
Besançon | 10 ans ferme pour le n°2 de la FFT accusé de viol sur mineure
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 14/02/2025
- 21:30
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Ce 11 février 2025, le procès pour viols contre Jean-Pierre Dartevelle, ancien président de la Ligue de tennis de Franche-Comté et ex-numéro 2 de la FFT, s’est ouvert à la cour criminelle du Doubs, à Besançon.
C’est un procès qui promet de faire date, peut-être même de devenir emblématique sur le sujet des violences sexuelles dans le monde du sport de haut niveau.
D’un côté, Jean-Pierre Dartevelle, 74 ans, ex-chirurgien dentiste à Montbéliard ayant accumulé les responsabilités tout au long de sa vie, ancien numéro 2 de la Fédération française de tennis, ancien président de la Ligue de tennis de Franche-Comté, ancien joueur du club phare de la région, le FC Sochaux-Montbéliard et ancien élu Les Républicains au Conseil général du Doubs : un dirigeant chevronné et un praticien jusque-là respecté.
De l’autre, Amandine B, 25 ans aujourd’hui, ancienne espoir du tennis franc-comtois. Ce sport était toute sa vie : après avoir frappé ses premières balles à trois ans, elle était repérée par la Ligue de Franche-Comté dès ses 7 ans puis intégrait le pôle espoir de Besançon à 11 ans avant de rejoindre un centre du haut niveau à Montbéliard, cinq ans plus tard.
En juillet 2018, cette jeune athlète accusait Jean-Pierre Dartevelle, alors président de la Ligue à laquelle elle appartenait, de l’avoir contrainte à de nombreuses relations sexuelles “sous contrainte”, entre 2016 et 2018, de ses 17 à 19 ans. Des faits retenus sous le qualificatif de viol par la justice.
Ce 11 février 2025, c’est ce procès pour viol qui s’est ouvert devant la cour criminelle du Doubs, à Besançon. La justice va devoir statuer sur une relation présentée de façon totalement différente : “sous emprise” pour la plaignante et les parties civiles, “une magnifique histoire d’amour” pour Jean-Pierre Dartevelle.
Deux versions diamétralement opposées, mais aussi deux facettes de l’ancien dentiste, que le défilé de la quinzaine de témoins auditionnés ce 11 février, tous en liens avec l’écosystème du tennis local, a mis à jour.
Il y a ceux pour qui Jean-Pierre Dartevelle était “quelqu’un de précis, de droit et de très net, parfaitement fiable” comme le décrit un ancien collaborateur à la Fédération française de tennis, âgé de 85 ans.
Une autre ancienne collègue dira de lui “qu’il était adoré à la Ligue”.
Sous les questions des différents avocats, l’audition des témoins a aussi montré les liens qui rassemblaient M.Dartevelle et la famille de la victime, dont le père travaillait à la Ligue de tennis avec l’accusé.
Des liens proches, puisque, interrogée par Me Liautaud, avocat d’Amandine B et sa famille, une voisine et amie des Dartevelle a répété ce qu’elle avait déjà dit lors d’une audition passée : la famille de la victime voyait l’accusé “comme un Dieu, l’admiraient même”, faisant revenir l’idée d’emprise dans sa relation avec la plaignante.
“Malheureusement, elle a croisé un prédateur”
L’emprise, c’est aussi ce qui revient dans les paroles d’un témoin, un homme septuagénaire ayant des responsabilités dans le monde du tennis jurassien.
Devant la cour, il s’est estimé trahi par Jean-Pierre Dartevelle, qu’il a bien connu. “Avec le recul, Amandine n’avait aucune chance de lui échapper” assure-t-il. “Pour parvenir à faire carrière, un entraînement trop intense l’a fait basculer dans une période de blessures à répétition”.
Sa déception n’a pas été facile et Amandine est devenue une proie facile pour un prédateur qui assurait lui porter secours. Elle était au fond du trou. Malheureusement, elle a croisé un prédateur,
dira un témoin.
Ce témoin avait estimé lors d’une précédente audition que M.Dartevelle était :
“Un détraqué sexuel”. “Il avait également une emprise psychologique sur les adultes” a ajouté le septuagénaire. On l’écoutait comme des gamins et on savait qu’il ne supportait pas la contradiction”.
La notion d’emprise est au centre des témoignages, notion sur laquelle est également revenue une ancienne salariée de la ligue de tennis de Franche-Comté.
En larmes à la barre, cette femme d’une quarantaine d’années a estimé “avoir été manipulée par M.Dartevelle”, son supérieur à l’époque, qui s’est mis subitement à lui envoyer de nombreux messages à caractère sexuel.
“À cette période, il était comme obnubilé par le sexe” assure-t-elle. “C’est un chasseur, il était à l’affût de la proie. Même si je n’ai pas le même âge qu’Amandine, je me reconnais dans ce qu’elle a vécu. Personne ne disait non à Jean-Pierre Dartevelle, personne ne discutait ses ordres. Celle que j’admire le plus, c’est Amandine. Elle est courageuse. Elle, elle a osé parler”.
Sur le banc des parties civiles, Amandine B s’est alors effondrée en larmes, soutenue par ses parents, auprès d’elle tout au long de la journée.
Jean-Pierre Dartevelle s’est de son côté montré très expressif, voir trop pour la présidente de la cour criminelle.
À chaque témoignage à son encontre, il soufflait, se prenait la tête entre les mains, niait de la tête ou fronçait les sourcils.
18 mois de relations “contraintes” pour la victime, “amoureuses” selon l’accusé
Pour connaître la genèse de cette affaire, il faut revenir 9 ans en arrière.
Le 1er avril 2016. Amandine B fête ses 17 ans. Du côté sportif, sa carrière jusqu’ici brillante connaît un coup d’arrêt à la suite de plusieurs interventions chirurgicales, ce qui impacte son moral.
La jeune femme, dont le père travaille en tant que secrétaire de la ligue de tennis franc-comtoise, connaît bien Jean-Pierre Dartevelle, qu’elle considère comme un ami de ses parents.
Ce 1er avril, l’accusé lui envoie un message sur Facebook, lui souhaitant son anniversaire. Un échange épistolaire s’installe alors entre M.Dartevelle et Amandine B.
Celui-ci prend très vite un caractère sexuel avec échanges de photos et messages sans ambiguïté. Amandine dit ressentir du dégoût, mais qu’elle craignait particulièrement l’aura de M.Dartevelle.
En septembre 2016, l’accusé invite la plaignante à son cabinet où il “l’embrasse en maintenant la tête de la mineure avec sa main” selon la major Bouhelier, qui s’appuie sur les auditions de la victime présumée.
Un deuxième rendez-vous arrivera vite, toujours au cabinet, où Amandine décrira des pénétrations digitales et vaginales.
Suivront une trentaine de rapports sexuels selon Amandine B, mais une dizaine selon Jean-Pierre Dartevelle, en majorité au cabinet dentaire de l’accusé, mais également dans un hôtel ou sur plusieurs aires d’autoroutes de Franche-Comté.
Dans son témoignage, la gendarme décrit également des rapports violents “verbalement” et l’achat puis l’utilisation d’un fouet et de différents sextoys par Jean-Pierre Dartevelle, qui aurait également filmé certains de ses ébats avec la jeune femme.
Quand on lui demande pourquoi elle retourne voir Jean-Pierre Dartevelle, elle le décrira comme possessif lors de ses auditions, qui n’hésitait pas “à lui hurler dessus”. Elle a expliqué qu’elle avait “peur”, tout en sachant que c’était “l’ami de ses parents”.
Amandine B attendra selon elle mars 2018 pour mettre un terme à cette relation, et porter plainte.
Durant l’enquête, elle passera six expertises qui montreront un état psychologique s’étant dégradé au fur et à mesure de cette relation : perte de poids importante, automutilation au niveau des bras, troubles anorexiques et boulimiques et même trois tentatives de suicides entre 2016 et 2018.
Ce qu’a confirmé en partie une amie d’Amandine B, qui a témoigné ce 11 février :
“On s’est connu en 2017 et j’avais déjà remarqué qu’elle ne mangeait pas beaucoup, qu’elle se rendait aux toilettes après tous les repas” a-t-elle confié. “Sur son téléphone, j’étais tombée sur des photos d’elle avec des scarifications, je m’en étais inquiétée. En mai 2018, on est parti à Lyon et au retour, je n’avais pas trop de ses nouvelles. Quelques jours plus tard, elle m’a annoncé qu’elle s’était fait violer”.
“Je pensais qu’à une chose, que ça se termine”
Durant sa prise de parole, l’experte psychologique Frédérique Forestier, qui a étudié le profil d’Amandine B, a évoqué “une personne détruite”, comme elle l’a souligné dans son rapport.
Autre point abordé par l’experte : durant les 18 mois de relations entre Jean-Pierre Dartevelle et la victime présumée, la jeune femme suit aveuglément l’avis de son père, ancien secrétaire de la Ligue de tennis de Franche-Comté. “Elle a un rapport assez proche avec son père. Comme il lui a dit que Jean-Pierre Dartevelle était une “personne bien”, elle a fait confiance au jugement de ce dernier” rapporte Frédérique Forestier durant son intervention.
Pour rappel, le père de la victime a démissionné dès que sa fille lui a raconté sa version des faits et se tient désormais auprès d’elle sur le banc des parties civiles.
Comme le précise dans son rapport la psychologue, Amandine B “n’est pas non plus sujette à la mythomanie, la fabulation ou d’autres pathologies”.
Frédérique Forestier a également décelé du côté de la victime, “une forme de sidération”.
Pour la jeune femme, l’emprise est dite totale et l’experte appuie “qu’elle n’avait pas la maturité à consentir à ce genre de rapports sexuels à 17 ans. Elle était tombée dans un cercle vicieux, avec un homme de pouvoir qu’elle admirait”.
La victime effectuera selon l’experte plusieurs tentatives de suicide, après les relations sexuelles avec l’ancien président de la ligue de tennis de Franche-Comté.
“Il m’a toujours promis que les demandes sexuelles resteraient virtuelles, qu’il ne me toucherait pas”. Mais le jour du rendez-vous, Amandine B dit avoir “été embrassée de force. Je ne savais pas quoi faire, est-ce que je devais le dire à mes parents ? J’ai préféré rentrer chez moi et prendre des médicaments pour me supprimer”, détaille la jeune fille, la voix sanglotante, décrivant ainsi une première tentative de suicide.
Puis vient le jour du premier viol dans le cabinet médical de Jean-Pierre Dartevelle.
Pour elle, les choses dérapent rapidement,
“c’est lui qui me déshabille. Il prend mes mains et il les met dans son pantalon. Je les enlève deux fois, il les remet”. Tout cela avant un rapport sexuel non protégé. “Je ne pensais qu’à une chose : que ça se termine. J’éprouvais du dégoût envers lui. J’ai eu peur d’en parler, j’ai gardé ça pour moi, je ne savais pas comment faire”, affirme-t-elle.
Ont suivi les différentes étapes de l’affaire : d’autres messages, d’autres rapports sexuels de plus en plus violents.
“Les relations sexuelles deviennent de plus en plus violentes, avec les seuls cadeaux faits par l’accusé étant des objets à connotation sexuelle” rappelle l’avocat général. “Tout cela est imposé par Jean-Pierre Dartevelle. Les déclarations d’Amandine B sur l’absence de consentement sont convaincantes, crédibles et corroborées”.
Dans son réquisitoire, l’avocat général François Prelot a demandé à la cour de juger l’accusé coupable de viols sur Amandine B.
Il a requis une peine de 10 ans de prison envers M.Dartevelle, une interdiction de tout contact avec des mineurs pendant 10 ans, la privation des droits civiques, civils et de famille pendant la même durée, une peine d’inéligibilité de 10 ans et une inscription au fichier des délinquants sexuels (Fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, le Fijais).
Au terme du procès, la cour criminelle reconnaît M.Dartevelle coupable de viols sur Amandine B et le condamne à 10 ans de prison ferme.
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