Combs-la-Ville | Andréa Bescond sur les planches avec son spectacle “Les chatouilles ou la danse de la colère”, l’histoire d’un lourd secret familial

Son spectacle « les chatouilles », a reçu le Molière du meilleur seul(e) en scène, en 2016. Andréa Bescond y raconte son histoire, celle d’un lourd secret familial, les viols par un ami de la famille. La comédienne sera sur les planches de la Coupole à Combs.

Votre spectacle traite du sujet des abus sexuels sur mineurs, une œuvre autobiographique. À partir de quand avez-vous ressenti le besoin d’en parler ?

J’ai écrit cette pièce alors que j’attendais mon deuxième enfant.

Il fallait que ça sorte et puis, j’avais envie de jouer un spectacle seule, de me prêter à cet exercice de changement de personnages aussi pour l’aspect artistique.

Pas seulement pour le sujet.

Pourquoi n’avez-vous pas ressenti le besoin de vous exprimer sur ce sujet avant ?

J’ai communiqué par la danse très tôt.

Mais j’ai commencé à verbaliser mes émotions quand j’ai rencontré Eric Meteyer en 2008.

C’est rare que des victimes puissent sortir des souvenirs concrets.

L’amnésie traumatique est fréquente.

Personnellement, j’ai un peu occulté sans avoir jamais vraiment oublié et puis ça m’est revenu à l’âge de 17 ans, quand je commençais à avoir des relations sexuelles.

Êtes-vous totalement débarrassée de votre colère aujourd’hui ?

Ma colère ne se situe plus sur mon problème personnel mais sur le problème sociétal.

Le fait de me plonger dans le combat pour essayer, à ma petite échelle, de faire bouger les lignes, comble une solitude.

Mais je suis vraiment en colère lorsque je lis le déni général des violences sexuelles sur mineurs.

En effet, au Sénat, au moment de se confronter au dossier des violences sexuelles sur mineurs, 30 sénateurs sur 348 étaient présents seulement. Selon vous, pourquoi cette question de la pédophilie n’intéresse pas le gouvernement ?

Je crois qu’il y a, dans les très hautes sphères, des gens que ça concerne.

On vit dans un pays où persiste cette notion de consommation du mineur.

En 1982, Daniel Cohn-Bendit, chez Bernard Pivot, disait ne pas être indifférent face à une petite fille de 5 ans en train de se déshabiller.

Et personne n’a relevé.

Frédéric Mitterrand pratique ouvertement le tourisme sexuel.

En politique, l’enfant ne représente pas un électorat.

Un enfant sur 5 est confronté à des violences sexuelles, selon les chiffres du Conseil de l’Europe.

Mais pour les politiques, il y a d’autres sujets à traiter qui sont plus porteurs.

On est dans une société qui dénigre l’enfant, cette dernière roue du carrosse.

Les chiffres ont de quoi donner le tournis.

Une femme sur 4 et un homme sur 6 déclarent avoir été violés.

Et encore, je suis persuadée qu’on reste en deçà des chiffres réels car il y a ceux qui ne parlent pas.

Après chaque représentation, je suis hallucinée du nombre de personnes qui viennent me voir ou qui m’écrivent sur les réseaux sociaux.

C’est sys-té-ma-ti-que !

Pourtant vous avez choisi de faire rire le spectateur avec un thème grave. Pourquoi ce choix de l’humour ?

Parce qu’on ne peut pas survivre sans rire.

La vie peut être violente mais elle est belle.

Ce n’est pas parce qu’on a vécu l’horreur qu’on ne peut pas rire, être joyeux.

Dans « Les chatouilles », on rit beaucoup de la violence humaine, il y a beaucoup de sarcasme et de second degré.

Le prénom du rôle principal, Odette, rend-il hommage à la danse classique ?

En effet, j’ai choisi Odette, comme le cygne blanc du lac des cygnes, celui qui meurt d’amour.

Ce qui me plaît dans ce prénom d’Odette, c’est ce rapport à la danse mais aussi qu’elle représente le cygne noir et le cygne blanc.

Odette est aussi lumineuse qu’elle est sombre.

Aussi triste qu’elle est drôle.

Ces opposés qui constituent généralement les victimes de viols.

Elles peuvent être souvent extrêmement vivantes, altruistes et joyeuses, et en même temps, avec une tristesse infinie.

C’est pour cela qu’on parle d’une petite mort.

Quelque chose est éteint, déshumanisé à partir du moment où on a été violé, enfant.

Selon vous, quel serait le délai idéal de prescription ?

On devrait pouvoir porter plainte toute sa vie !

Aujourd’hui, on chipote.

On augmente de 5 ans tous les 15 ans.

Cette année, on va peut-être passer à 30 ans après la majorité en ce qui concerne les crimes.

Mais, en 2017, la France a clairement envoyé un message d’impunité aux agresseurs avec la question du consentement.

À partir du moment où la victime est en état de sidération, elle ne va pas manifester de refus face à un adulte qui demande de baisser la culotte.

L’enfant ne peut pas crier, ni dire non.

Aujourd’hui, on se bat sur la notion de consentement qui est totalement hallucinante.

Vous allez bientôt porter votre message sur grand écran avec adaptation cinématographique de votre pièce.

En effet, le spectre s’élargit.

Nous avons fini le montage.

Le film, qui rassemble notamment Karin Viard et Clovis Cornillac, sortira le 26 septembre.

Avec le cinéma on va toucher un plus large public.

Certains croient que ça n’arrive qu’aux autres mais ça arrive à tout le monde.

Propos recueillis par Vanessa RELOUZAT

« Les chatouilles ou la danse de la colère », vendredi 12 janvier, à 20h30, à la Coupole, à Combs-la-Ville

Source : Actu

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