Cahors | Six mois ferme pour agressions sexuelles sur sa nièce âgée de 15 ans

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« C’est compliqué à dire… car c’est le petit frère de maman »
Un homme d’une quarantaine d’années a comparu devant le tribunal correctionnel de Cahors, pour agressions sexuelles sur sa nièce, âgée de 15 ans au moment des faits…

Jeudi 24 février 2022, le président Olivier Bataillé rappelle au prévenu (P) les poursuites dont il fait l’objet ; des agressions sexuelles, se traduisant par des attouchements sur les seins et les fesses, commises à deux reprises, en janvier et juillet 2020.

(P) se retrouve en état de récidive légale, pour avoir été condamné en 2012 à 10 mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve, dans le cadre d’une affaire, sans lien avec la famille.

Selon (P), il s’agissait d’un trouble du comportement lié à une trop forte alcoolémie ; il s’était rapproché d’une femme qui marchait sur le trottoir, pour lui mettre la main aux fesses et il avait été interpellé sur-le-champ par une patrouille de police qui passait par là…

Son addiction à l’alcool daterait de 2008.

Dans l’attente de sa comparution devant le tribunal, (P) a été placé sous contrôle judiciaire en octobre 2021, avec obligation d’un suivi médical et interdiction d’entrer en contact avec la victime.

Aujourd’hui (P) vit seul. Il est le père de deux enfants âgés de 7 et 11 ans, qu’il retrouve dans le cadre d’une garde alternée, un week-end sur deux et la moitié du temps de vacances.

(P) exerce un emploi dans une grande entreprise du nord du Lot.

Par ailleurs, il est entraîneur dans le milieu sportif de haut niveau.

Il est l’oncle et le parrain de la victime

(P) est l’oncle et le parrain de L. qu’il connaît bien et fréquente régulièrement depuis sa naissance.

Or, depuis les faits incriminés, un froid s’est emparé de la famille, plus rien n’est comme avant… (P) a tout de même revu sa sœur plusieurs fois avec qui il entretient des liens par SMS et par téléphone.

Le prevenu indique en se raclant la gorge :

« Ma sœur est triste, mais je reste son frère et je suis de la famille, j‘ai revu mon beau-frère (le père de L.) aussi… »

L. s’est confiée dans un premier temps à une copine du lycée, c’était en septembre, puis ensemble elles sont allées voir l’infirmière de l’établissement et un signalement a été fait au Procureur de la République…

La procédure était enclenchée !

C’était un repas de famille…

Les premiers faits remontent au mois de janvier 2020, à l’occasion d’un repas de famille, chez la grand-mère de L.

Une deuxième série de faits, a eu lieu au domicile de (P).

Pendant ce fameux repas de famille, L. se plaint d’avoir mal au dos et aux genoux.

Et il se trouve que P. avait massé sa sœur (la mère de L.) une heure auparavant, pour un mal au dos également.

Deux variantes :

– selon (P) c’est L. qui aurait demandé à son parrain, s’il voulait bien lui faire un massage

– selon L., c’est (P) qui lui aurait proposé de lui faire un massage.

Qui que ce soit à l’initiative, l’oncle et la nièce se sont isolés dans une chambre.

L. s’est allongée sur le lit, d’abord sur le ventre.

(P) lui dégrafe le soutien-gorge lui affirmant :

« C’était pour mieux passer au niveau de la colonne vertébrale… »

Puis il lui masse les jambes et elle se retourne…

« Et c’est là qu’il y a eu dérapage au niveau des gestes, en passant d’une jambe à l’autre…

Je présente mes excuses à L. et à la famille.

Mais quand L. a changé de position, manifestant sa gêne, j’ai tout de suite arrêté et elle est partie en me disant merci » précise (P).

Mais le président revient à la charge et demande des précisions.

Il explique :

« J’ai remonté mes mains, au niveau de sa culotte et j’ai mis un doigt sous l’élastique, puis j’ai arrêté. Je n’étais plus du tout moi-même, j’étais perdu ! »

(P) affirme qu’il a effectué un travail sur lui-même pour essayer de comprendre.

Le président s’étonne de tout ce qu’il entend, rappelant à (P) qu’il a déjà essuyé une condamnation sur ce registre :

« Et vous récidivez lors d’un repas de famille ! On ne peut que s’inquiéter ! ».

L’homme s’explique :

« Il n‘y avait plus rien dans ma tête, j‘étais malade, je n‘avais plus conscience de mes faits et gestes ; j‘étais devenu comme un robot, avec une charge excessive de travail qui m‘a rendu malade, j‘ai fait un burn-out et je consommais beaucoup d‘alcool, du matin au soir…

Il m‘arrivait même de prendre le petit-déjeuner avec un verre de vin… J‘ai été placé sous antidépresseur à forte dose… »

« Sous l‘effet de l‘alcool j‘avais perdu toute notion de réalité »

Le président ne désarme pas, il s’indigne :

« Tous les alcooliques dépressifs ne vont pas toucher leur nièce ! »

(P) insiste sur le fait que quand le cerveau ne fonctionne plus, c’est la descente aux enfers.

« on perd tous ses repères ».

(P) tient à rassurer le tribunal après les phases de soins qu’il suit :

« Aujourd’hui, je suis guéri de ma détresse alcoolique et de ma dépression. Je suis choqué de ce que j’ai fait et le fait d’avoir travaillé avec un psychiatre et un psychologue m’a permis d’avancer dans la vie et sortir de ce marasme judiciaire ! »

Puis, Olivier Bataillé s’attarde sur les SMS que (P) a envoyés à L. lui écrivant qu’il « avait adoré ce massage, que la prochaine fois ce serait à son tour de faire le massage, qu’il espère la revoir bientôt pour qu’ils puissent se masser… et que cela puisse lui procurer le plaisir de l’orgasme du bien ! »

Le prévenu déclare:

« Sous l’effet de l’alcool j’avais perdu toute notion de réalité »

À l’issue de la période de confinement, (P) a besoin de faire garder ses deux enfants.

L. se propose alors de venir chez eux, comme elle avait l’habitude de le faire, revoir ses cousins lui faisait plaisir.

Or, c’est à ce moment-là que se produit la deuxième scène. C’est dans la cuisine, à un moment où (P) se retrouve tout seul avec L., qu’il vient se coller contre ses fesses.

Elle déclare :

« J’ai senti son sexe et je suis vite partie ! »

(P) nie avoir eu une intention déplacée. Il soutient qu’il était venu faire une embrassade affective à sa nièce. Il précise :

« je l’avais prise dans mes bras, ce n’était qu’une accolade affective ! »

(P) revient sur ses déclarations faites aux enquêteurs, précisant qu’à ce moment-là, il était en sevrage d’alcool et avait du mal à se souvenir précisément de ce qui s’était passé.

En résumé (P) admet avoir dérapé la première fois, mais concernant le 2e épisode il soutient qu’il n’y avait aucune intention malveillante !

Selon le rapport d’expertise psychiatrique, (P) ne présente pas de pathologie particulière, mais présente des troubles récurrents de l’humeur et un fond dépressif.

S’agissant de L., le rapport psychiatrique ne mentionne ni pathologie mentale, ni névrose, ni signe de mythomanie, ni affabulation…

Dernier élément versé au dossier, il a été retrouvé par les enquêteurs sur l’ordinateur familial de (P), des traces d’images prohibées, sauf qu’il n’a pas pu être établi avec certitude que le téléchargement informatique ait été opéré de manière volontaire.

Ces images auraient pu se retrouver insérées dans une série de photographies pornographiques, sans véritable intention de (P)…

Des réquisitions sévères

(P) n’est pas encore sorti de l’auberge ; il doit entendre les réquisitions de Mme le Procureur.

D’emblée, elle rappelle au prévenu qu’il est à la barre, pour répondre de faits d’agression sexuelle sur mineur de plus de 15 ans ; des faits insiste-t-elle, qui auraient dû être qualifiés d’incestueux, selon la loi de 2016.

« Il a fait passer son envie du moment avant sa relation avec sa nièce ! »

La magistrate, d’une voix presqu’enjôleuse, ne laisse rien passer ; elle pointe tous les actes déviants et en développe les répercussions chez la victime.

En même temps, elle renvoie le prévenu devant ses propres responsabilités.

Elle déclare :

« Comme c’est toujours le cas dans ce type de dossier, cet homme a fait passer son envie du moment avant sa relation avec sa nièce ! »

L. faisait confiance à son oncle et elle ne doutait pas de lui. (P) avait sans doute à l’égard de sa nièce une affection particulière qui s’est modifiée au fil du temps, jusqu’à cette scène de massage dans la chambre :

« C’est du grand n’importe quoi ! »

s’exclame-t-elle, ajoutant :

« Cela n’aurait jamais dû se passer ! »

Elle martèle le fait que cette agression sexuelle est « réelle », elle revient aussi sur ces fichiers retrouvés sur l’ordinateur, qui colorent un peu plus le dossier…

Elle estime que (P) est quelqu’un de possiblement dangereux pour les mineurs, s’il ne change pas. Elle réclame condamnation de (P) sur la base d’une peine mixte : 30 mois de prison, dont 10 mois fermes, assortis d’un sursis probatoire, pendant une période de deux ans.

Elle requiert une continuité des soins, l’interdiction d’entrer en contact avec la victime pendant une durée de 5 ans avec inscription au Fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais).

Une peine inadaptée aux faits ?

Me Aurélie Broussaud, du barreau de Brive, se dit abasourdie par la sévérité des réquisitions du Parquet.

L’avocate de (P) assure que son client n’a jamais eu d’intention délictuelle et qu’il s’est immédiatement arrêté lorsqu’il a compris que sa nièce était mal à l’aise.

Selon elle, la peine requise n’est pas adaptée aux faits reprochés à son client.

Elle explique que (P) a vécu dans le brouillard, avec un burn-out et des prises massives d’alcool, du matin au soir, pendant plus de deux ans…

Elle soutient que (P) était perdu, sans avoir une conscience claire de ses faits et gestes.

Aujourd’hui, (P) est un autre homme, qui a été puni par la vie ; il s’est détruit par sa faute, a perdu sa compagne, sa famille…

Elle déclare :

« La punition, il a déjà eue ! »

Il a également assuré sa réinsertion et il travaille dans une grande entreprise, en même temps qu’il est suivi par un psychiatre et un psychologue.

Elle renchérit :

« Il n’est pas l’homme qui a commis les faits reprochés ! »

Me Broussaud demande au tribunal de réduire les peines requises et d’exclure la peine de prison ferme. Selon elle, l’électrochoc nécessaire a eu lieu et son client évolue positivement ; elle rappelle qu’il compte bien reprendre ses activités d’entraîneur sportif de haut niveau, de même que ses interventions de réserviste dans l’armée.

Me Broussaud sollicite à cet égard une dispense d’inscription de la condamnation au casier judiciaire B2, à défaut de quoi il serait privé de ses postes d’entraîneur et de réserviste.

Lourde condamnation

Après en avoir délibéré, le tribunal a requalifié les faits en agression sexuelle, sans récidive.

Il a condamné (P) à 24 mois de prison, dont 18 avec sursis probatoire pendant 3 ans, avec obligation de soins, de travail, interdiction d’entrer en contact avec la victime, interdiction d’exercer une activité pouvant le mettre en contact avec des mineurs, obligation d’indemniser la victime si elle en fait la demande lors d’une audience sur intérêts civils fixée au 8 juin prochain, constate l’inscription au Fijais, automatique dans le cas de ce type de condamnations.

Le prévenu dispose d’un délai de 10 jours pour interjeter appel.

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