Etats-Unis | Richard Sipe, porte-parole de la lutte contre les abus sexuels dans l’Église, est décédé

Spécialiste des abus sexuels au sein de l’Église catholique, cet ancien prêtre, auteur de plusieurs ouvrages aux conclusions polémiques, est mort mercredi 8 août, à l’âge de 85 ans, à son domicile américain.

Richard Sip le mardi 5 décembre 2017, au palais de justice du comté de Hidalgo à Edinburg, au Texas. / Nathan Lambrecht / AP

Chercheur, psychothérapeute, ancien prêtre, témoin dans le cadre de plus de 250 affaires de pédophilie portées devant les tribunaux… L’homme avait de multiples casquettes. Âgé de 85 ans, l’américain Richard Sipe est décédé, mercredi 8 août, à son domicile de San Diego, au sud de la Californie, des suites d’une « défaillance de plusieurs organes ».

Considéré dans le pays comme l’un des principaux experts de la question des abus sexuels dans l’Église catholique, l’octogénaire avait publié plusieurs essais et études polémiques interrogeant les racines de ces dérives au sein de l’institution.

Corrélant dans la plupart de ses écrits les abus sexuels et le célibat des prêtres, il avait ainsi estimé, dans les années 1980, que

« 6 % des prêtres étaient des agresseurs sexuels d’enfants et de mineurs »

et que 50 % d’entre eux, seulement, étaient « célibataires ». Des chiffres alors très fermement contestés par l’Église américaine. Les « échecs du célibat » dans la haute sphère hiérarchique de l’institution, soutenait Richard Sipe, auraient créé

« un système d’hypocrisie, régi par une certaine culture du secret » propice à « l’émergence des abus sexuels sur des mineurs »,

défendait-il encore.

Une « atmosphère de tolérance »

« Lorsque des hommes en situation d’autorité – cardinaux, évêques, confesseurs… – mènent, ou ont mené, une vie sexuelle active sous leur apparent célibat, cela engendre une atmosphère de tolérance vis-à-vis de certains comportements au sein du système »,

arguait-il. En 1986, il avait présenté cette conclusion à la Conférence des évêques des États-Unis (USCCB). Sans suite.

Richard Sipe avait alors décidé de poursuivre son combat par d’autres moyens, en publiant des livres et se portant « témoin expert » dans près de 250 affaires d’abus sexuels portés devant les tribunaux.

Né en 1932 dans une famille catholique de dix enfants installée dans le Minnesota, il avait été ordonné prêtre en 1959, après avoir été scolarisé, au collège et au lycée, dans un établissement tenu par des moines bénédictins. Ses premières années de sacerdoce furent marquées par la découverte de la culture de la protection du secret par sa hiérarchie.

Il quitta la prêtrise en 1979 et épousa Marianne Benkert, une ancienne religieuse qu’il avait rencontrée à l’Institut psychiatrique Seton de Baltimore. Ce centre, où Richard Sipe avait été nommé dix ans plus tôt à la tête des services familiaux, accueillait notamment des prêtres « à problèmes » envoyés par leurs évêques.

Un personnage du film « Spotlight »

Le travail de cet octogénaire a rencontré un nouvel écho, ces dernières semaines, aux États-Unis. Richard Sipe avait en effet mis en garde sur son site, dès 2008, contre les activités sexuelles du cardinal américain Theodor McCarrick, ancien archevêque de Washington. Or ce dernier a été suspendu il y a un mois à la suite d’une accusation d’abus sexuels sur mineur et le pape François vient d’accepter sa démission du Collège des cardinaux.

En 2015, une séquence du film Spotligth – retraçant l’investigation menée en 2002 par des journalistes du Boston Globe sur les abus sexuels commis dans la ville par certains membres du clergé américain et étouffés pendant des années par leur supérieur, le cardinal Bernard Law – présentait Richard Sipe comme l’une des sources ayant permis l’éclatement au grand jour de ce scandale, qui déclencha par la suite une vague de révélations dans le monde entier.

Source : la-croix

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