Carrières-sous-Poissy| Prison ferme pour deux proxénètes. Leur victime n’avait que 14 ans
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
oui
Pédocriminel En liberté
- 06/05/2023
- 04:27
La prostitution forcée d’une mineure à Carrières-sous-Poissy, jugé par le tribunal de Versailles le 21 avril, ouvre la voie à une prise de conscience judiciaire de ce « fléau ».
C’est une affaire qui pourrait marquer un tournant judiciaire…
Le 21 avril 2023, deux individus ont été condamnés par la cour d’assises des Yvelines, à Versailles, à des peines de 5 et 10 ans de prison pour proxénétisme sur une mineure de 14 ans à Carrières-sous-Poissy (Yvelines). Des peines plutôt rares au regard de précédentes affaires jugées.
Ici, les faits remontent au 18 mai 2019. Deux hommes de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) abordent une jeune fille à La Défense (Hauts-de-Seine) et lui proposent un toit, à manger et de quoi consommer du cannabis. Elle vient de fuguer d’un foyer d’accueil. Elle accepte et les suit dans un appartement de Carrières-sous-Poissy.
Très vite, le piège se referme et elle se retrouve séquestrée. Tout aussi rapidement, les deux individus déposent une annonce sur des sites en ligne comme Sexemodel et Wannonce.
Durant 4 jours, l’adolescente va réaliser une dizaine de passes avant d’être libérée. Quelques mois plus tard, elle dépose plainte accompagnée par ses éducateurs.
« Cette affaire est symptomatique », juge maître Pierre-Philippe Boutron-Marmion, avocat pour l’association Agir contre la prostitution des enfants (ACPE) qui s’est constituée partie civile lors du procès.
L’avocat dénonce aussi la contribution indirecte de certains sites d’annonces que l’on retrouve dans de nombreuses affaires similaires.
On pense souvent que le proxénétisme sur mineurs est une affaire de grands réseaux. En réalité, ce sont beaucoup de petits réseaux à la sauvette, du proxénétisme d’opportunité.
Pour tenter d’endiguer le problème, le gouvernement a lancé fin 2021 un plan intergouvernemental contre la prostitution des mineurs, dénoncée par de nombreuses associations comme l’ACPE ou encore le mouvement Le Nid.
Doté de 14 millions d’euros, ce plan fait émerger plusieurs outils censés aider la lutte. Financement de courts-métrages lycéens, ouverture d’une plateforme téléphonique d’écoute, création d’un réseau d’acteurs sur le terrain piloté par la fondation Droits d’enfance…
Est-ce pour autant suffisant face à l’ampleur du phénomène ?
Selon les services du ministère de la Santé, entre 7 000 et 10 000 jeunes de moins de 18 ans seraient concernés par la prostitution en France.
Un bilan nettement sous-évalué selon la présidente de l’ACPE.
“Ce chiffre est très, très, très en dessous de la réalité. Je pense que l’on est plutôt autour des 30 000 mineurs victimes de la prostitution en France. On a fait réaliser une étude partielle par un chercheur spécifiquement sur le proxénétisme de mineurs pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). En extrapolant ces résultats en dehors de la région parisienne, on arrivait à 30 000.” Armelle Le Bigot-Macaux, présidente de l’ACPE.
Les délinquants à l’initiative de ces micro réseaux de prostitution, profitent du terreau de vulnérabilité énorme dans lequel se trouvent les adolescentes placées dans des foyers. De simples photos publiées sur Instagram ou Snapchat suffisent parfois aux proxénètes pour repérer leur proie. Les centres d’accueil pour mineurs tenus par l’ASE font d’ailleurs figure de cible prioritaire.
L’ACPE, qui ouvre des permanences informatives à destination des éducateurs, des parents mais aussi de la police, tente néanmoins de battre en brèche l’idée selon laquelle la prostitution des mineurs a surtout lieu dans les quartiers défavorisés.
Le terme de « proxénétisme de cité » parfois utilisé pour apporter une grille de lecture simpliste à des faits de proxénétisme sur mineurs fait bondir Armelle Le Bigot-Macaux.
“Ça m’énerve car le phénomène touche l’ensemble du territoire national. Effectivement, des jeunes gamins ayant commencé par le trafic de drogue se rendent compte que la prostitution est beaucoup moins coûteuse et plus facile à mettre en place. Mais les filles qu’ils recrutent viennent de tous les milieux sociaux ! En tant que parents, il ne faut pas se rassurer en se disant qu’en n’habitant pas en Ile-de-France, ça ne nous touchera pas.” Armelle Le Bigot-Macaux, présidente de l’ACPE.
Bien que l’appareil d’État semble dépassé, le jugement rendu par la cour d’assises de Versailles à propos de l’affaire de Carrières-sous-Poissy représente une véritable victoire pour les acteurs de la lutte contre le proxénétisme sur mineurs.
« C’est un message envoyé par la justice, estime maître Boutron-Marmion. Ce n’est pas parce que vous n’organisez que trois jours de prostitution que vous aurez une petite peine. »
Le terme de « fléau », utilisé par le président de la cour d’assises dans la motivation de sa décision, traduit une prise de conscience au niveau judiciaire. « C’est bien la preuve que ça bouge. »
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