Au Canada, un militaire poursuivi pour agressions sexuelles

Au Canada, un militaire poursuivi pour agressions sexuelles

Le lieutenant-colonel canadien Mason Stalker est notamment accusé d’agressions sexuelles sur un mineur. Cette affaire rappelle combien les armées ont encore du mal à sanctionner ces violences dans leurs rangs souvent dirigées contre les femmes soldats.

Depuis la publication d’un récent rapport, l’armée canadienne mise aujourd’hui sur plus de transparence… et de justice ?

Two Canadian Army officers salute during their battlegroup's departure parade and flag lowering ceremony at the airbase in Kandahar, Afghanistan Thursday, July 18, 2002. All 800 troops from the Edmonton-based Princess Patricia's Light Infantry end  their mission helping fight the war on terror in Afghanistan. (AP Photo/Charles Rex Arbogast)
Two Canadian Army officers salute during their battlegroup’s departure parade and flag lowering ceremony at the airbase in Kandahar, Afghanistan Thursday, July 18, 2002. All 800 troops from the Edmonton-based Princess Patricia’s Light Infantry end their mission helping fight the war on terror in Afghanistan. (AP Photo/Charles Rex Arbogast)

« Il s’agit d’accusations graves et importantes », a déclaré le lieutenant-colonel Francis Bolduc, commandant du Service national des enquêtes des Forces canadiennes.

Dans la ligne de mire de ces accusations : le lieutenant-colonel Mason Stalker, 40 ans. Ce commandant du 1er Bataillon de l’infanterie légère de la princesse Patricia est poursuivi pour dix chefs d’accusations. Parmi eux, ceux d’agressions sexuelles,  d’exploitation sexuelle et d’abus de confiance, selon un communiqué de l’armée.

L’enquête contre ce militaire a commencé le 27 avril après le dépôt de plainte d’un mineur au moment des faits, entre 1998 et 2007. C’est à cette période que le soldat Mason Stalker aurait commis ses abus alors qu’il ” agissait à titre de mentor dans le corps de cadets de l’Armée locale” d’Edmonton en Alberta, précise l’armée. Dans ce corps,  il s’agit de former aux rudiments militaires de jeunes volontaires âgés entre 12 et 18 ans.

En attendant que le “processus judiciaire soit achevé“, le lieutenant-colonnel Stalker a été suspendu de son commandement. Le Service national des enquêtes des Forces canadiennes a également lancé un appel à témoin (tél. 1-877-233-6066) pour éventuellement trouver d’autres victimes.

Le militaire, qui risque dix ans de prison, jouissait d’une certaine considération au sein de l’armée qui l’a décoré deux fois – dont une médaille du mérite- pour ces multiples missions en Afghanistan. Entre 2010 et 2011, il y dirigeait les troupes de l’OTAN dans le sud du pays. Ces derniers jours encore, il commandait 1 400 soldats pour lutter contre les feux de forêt dans une région du Canada.

Ces agressions doivent « cesser immédiatement »

La publication de ces accusations intervient dix jours après la prise de fonction du nouveau chef d’état-major, le général Jonathan Vance.
Le haut-gradé, visiblement enclin au changement, n’hésitait pas alors à déclarer que ces affaires d’agressions sexuelles devaient « cesser immédiatement ».

C’est que le cas du lieutenant-colonnel Stalker est loin d’être isolé. D’autres militaires ont déjà fait l’objet d’accusations pour agressions sexuelles dans l’armée canadienne. Ainsi le 25 mars 2015, le lieutenant-colonnel Martin Bernier est accusé d’agressions sexuelles et de harcèlement.
En 2014, c’est l’adjudant André Gagnon qui est accusé d’avoir agressé sexuellement une caporale. Il a été ensuite acquitté par la cour martiale. Souvent, les accusés s’en sortent avec une perte de leur grade mais pas de peine de prison.

Cette fois, si l’enquête est menée par un service spécial de l’armée (le Service national des enquêtes des Forces canadiennes), Mason Stalker se retrouve devant une cour de justice civile et non martiale comme l’indique à nos confrères de Radio Canada l’avocat et ancien militaire Michel Drapeau : “L’enquête a été faite, et l’armée s’est retournée vers les autorités civiles.” Mason Stalker doit comparaître devant la cour d’Edmonton le 20 août prochain.

 

©AP Photo/Rafiq Maqbool
©AP Photo/Rafiq Maqbool

Le tabou de l’armée

En réagissant publiquement aux accusations portées contre le lieutenant-colonnel Stalker et en faisant preuve d’une plus grande transparence, l’armée canadienne tient à montrer son changement d’approche face à ce type d’affaires.

Comme dans l’armée française ou américaine, il lui a été reproché de passer sous silence les cas d’agressions sexuelles ou d’être trop clémente avec les accusés. Si dans le cas de Mason Stalker, il s’agirait apparemment d’un jeune homme mineur, ces violences sexuelles sont le plus souvent dirigées contre les femmes soldats.

En avril 2014, une magazine canadien L’Actualité indiquait dans une longue enquête qu’il y a 1 780 cas d’agressions sexuelles, chaque année, dans l’armée, soit cinq par jour en moyenne. Mais seulement une femme soldat sur dix va jusqu’à porter plainte.

Dans une autre enquête menée sur l’armée française intitulée La Guerre invisible (lire notre article), les deux journalistes expliquent que les agresseurs sont souvent des supérieurs hiérarchiques, ceux qui doivent aussi rapporter au plus haut niveau les problèmes de leurs soldat(e)s…mais qui font, de fait, barrage.

Aucun soutien, aucun porte-voix dans l’armée donc pour des femmes qui subissent souvent une double peine : celle d’être victimes mais aussi celle d’être culpabilisées et mises de côté par l’armée une fois l’agression rapportée et révélée.

Un « climat de sexualisation » de l’armée canadienne

Un état de faits également souligné dans un rapport rendu par la juge canadienne Marie Deschamps fin avril 2015. Elle dénonce « des situations d’agression sexuelle, dont des cas de relations douteuses entre des femmes subalternes et des hommes de grade supérieur, et de viol par une connaissance ». Parfois, « le recours au sexe mettait en évidence le renforcement d’une relation de pouvoir et la volonté de punir et ostraciser un membre d’une unité. »

La juge souligne aussi dans son rapport qu’il existe un « climat de sexualisation » dans l’armée canadienne hostile aux femmes et aux minorités sexuelles (Lesbiennes, Gays, Transsexuels, Bisexuels, Queers). Un environnement selon elle, « propice aux incidents graves que sont le harcèlement sexuel et l’agression sexuelle ».

L’armée canadienne ne peut plus désormais ignorer ce qui se passe dans ses rangs. Mais il aura fallu que des révélations soient publiées dans la presse française et canadienne pour pousser les autorités de ces pays à commander des rapports sur leurs armées puis à instaurer des plans d’action en place.

Pour  rendre  -enfin-   justice aux victimes…

 

Source : http://information.tv5monde.com

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