Alençon | Un père écope de 4 ans de prison pour avoir abusé et probablement violé sa fille
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 11/07/2021
- 21:43
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« Maman, je sais ce que vous faisiez avec papa sous la couette. Je le sais parce que papa a fait la même chose avec moi. »
Cette remarque a été faite par une fillette de 6 ans, un matin de novembre 2020, dans une maison de campagne de l’Orne, située entre Alençon et Flers.
Sans la deuxième phrase, la réflexion de cette fillette qui vient de surprendre ses parents dans le lit conjugal et qui s’interroge sur le corps de l’autre, aurait probablement donné lieu à une réponse furtive, peut-être même gênée, de sa maman. Et la vie de famille aurait repris son cours.
Une mère courageuse
Au lieu de cela, le père de 54 ans se retrouve en détention provisoire et, jeudi 8 juillet 2021, le tribunal d’Alençon était chargé de le juger.
Car la fillette a su profiter de l’opportunité pour mettre des mots sur ce qu’elle subissait depuis des mois. Elle est parvenue à lancer l’alerte, et sa maman à l’écouter.
La semaine qui a suivi les révélations, elle a interrogé sa fille à plusieurs reprises pour tenter de comprendre ce qu’étaient ces « choses » dont le mari était soudainement accusé.
Et peu à peu, la fillette s’est livrée. Des « caresses » sur le sexe, « des bisous sur le zizi »…
Alors, la maman, qui a « toujours cru » ce que lui disait sa fille, a décidé de l’emmener discrètement à la gendarmerie et de porter plainte contre celui qui partageait sa vie depuis plusieurs années et avec qui elle a eu 2 enfants.
« Des bisous sur le clitoris »
Au fil des auditions, la jeune fille a également évoqué des fellations et des pénétrations digitales. Mais l’enquête, qui s’orientait alors vers des soupçons de viol, n’a pas permis de le prouver.
« Sinon, c’était la cour d’assises ! »
a rappelé la procureure, Stéphanie Desouche.
Dans le box, le père de famille, incarcéré depuis le 24 novembre 2020, a reconnu les agressions sexuelles, mais a assuré qu’il n’avait « jamais essayé d’avoir une relation sexuelle » avec sa fille.
Dans un discours entrecoupé de soupirs et de sanglots, le prévenu a expliqué ce qu’il avait fait subir à sa propre fille entre mars et novembre 2020.
« Ça ne s’est pas fait du jour au lendemain. C’était d’abord des bisous sur le ventre, puis sur le pubis, puis sur le clitoris. »
Des « séries de baisers » qui se sont répétées dans le temps.
Moins d’un an après les faits, le discours du père a radicalement changé.
« Ce n’était que de la douceur, de la sensualité. C’était de l’amour pur et c’est ce que je trouvais beau »,
avait-il notamment indiqué aux gendarmes.
Au tribunal, il ne reste plus grand-chose de ces dépositions glaçantes que le juge Éric Martin n’a pas manqué de rappeler.
« Pensez-vous qu’elle ait pu vivre cela comme de la douceur ? »,
s’est-il insurgé.
« Vous lui mettez la main sur les yeux pour l’embrasser comme votre maîtresse. Ça ne donne pas franchement l’impression que vous compreniez le traumatisme qu’elle a subi ! »
En pleurs, tête baissée, le prévenu répond :
« tout ce que vous dites là, je l’ai compris aujourd’hui. J’ai eu un comportement déviant et j’ai tenu des propos délirants. Aujourd’hui, l’homme que vous avez devant vous n’est pas celui de 2020 »,
a-t-il rétorqué en évoquant le travail psychologique et psychiatrique qu’il a entrepris en prison.
« J’étais totalement dévoué à ma fille, j’étais prêt à tout pour la protéger et je suis finalement devenu un danger pour elle. En cela, j’admire la décision de ma femme qui a fait ce qu’il fallait pour m’arrêter. »
Mais pour tout le monde, la personnalité du prévenu semble difficile à décrypter.
Appelée à la barre, la maman, qui a depuis engagé une procédure de divorce, a évoqué une vie de couple faite de
« reproches, d’insultes, de contrôle permanent et de rabaissement ».
« Je vivais en prison. Je pense que j’étais sous son emprise »,
a-t-elle précisé sous le regard médusé du prévenu.
Durant les premiers mois de son incarcération, il a « inondé » de courriers sa femme et sa fille « sans se préoccuper de l’impact dévastateur » que ces messages avaient sur leurs destinataires.
« Vous avez continué à marquer votre présence symbolique »,
lui a reproché le juge.
Une fillette « sacrifiée »
L’expertise psychiatrique évoque un homme « narcissique » qui a « recherché une relation fusionnelle avec sa fille qu’il n’avait plus avec sa femme » et conclut que des soins socio-judiciaires seraient « plus que nécessaires ».
L’évocation de son enfance a replongé le prévenu dans des sanglots. Il a décrit « une vie de famille chaotique », une mère « manipulatrice » et un père « destructeur ».
Mais ses parents dépeignent un portrait tout aussi désagréable d’un fils « aussi adorable que détestable depuis tout petit » et qui « réécrit l’histoire ».
Une description qui correspond à ce qu’a voulu faire ressortir l’avocate de la fillette, Me Gasnier.
« Il vous dit ici qu’il est un nouvel homme mais je pense surtout que ces deux hommes cohabitent depuis toujours »,
a-t-elle indiqué avant de remettre la victime au cœur des débats.
“C’est une fillette de 6 ans qui a été, en quelque sorte, sacrifiée par son père pour punir une maman pas assez disponible sur le plan sexuel […] Pour lui, à 6 ans, elle était prête à subir les assauts de celui qu’elle appelait papa. De celui qui représente l’autorité, qui était là pour la protéger d’une société qui la considère comme vulnérable et fragile, tout simplement parce que ce n’est qu’une enfant.”
Me Gasnier
Avocate de la fillette
Des arguments en partie repris par l’avocate de la maman, Me Bono.
« Pendant des mois, il a reproché à sa femme sa vie amoureuse antérieure. Il est allé chercher la virginité qu’il n’avait pas eue avec sa femme ».
Une mère « courageuse » qui se sent « coupable de n’avoir rien vu » et qui doit aujourd’hui affronter seule les conséquences psychologiques de cette affaire, sur elle mais surtout sur ses enfants.
De son côté, l’avocat du prévenu, Me Guyomard, a rappelé que son client était
« un primo délinquant qui doit avant tout se reconstruire à travers une démarche de soins. Il a cette volonté de reconstruction et on sait que ce n’est pas en prison que l’on se soigne ».
S’appuyant sur les expertises psychiatriques, il insiste sur le fait que le père incestueux « n’est pas un pédophile qui fait la sortie des écoles ».
4 ans de prison ferme
Le Parquet a, lui, souligné
« la réaction de la mère, qui a eu le courage de dénoncer les faits et de s’opposer à son mari »,
un homme
« qui ne voit qu’à travers son propre prisme et sa propre souffrance ».
Le tribunal a suivi les réquisitions du Parquet, en condamnant le père de famille à 5 ans de prison dont 1 an assorti d’un sursis probatoire pendant 3 ans, avec mandat de dépôt. À cette peine s’ajoute une injonction de soins et l’interdiction de paraître au domicile familial et d’entrer en contact avec sa femme ou sa fille. Désormais inscrit au fichier des auteurs d’infractions sexuelles, il devra aussi verser 6 000 € à sa fille et 2 000 € à sa femme.
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