Cotentin | Cour d’Assises pour le beau-père accusé de violences et viols incestueux

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Reconnu coupable de violences et d’atteintes sexuelles, mais pas de viols !
Jugé aux assises de la Manche ce 8 décembre 2023, un homme a écopé de trois ans de prison ferme, reconnu coupable de violences et d’atteintes sexuelles, mais pas de viols.

Depuis six ans, et tout au long de son procès, l’ancien marin-pêcheur n’a cessé de dire :

« Je n’ai rien fait. »

Y compris sur les violences dont s’est plainte son ex-épouse, étranglée, plaquée au sol, insultée, humiliée, devant les enfants, des violences qui ont poussé sa belle-fille, adolescente, à s’interposer, à défendre sa mère.

Ces violences, il a fini par les reconnaître le dernier jour du procès, c’est-à-dire ce vendredi 8 décembre 2023, alors qu’il les nie depuis le 1er janvier 2017.

Il n’a donc pas « rien fait ».

La difficulté de la preuve dans les affaires de viol

Mais pour les actes sexuels dont sa belle-fille s’est plainte, il est resté sur la même formule : « Je n’ai rien fait »

« Peur de la prison ? », lui a-t-on demandé

« Ah non », a-t-il répliqué avec assurance.

« Peur d’avoir dans le milieu de pêcheurs la réputation de pédophile, de beau-père incestueux ? »

« Je ne vais pas reconnaître ce que je n’ai pas fait. »

« Les cas de viols et d’attouchements sexuels sont les plus difficiles à constituer, a averti l’avocate générale dans son réquisitoire. Ce qui les caractérise, c’est l’absence de témoins, et l’absence de traces lorsqu’ils sont dénoncés des années après. »

Conséquence : s’il n’y a pas de preuves, si la dénonciation ne suffit pas pour établir la matérialité du crime, alors que l’accusé ne cesse de nier, on va vers un acquittement, le doute devant profiter à ce dernier.

Reste que dans ses réquisitions, l’avocate générale a évité de citer les conclusions des psychologues qui ont reçu les confidences de la jeune fille : une mineure bouleversée, aux prises à un sentiment de culpabilité très violent, un récit cohérent, « conforme à une situation d’abus sexuel, voire de viol », étayé par de nombreux éléments : sa difficulté à raconter les faits, « son sentiment de honte et la dégradation de son image de soi, ses difficultés de comportement alimentaire, son envie de vomir par crainte de se retrouver face à son agresseur », une apparition de boutons comme réaction physique, des cauchemars…

L’expert préconisait que la jeune fille soit accompagnée par une association spécialisée dans l’accueil de femmes victimes de violences sexuelles, parce qu’un véritable travail thérapeutique était nécessaire pour qu’elle se reconstruise.

Pas plus, la magistrate n’a évoqué les deux feuilles cachées sous le matelas de la jeune fille qui avait écrit le récit de ce qu’elle allait dénoncer sous le titre d’« humiliation ».

Les violences sur la mère

« Moi, je ne doute pas », a dit l’avocate de la jeune fille en s’adressant aux jurés.

« Et je vais vous prouver qu’il ne faut pas douter : son témoignage est authentique, elle a été spontanée, il n’y a pas d’incohérences. Elle donne des détails précis, elle décrit ses sensations. Les psychologues ont souligné que les traumatismes qu’elle présente sont les séquelles de victimes d’abus sexuels. Il est important pour elle que vous la croyez. »

L’avocate générale a au contraire reconnu la culpabilité de l’accusé en ce qui concerne ses violences sur la mère de la jeune fille, et requérait deux ans de prison pour ces faits, parce qu’aucune ITT n’a été reconnue qui aggrave ces faits.

Mais le constat était-il possible auprès d’une femme qui a caché les sévices et les souffrances qu’elle a subies ?

Comme l’a rappelé Me Clerfond qui l’accompagnait :

« il n’y a pas d’ITT parce qu’elle n’a pas voulu en parler, parce qu’elle n’a pas pris de photo, parce qu’elle n’a pas consulté de médecin. Elle empile les traumatismes et elle se tait. Parce que la peur et la honte rendent muet. Le silence dans ce dossier est assourdissant. »

Près de trois heures de délibération

Elle est entre les mains d’un homme qui, impunément, la maltraite, qui lui impose une situation injuste dans laquelle il l’enferme.

Au bout de près de trois heures de délibération, la cour a jugé l’ex-marin pêcheur coupable de violences sur son ex-épouse et d’attouchements sexuels sur sa belle-fille qui sont des délits, mais ne l’a pas reconnu coupable de viols sur la jeune femme, mineure à l’époque des faits dénoncés.

L’homme a été condamné à une peine de 5 années d’emprisonnement dont 2 années avec un sursis probatoire, l’obligeant à se soigner pour son alcoolisme, à dédommager ses victimes, à s’abstenir de tout contact avec son ex-belle-fille ainsi que d’approcher du domicile de son ex-épouse.

La cour n’a pas pensé qu’il était opportun de lui retirer son autorité parentale sur les deux enfants nés de son couple avec la victime de ses violences.

Condamné pour attouchements, son nom est désormais inscrit au fichier des délinquants sexuels.

La cour ayant décerné un mandat de dépôt à son encontre, le condamné a quitté le tribunal vendredi soir pour sa première nuit en prison.

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