Bayeux | Anna, violée à 14 ans et harcelée, brise le silence

Anna, 17 ans, habite à Bayeux (Calvados). Elle a été violée à 14 ans et harcelée. La jeune femme nous livre un témoignage poignant et courageux que nous avons tenu à laisser brut.

{“title”:”Anna”,”author_name”:”Soeurcières”,”author_url”:”https://www.youtube.com/channel/UCSn332mLhkTTE5kxk1HOKBg”,”type”:”video”,”height”:”675″,”width”:”1200″,”version”:”1.0″,”provider_name”:”YouTube”,”provider_url”:”https://www.youtube.com/”,”thumbnail_height”:”360″,”thumbnail_width”:”480″,”thumbnail_url”:”https://i.ytimg.com/vi/3yJ7dnvp1sA/hqdefault.jpg”,”html”:”<iframe width="1200" height="675" src="https://www.youtube.com/embed/3yJ7dnvp1sA?start=1&feature=oembed" frameborder="0" allow="accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture" allowfullscreen></iframe>”,”arve_cachetime”:”2021-03-16 02:56:50″,”arve_url”:”https://www.youtube.com/watch?v=3yJ7dnvp1sA&t=1s”,”arve_srcset”:”https://i.ytimg.com/vi/3yJ7dnvp1sA/mqdefault.jpg 320w, https://i.ytimg.com/vi/3yJ7dnvp1sA/hqdefault.jpg 480w, https://i.ytimg.com/vi/3yJ7dnvp1sA/sddefault.jpg 640w, https://i.ytimg.com/vi/3yJ7dnvp1sA/maxresdefault.jpg 1280w”}

Source : Actu

Je devais publier ce texte après le bac, pour me libérer de toutes ces choses négatives et oppressantes, et c’était prévu depuis un moment déjà.

Je l’ai écrit en septembre, après qu’une prof m’a fait un commentaire sur ma tenue au lycée.

Finalement, comme il n’y aura pas d’épreuves, je décide de le publier maintenant.

 « Mon histoire n’est pas unique »

J’étais en colère, alors c’est difficile à lire, mais c’est selon moi nécessaire pour que les choses changent.

N’hésitez pas à le partager pour que les gens sachent que mon histoire n’est pas unique, singulière, beaucoup de femmes s’y retrouveront.

Quand je parle pour moi, je parle pour elles.

Je tiens à faire une petite précision : quand je dis « on m’avait appris/dit… », je ne parle pas de mes parents et je ne leur jette absolument pas la pierre car ils m’ont sauvée et ont été très présents pour moi.

L’éducation ce n’est pas que les parents, c’est aussi la société, l’école, les amis, les réseaux sociaux…

J’avais peur que ça porte à confusion.

Aussi, peu importe qui est cité dans ce texte.

Chacune de ces actions, paroles est un grain de sel et ce qui compte c’est que chacun comprenne qu’un simple grain de sel, accumulé à d’autres, sur une plaie ouverte, ça fait mal et c’est beaucoup.

(Bon, on est d’accord : il y a des grains de sel plus gros que d’autres… Mais bon la question n’est pas d’établir une hiérarchie mais d’ouvrir les yeux).

 « Je n’ai que 17 ans et je suis déjà fatiguée »

Je n’ai que 17 ans, et je suis déjà fatiguée.

Chaque jour, je réalise un peu plus la responsabilité et le poids qui pèse sur les épaules de chaque être humain né avec les mauvais chromosomes.

Le deuxième sexe. Le sexe faible.

Il y a quelque chose de paradoxal dans cette expression d’ailleurs.

Toute ma vie on m’a appris à me taire, à justifier les actes et l’ambiance sexiste qui dominait dans cette société.

On m’a enseigné qu’il fallait faire attention à soi, en ne portant pas de tenues « subversives » et en ne sortant pas tard le soir toute seule.

J’ai été violée par la personne qui était censée m’aimer « plus que tout au monde » pendant 7 mois, toutes les semaines.

La plupart du temps sous mon toit.

Mes parents étaient là.

Et ça n’a rien changé, ils ne pouvaient pas l’imaginer une seconde.

On m’avait dit que c’était normal, que le viol conjugal n’existait pas car on devait se livrer à son conjoint.

Même à 14 ans. Céder à ses désirs, même si nous n’approuvions pas l’idée.

C’était comme ça. Je crois que c’est la phrase qu’on m’a le plus répétée depuis.

« C’est comme ça ». Les hommes sont comme ça.

La vie est comme ça. La société est comme ça. Tu devras vivre avec.

Oui. Mais je dois vivre avec parce qu’on me l’a imposé.

Parce que le viol conjugal est un sujet tabou et qu’à 14 ans je ne savais pas différencier une agression sexuelle d’un viol.

Quand je me suis plainte d’avoir cette impression permanente d’être un objet, un jouet pour les hommes, on m’a répété cette même phrase : « C’est comme ça ».

Mais c’est ainsi parce qu’il y a des personnes qui mettent en place ce système.

À 11 ans, j’ai été victime d’un pédophile qui m’a forcée à me montrer nue sur Internet.

J’ai porté plainte : sans suite.

En Belgique, trop loin, on a plus important à faire.

« Anna, tu veux te suicider ? Tiens une corde »

À 12 ans, je souffrais déjà d’hyperphagie (ndlr : trouble alimentaire caractérisé par une surconsommation d’aliments) à cause des remarques que l’on me faisait au collège sur mon corps.

« Anorexique », « Anna, c’est un cure-dent », « Aucun garçon ne voudra de toi, tu es trop maigre ».

Un garçon m’avait dit « Anna, tu veux te suicider ? Tiens une corde ».

Je pense que j’avais occulté volontairement cet épisode de ma mémoire car c’est ma meilleure amie qui me l’a rappelé récemment, elle était là.

À 13 ans, j’ai été harcelée car je ne me rasais pas.

Des garçons plus âgés écrivaient mon nom sur les tables d’études avec écrit « grosse touffe » à côté.

J’ai fait ma première tentative de suicide cette année-là.

À 14 ans, j’ai été agressée sexuellement par un garçon de mon collège.

Il a été renvoyé et pendant des mois les élèves me disaient « il a été exclu à cause de toi ».

J’ai ancré cette idée dans ma tête et je n’ai pas même pas ressenti une once de souffrance parce que je pensais l’avoir mérité.

C’était comme ça.

Ce n’est que quelques mois plus tard que ma professeure de français m’a dit :

« Il n’a pas été renvoyé à cause de toi.

Il a été renvoyé à cause de ses actes.

À cause de ce qu’il t’a fait ».

Et pendant 7 mois, j’ai été violée par mon ex-petit ami.

« L’amour de ma vie ».

Et quand je l’ai quitté, j’ai été harcelée dans mon collège car il s’amusait à dire à tout le monde que c’était consenti.

C’est ainsi que je suis devenue la « pute du collège ».

Ne faites pas semblant. Il y en a une dans chaque établissement.

Et justifié ou non, c’est vomitif et ça en dit plus sur vous que sur elle en tant que personne.

« Elle doit s’en prendre des bites Anna ».

« Pourquoi tout le monde te traite de pute au collège ? ».

« Elle a couché avec son copain elle me dégoûte ».

« Personne ne veut la voir ».

À ce moment-là, j’étais en couple avec un garçon.

Je pensais qu’il m’aiderait à remonter la pente mais il m’a enfoncée plus qu’autre chose.

Il était comme mon ex.

Je me laissais faire sans même savoir que ça aussi, c’était un viol.

Pas de consentement, attendre que ça se passe en pensant à autre chose, fixer le plafond encore et encore, c’était un viol aussi.

« Je me suis dit qu’on ne me croirait pas »

Mais je ne l’ai jamais dit parce que je me suis dit qu’on ne me croirait pas et que rien ne pouvait être pire que ce que le premier avait fait.

Et un jour il m’a dit « de toute façon t’es une fille facile ».

Ce jour-là j’ai perdu espoir.

Il a tenté de me violer le 1er janvier 2017.

Le soir même j’ai fait une tentative de suicide.

La dernière, promis. La souffrance me submergeait.

J’avais l’impression d’être noyée depuis des mois, d’avoir la tête coincée sous l’eau.

Je voulais respirer. Je ne voulais plus rien ressentir.

Plus jamais. Alors j’ai pris cette boîte de médicaments. Je l’ai vidée.

Papa, c’est toi qui m’as trouvée, pardonne-moi je ne voulais pas te faire de mal.

Je n’avais même pas conscience que je pouvais te faire du mal.

J’ai survécu. Je suis restée 11 jours à l’hôpital.

Vous pensez que mon calvaire s’est arrêté suite à ceci ?

Pas du tout.

Quand je suis sortie, les gens de mon collège ont trouvé ça amusant de dire aux autres que j’aurais dû mourir.

J’aurais dû mourir, détruire la vie de mes parents et de ma famille parce qu’un homme a décidé que mon corps lui appartenait ?

Parce que le système le soutenait ?

Parce qu’il était politiquement correct et pas moi ? J’ai la haine.

Ni seules, ni coupables, ni responsables

Je suis fatiguée parce qu’à 17 ans j’ai l’impression d’être en décalage par rapport aux autres.

J’ai l’impression de ne pas vivre dans le même monde qu’eux.

Petit à petit je perds cette image de « salope » car mon copain actuel (à qui je dois beaucoup) est accepté par les autres.

Je vis la vie d’une femme normale à présent.

Donc les remarques dans la rue, les regards pervers, les insultes et la discrimination font partie de mon quotidien.

J’ai besoin d’agir.

Pour que toutes les jeunes filles qui ont ce même destin sachent qu’elles ne sont pas seules et qu’elles ne sont pas coupables ni responsables de ce qui leur est arrivé.

Pour que le nombre de victime de viol et de tout autres violences diminue encore et encore.

Pour que le monde soit un havre de paix, sans guerre, sans inégalités, sans injustices.

Un monde meilleur.

Source : Actu

Source(s):