Crimes oubliés | Les « cold cases », ce « travail de titan »

Près de 100 dossiers criminels ont été retenus pour bénéficier de nouvelles investigations. Une enquête à retrouver ce mercredi dans «l’Heure du crime» sur RTL.

L’enfant inconnue de l’A 10 a été retrouvée martyrisée le 11 août 1987 entre Mer et Blois (Loir-et-Cher). Malgré de nombreux actes d’enquêtes, elle n’a jamais été identifiée. (LP/Philippe Lavieille.)
L’enfant inconnue de l’A 10 a été retrouvée martyrisée le 11 août 1987 entre Mer et Blois (Loir-et-Cher). Malgré de nombreux actes d’enquêtes, elle n’a jamais été identifiée. (LP/Philippe Lavieille.)

Fait exceptionnel, la police judiciaire a depuis un an passé au crible 200 dossiers criminels, datant de quatre à trente ans, ces fameux «cold cases», pour en retenir 97 qui seront peut-être relancés.

Ils vont être passés au crible d’une nouvelle analyse par l’Office central de la répression de la violence aux personnes (OCRVP), un service spécialisé qui recense toutes les affaires non résolues en France. Leur objectif ? Tenter des recoupements avec d’autres affaires et vérifier que tous les indices ont pu être exploités au cours de l’enquête.

L’affaire Vanessa Thiellon fait déjà partie de cette liste, et ses proches espèrent de nouveau pouvoir connaître un jour la vérité sur sa mort. A ce jour, aucune statistique n’existe sur les cold cases mais chaque année, sur les 1 200 homicides commis en moyenne en France, il en reste 50 à 75 qui résistent aux enquêteurs.

Un des rares pays à ne jamais renoncer

Dans un second temps, l’OCRVP traitera aussi les cold cases de la gendarmerie. Le service du renseignement criminel (SRC) des soldats de la loi a 340 affaires en soute, datant parfois des années 1980, et dont « 130 sont soumises à analyses régulièrement », souligne le lieutenant-colonel André Brothier.

Une vingtaine d’entre elles sont toujours en phase d’enquête active, traitées le plus souvent par des cellules dédiées, comme celle consacrée à la disparition du petit Antoine à Issoire (Puy-de-Dôme) en septembre 2008.

Ces affaires non résolues jalonnent l’histoire judiciaire. La France est pourtant l’un des rares pays à ne jamais renoncer à trouver l’auteur d’un crime lorsque la procédure le permet. Il y a vingt ans, le dossier des « disparues de l’Yonne » dormait au tribunal d’Auxerre.

C’est grâce au PV oublié de l’opiniâtre adjudant-chef Christian Jambert que l’enquête a fini par mener à l’arrestation du tueur en série Emile Louis en décembre 2000, plus de vingt ans après les premiers enlèvements.

« Un dossier non élucidé le reste surtout par le renoncement progressif des acteurs judiciaires. Et le dossier prend la poussière, commentent Mes Didier Seban et Corinne Herrmann, deux avocats pionniers, qui sont les conseils d’une quarantaine de familles de victimes. Les dernières techniques scientifiques de recherche d’ADN donnent de nouveaux espoirs avec l’exploitation d’anciens scellés. Autant de chances d’y découvrir de nouvelles pistes ».

« Attention cependant à ne pas faire naître de faux espoirs, note un ancien procureur qui a pourtant accepté de rouvrir deux dossiers dont un prescrit. Il faut admettre que la justice peut aussi échouer. Mais c’est une vérité impossible à entendre pour les proches des victimes. »


LE MOT : «Cold case»

Le terme est devenu familier depuis la diffusion de la série américaine incarnée par Lilly Rush, inspectrice de la police criminelle de Philadelphie qui exhume des dossiers criminels classés et non résolus. Mais il n’existe à ce jour aucune définition juridique claire de ces affaires restées sans réponse judiciaire.

« On peut les résumer à des dossiers criminels non prescrits sur lesquels les investigations n’ont pu aboutir immédiatement faute d’avoir pu mettre en cause formellement un auteur présumé », résume le lieutenant-colonel de gendarmerie André Brothier.

Reste à définir au bout de combien de temps une affaire criminelle rejoint les rangs des cold cases. Là non plus pas de définition claire. Mais policiers et gendarmes s’accordent à dire que si, au bout de quatre ans d’investigations, rien n’a pu être obtenu dans un dossier, il porte alors le sceau « non résolu ». Pour certains magistrats, le cold case n’existe que lorsque l’affaire est classée en attente d’un élément nouveau.


« C’est un travail de titan »

Philippe Guichard, le directeur de l’Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP), explique la manière dont son équipe travaille en lien avec les services d’enquête de police et de gendarmerie.

Comment avez-vous sélectionné ces 97 dossiers ?

PHILIPPE GUICHARD. Il y a un an, à l’initiative de l’OCVRP, nous avons demandé à tous les services territoriaux de police judiciaire en France de nous faire remonter leurs dossiers criminels non résolus. Nous avons fait le choix de retenir des affaires anciennes d’au moins quatre ans, non prescrites, et dont le crime est surtout sans mobile apparent.

Ces trois conditions étant réunies, sur les 200 dossiers étudiés, on en a retenu 97. Nous allons appréhender d’un œil neuf ces dossiers pour alimenter notre base informatique du logiciel Salvac (NDLR : lire ci-dessus) afin d’effectuer tous les recoupements d’informations utiles pour débloquer ces affaires.

Combien d’affaires ont déjà été traitées ?

En un an, nous en avons déjà traité un quart. La relecture d’un dossier, sa mise à plat par les enquêteurs de l’OCRVP est un travail de titan pour nourrir les critères demandés par le logiciel. Cela demande des semaines de travail à une équipe dédiée à cette mission, mais qui ne fait pas que cela.

C’est une tâche rigoureuse pour donner à cet outil informatique de quoi travailler et nous guider.
A l’avenir, nous traiterons aussi les affaires non résolues de la gendarmerie, car Salvac travaille pour tout le monde !

Quel est votre objectif ?

Souvent, dans un service de police, lorsque l’affaire n’est pas résolue les premiers mois, le dossier s’enlise peu à peu. Une affaire chassant l’autre. Les enquêteurs ont moins de temps pour y consacrer leurs efforts. Ici, à l’OCRVP, nous sommes une force de soutien et d’expertise pour les enquêteurs.

Quand un service est dans l’impasse, nous pouvons leur proposer une relecture du dossier afin de déterminer de nouveaux axes d’enquête qui auraient pu être négligés ou occultés et ainsi ouvrir de nouvelles pistes, qui avaient pu apparaître comme secondaires au départ. Notre objectif est aussi d’apporter des idées complémentaires à nos collègues policiers ou gendarmes.

On évoque souvent des pièces oubliées dans certains des dossiers…

L’autre bénéfice de cette exploitation des dossiers, qui reste un recensement des affaires, est de s’assurer que toutes les pièces à conviction d’une affaire ont bien été exploitées scientifiquement. La science a fait de nombreuses avancées et le scellé oublié ou négligé peut révéler un indice utile. C’est la solution pour relancer des demandes d’expertises auprès des magistrats qui supervisent les enquêtes. Il s’agit d’obtenir une plus-value conséquente pour, un jour, mettre en cause un suspect présumé.

Source: http://www.leparisien.fr/

 

 

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