France | Témoignage d’un maman dont la fille a été violé par son grand-père
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Pédocriminel En liberté
- 01/02/2021
- 11:00
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Depuis l’affaire Duhamel, #metooinceste a suscité une vague de témoignages sur les réseaux sociaux sur un sujet jusque-là tabou. De nombreuses personnes ont posté leurs histoires bouleversantes sur Facebook, parmi elle Pamela.
Cette interview a été réalisé par e-mail, Pamela, en proie à de nombreuses crises d’angoisse, redoute de s’entrenir avec nous par téléphone.
Elle nous raconte l’inceste commis par son père sur sa fille, sa difficulté de se rendre compte des faits, les défaillances des institutions, et des dommages psychologiques incommensurables.
Dans son mail, elle confie :
Je ne peux plus l’appeler « papa ». Ce mot me dégoûte et me donne la nausée. Il n’est plus que le “géniteur” ou “l’autre.” Je le vois comme un monstre, un pédophile et un prédateur sexuel. Et, je pense que mentalement il est fort dérangé pour avoir commis un acte si terrible, impardonnable et d’une telle atrocité.
De ce mot si fort qu’est l’inceste, je peux parler, mais cela me fait un mal terrible et me renvoie toujours à l’acte cruel qu’il a commis. J’ai toujours prévenu mes enfants sur ce genre de choses étant moi-même une ancienne victime de viol. Je devais leur en parler pour les protéger des autres.
Ma mère se posait des questions sur la relation entre ma fille et son grand-père, mais moi, je n’ai rien remarqué d’étonnant. Avec ma confiance dans les autres, je pensais qu’ils étaient simplement proches, car ma fille ne voyait plus son papa et qu’elle s’était naturellement tournée vers son grand-père et vice versa.
En y réfléchissant bien et avec le recul, il y avait des signes annonciateurs. Il ne voulait pas prendre mes deux ados garçons en prétextant qu’ils étaient mauvais, et très peu mon autre fille, il ne voulait que ma première fille. À Noël et pour son anniversaire, il lui achetait des cadeaux hors de prix style iPhone, hoverboard, Playmobil argent et tout ce qu’elle voulait.
L’instinct d’une maman ne se trompe jamais. Petit à petit je me suis inquiétée, et je me suis dit qu’il y avait un problème.
Ma fille ne m’en a pas parlé. Je l’ai prise à part et je lui ai posé des questions du genre “est-ce que papi t’a fait du mal ou t’a touchée ?” Et elle me disait “non, maman promis” mais à son visage j’ai senti qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. Je lui ai alors proposé de me l’écrire si c’était plus facile pour elle, car je ne voulais en aucun cas la forcer et la brusquer.
Et puis tout d’un coup elle a fondu en larmes et m’a dit “papi m’a fait des choses à mes parties intimes.”
Et là, tout s’est écroulé, je l’ai prise dans mes bras en la serrant fort, en pleurant avec elle et en m’excusant pour ce qu’elle avait subi. En quelques minutes, mon monde, ce que j’avais construit, s’est écroulé.
Ma fille avait huit ans et demi, maintenant elle en a onze.
Les faits se sont produits en 2017 et la vérité a éclaté au début de l’année 2018. Ma fille nous a dit à moi et aux gendarmes que ça n’était arrivé qu’une fois, mais ça n’aurait jamais dû se produire.
Quand je me suis rendu compte des faits, la première personne que j’ai appelée c’était mon géniteur et je lui en ai mis plein la figure. Je sentais une rage, une haine, un dégoût profond pour son acte et une colère terrible.
Le pire était qu’il niait.
Il a fini par dire, et je cite : “Tu ne vas pas porter plainte contre ton père?” Ma réponse immédiate était: “Bien sûr je vais porter plainte contre toi.”
Ensuite j’ai contacté la gendarmerie de mon secteur pour porter plainte. Nous avons été reçus quelques jours après par une jeune gendarme pas très empathique. Dans ces cas-là, vous vous attendriez à un minimum de soutien et de compassion pour ma fille et pour nous (maman, frères, sœur). Mais on m’a bien fait comprendre que ce n’était pas nous les victimes, ce sur quoi je suis entièrement d’accord, mais on souffre aussi, il nous a tous détruits.
Pendant la procédure, j’ai voulu l’emmener voir un psychologue, mais on m’a dit que ce n’était pas possible tant que l’enquête était en cours. Il a fallu qu’ils l’interrogent une première fois, une deuxième fois avec perquisition et garde à vue, et qu’ensuite ils examinent les ordinateurs, disques durs, etc. avant que je puisse finalement l’emmener au Centre Médico-Psychologique (CMP).
De plus, c’est moi-même qui ai entrepris un suivi avec le CMP, on ne m’avait pas donné de brochures ou de contacts. Cela a été très utile et il serait bon que l’information soit accessible à toutes les victimes et à leurs familles.
En tout premier lieu, nous avons eu un rendez-vous, ma fille, la psychologue et moi pour parler de nos vies, et de l’agression de ce qu’elle a vécue. Le rendez-vous a duré à peu près 1h.
Par la suite, ma fille voyait la psychologue seule où elle faisait des dessins, elle parlait, elle jouait à des jeux.
Ma fille a vu les psychologues du CMP énormément de fois, et il y a eu de l’amélioration, mais ce n’était pas vraiment ça. Ça l’a aidée au sens qu’elle a pu en parler avec quelqu’un de totalement neutre. Ils l’ont aidée à accepter ce qui lui est arrivé, et à comprendre que ce n’était pas de sa faute et qu’elle n’aurait rien pu changer.
Ma fille ne supporte pas d’en parler. Ça lui fait beaucoup de peine. Elle a toujours cette peur de le croiser, et moi aussi, donc on vit un peu sur le qui-vive.
Le père de ma fille ne m’a pas du tout aidée avec ni le procès ni la procédure. Nous sommes séparés depuis longtemps, et quand je lui ai appris ce qui était malheureusement arrivé à notre fille, la seule chose qu’il a su me dire était qu’il allait me retirer la garde complète de ma fille, je le cite : “Ce qui est arrivé est entièrement de ta faute.” J’avais déjà une honte, une culpabilité, et il n’a rien trouvé d’autre que de me m’enfoncer.
Avec mes autres enfants, on n’en parle jamais, mais on y pense toujours. Et ma mère me soutient, mais elle préfère éviter le sujet de peur de trop m’y faire penser. Mais de toute façon, je n’arrive pas à l’oublier.
En tant que parents qui portent plainte, on ne peut pas savoir ce qu’ils ont trouvé sur le géniteur. On nous a juste dit qu’il a avoué les faits. C’est frustrant car depuis 2018 notre vie s’est arrêtée.
Ma fille a changé, elle s’en prend à moi, et elle est devenue agressive. Je subis une dépression sévère, des troubles anxieux, des crises de panique.
Ce monstre nous a tout enlevé : notre bonheur, notre joie de vivre, ce que l’on avait construit. Je m’en veux et je culpabilise toujours autant. J’aimais énormément mon géniteur – il était tout pour moi – mais l’impensable est arrivé. On ne s’en remet pas vraiment, on apprend à vivre avec.
J’aimerais que le gouvernement durcisse davantage les lois sur l’inceste et que les procédures soient moins longues. Les faits remontent à 2017, il devait être jugé le 22 décembre 2020, mais le procès a été repoussé au mois d’avril 2021.
L’attente est une longue souffrance de tous les jours.
Je vis avec ça du matin au soir, et ma fille aussi bien sûr. Ce qu’il lui a fait nous a tellement dévastées, qu’encore à ce jour, quand on entend des craquements ou les volets qui claquent la nuit, on a peur qu’il soit dans le quartier, car malheureusement le tribunal n’a pas jugé de mettre une ordonnance restrictive pour éviter que mon géniteur rentre dans notre ville.
C’est très dur d’en parler, mais j’espère que mon témoignage pourra aider d’autres parents à prévenir l’inceste.
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