Châteauroux | Quatre adolescents placés en famille d’accueil agressés par leur tuteur

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« Parfois, j’ai outrepassé, peut-être, mon devoir de famille d’accueil »
Vendredi, un homme de 64 ans a été condamné pour des faits d’agression sexuelle commis entre 2014 et 2020 sur des mineurs placés chez lui par les services sociaux.

Il est difficile, au premier abord, d’imaginer que le sexagénaire costaud qui se tient à la barre du tribunal a un jour été un petit garçon malmené par un père alcoolique.

Cet homme a un parcours de vie intriguant.

Il a vécu au sein d’une communauté de gitans, qu’il a quittée pour s’établir avec son épouse et travailler comme boulanger, avant de choisir, la cinquantaine passée, de devenir « famille d’accueil » pour des mineurs placés.

Il répondait, vendredi 8 avril, de faits d’agression sexuelle dénoncés par quatre mineurs ayant séjourné chez lui, à Châteauroux, en 2014, 2016, 2019 et 2020.

Des jeunes hommes fragiles, qui ont tous relaté des attouchements sur leurs parties intimes ainsi que, pour l’un, des « visites » pendant qu’il prenait sa douche et, pour un autre, un réveil sans son caleçon alors qu’il avait dormi avec son « tonton » dans une caravane, au fond du jardin.

« Déviance » au sein de la famille d’accueil

Le prévenu formule, suscitant des murmures réprobateurs de la part des parties civiles:

« Parfois, j’ai outrepassé, peut-être, mon devoir de famille d’accueil »

Ce « dépassement » des limites de ses fonctions serait intervenu, selon lui, auprès de deux préadolescents seulement et de manière « involontaire ».

Le ministère public interroge le sexagénaire à plusieurs reprises :

« Comment, alors qu’elle passe de la crème sur le coccyx endolori d’un enfant après une chute, une main peut-elle « glisser » jusqu’à l’anus de ce jeune ? »

Sur le banc des parties civiles, Me Odetti, Me Carré et Me Bayard évoquent tour à tour les traumatismes subis par les mineurs qu’ils représentent.

L’un d’eux a, dans son enfance, notamment été violé par son père et séparé de sa mère, dépressive.

« En dépit de leurs fêlures respectives », note Me Bayard, ses deux clients ont été en mesure de reconnaître le caractère anormal de la relation qu’avait instaurée avec eux leur « tonton ».

Et l’avocate de manifester son inquiétude à la vue du regard perdu, presque « amoureux » du prévenu, à l’évocation d’un petit garçon qu’il a accueilli par le passé.

Le représentant du parquet rappelle que l’État vient parfois se substituer à un cadre familial (lorsque celui-ci ne permet pas à un enfant de s’épanouir normalement), mais regrette que cette « deuxième chance » n’en soit pas toujours une.

Il souligne:

« Il existe des déviances  au sein de certaines familles d’accueil »

Le ministère public ne perçoit pas chez le sexagénaire de manifestation d’une réelle perversion.

Il évoque cependant des « conduites opportunistes » et des « violences sexuelles invisibles », corroborées par un « faisceau d’indices important ».

Le prévenu n’aurait pas la capacité de s’avouer la portée de ses gestes et le fait de purger une peine de prison pourrait présenter, pour lui, des « vertus » en termes de prise de conscience.

Sont requis quatre ans d’emprisonnement, dont deux assortis d’un sursis probatoire.

« Panser les plaies de son enfance »

Aux yeux de Me Gomot-Pinard, en défense, les actes auxquels s’est livré son client ne relèvent pas du registre de la pulsion sexuelle, mais de « dérapages » commis alors que cet homme cherchait à « panser les plaies de son enfance ».

L’avocate plaide une relaxe concernant les faits les plus anciens – notamment ceux concernant le jeune homme qui a perdu la vie en 2018 et qui n’a donc jamais pu être entendu dans le cadre de la procédure – et assure que le retraité « n’a pas besoin de passer par la case prison ».

Le tribunal relaxe, finalement, le prévenu pour les faits de 2014, et le condamne, pour les autres, à trois ans de prison, dont deux assortis d’un sursis probatoire de deux ans.

Il prononce en outre à son encontre une interdiction d’exercer une activité en contact avec des mineurs pendant cinq ans.

L’audience sur intérêts civils se tiendra le 30 septembre prochain.

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