avait postée sur les réseaux.

Elle s’est exécutée mais les images ont d’ores et déjà été partagées des centaines de fois et le sont encore aujourd’hui.

“Je ne recommencerai pas, la prochaine fois, j’appellerai la police.

Les enquêteurs m’ont bien fait comprendre que je n’avais pas agi correctement et que ce monsieur était désormais potentiellement exposé, et qu’il pouvait faire l’objet de potentielles expéditions punitives”, commente Marie.

Sa mère, qui a accepté de nous parler après cet événement, concède que sa fille a fait une erreur tout en comprenant sa démarche.

“Elle voulait bien faire, elle a été très choquée comme nous par de récentes émissions sur la question des pédophiles.

Maintenant, elle a compris la leçon je crois”.

Si elle jure en effet qu’elle ne fera plus de caméras cachées ou de traque aux pédophiles dans son coin, Marie souhaiterait voir prendre des actions concrètes pour empêcher l’entrée en contact entre victime et prédateur potentiel :

“Quand on voit qu’un site comme celui que j’ai utilisé existe encore, on ne comprend pas.

Rien qu’en tapant son nom dans un moteur de recherche, les résultats sont explicites et pourtant, le site est toujours là, c’est scandaleux”, s’indigne-t-elle.

Pourquoi l’est-il alors encore ?

“Seule une décision de justice pourrait permettre sa fermeture, répond une autre source policière.

Les affaires sur cette plateforme, il y en a énormément, beaucoup trop, personne ne vous dira le contraire.

Mais c’est un site de chat, en soi, il n’y a rien d’illégal.

D’autant que pour se connecter, l’internaute doit déclarer avoir 18 ans”.

Mais force est de constater que ce moyen de mise en relation est détourné à des fins criminelles : en avril 2018, comme relaté dans Le Parisien, un adolescent de 17 ans avait été mis en examen pour l’agression, avec un complice, d’un homme de 39 ans originaire de Senlis.

L’agresseur avait donné rendez-vous à sa victime via le site de chat en ligne, en lui proposant une rencontre sexuelle.

En 2015, la police piégeait un “homme à tendance pédophile” via ce chat, comme l’avait rapporté Ouest France.

En 2013, un article de L’Obs intitulé “Comment les enquêteurs traquent les pédophiles sur Internet” faisait déjà référence à ce site et à ses messages explicites.

Sur la toile, les références au site ne manquent pas, pourtant, le site est toujours ouvert.

*Le prénom a été modifié

Source : LCI

Source(s):