Cybercriminalité | Les agressions sexuelles commises sur des adolescents de 12 à 15 ans en hausse

Le cyber-harcèlement concernerait au moins un jeune sur dix.

La gendarme Violaine Chabardes alerte sur la montée en puissance des agressions sexuelles subies par les jeunes via le web.

Au fil de ses nombreuses années de terrain, l’adjudante-cheffe Violaine Chabardes a vu évoluer le cyber-harcelèment sexuel sur Internet. Cette gendarme qui dirige la Brigade de prévention de la délinquance juvénile de Lyon intervient ce lundi aux 6èmes assises nationales de l’association Stop aux violences sexuelles, organisées dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Violaine Charbardes :

Ce que je peux dire, c’est que les agressions sexuelles commises sur des adolescents de 12 à 15 ans via le Net constituent notre quotidien. Il y a cinq ans, sur les 350 affaires que nous traitons chaque année, seule une vingtaine correspondait à ce genre de cas. Aujourd’hui, elles sont une bonne centaine.

Un jour, un pédophile nous a dit :

“Je n’ai plus besoin de faire la sortie des écoles, je reste chez moi devant mon ordinateur, et je trouve tous les gosses que je veux.”

Et les victimes sont de plus en plus jeunes. Au début de notre activité de prévention en milieu scolaire, nous nous rendions dans des classes de 3ème. Aujourd’hui, on démarre en CM2. Récemment, nous avons a eu le cas d’une petite de dix ans qui s’était inscrite sur un site de rencontres pour ados de 12 à 16 ans, bien connu des pédophiles.

Mais la plupart du temps, les jeunes sont victimes de quelqu’un de leur environnement proche, non ?

Oui, un adulte ou un autre ado, parfois du même établissement qu’eux. Le harceleur contacte sa proie sur internet, la met en confiance au fil des conversations. Peu à peu, la jeune fille en arrive à faire des photos un peu sexy, puis à prendre des poses de plus en plus suggestives, jusqu’à la pornographie. Et le piège se referme. Parfois, l’agresseur peut aller jusqu’à leur demander des choses très sordides, comme se pénétrer à l’aide d’un objet.

L’adjudante-cheffe Violaine Chabarde dirige la Brigade de prévention de la délinquance juvénile de Lyon
Comment se laissent-elles entraîner aussi loin ?

Au début, l’agresseur flatte la jeune fille, lui dit qu’elle est jolie, et en profite pour lui demander une photo d’elle. Après, il passe souvent à la manipulation mentale, en disant :

“Mais si, tu es capable de le faire, vas-y, ce n’est pas si grave, des tas de gens le font”.

Une fois les photos et vidéos réalisées, le chantage arrive. Les adolescentes ont très peur de voir leur réputation au collège mise en pièces, alors elles cèdent, vont plus loin. Et ça dérape, elles ne savent plus faire marche arrière.

Certaines plateformes sont-elles particulièrement dangereuses?

En ce qui concerne les pédocriminels, ils s’infiltrent beaucoup sur les jeux vidéo en ligne, en ciblant ceux pour garçons et ceux pour filles en fonction de ce qu’ils recherchent. Ils développent le même vocabulaire qu’eux, se montrent aussi impliqués en ligne, parlent longtemps jusqu’au moment où la conversation glisse sur le terrain de la sexualité. Les rencontres physiques sont rares. Le plus souvent, l’agresseur réclame des photos.

Et les réseaux sociaux, quel impact ont-ils ?

Il y a eu un “effet Snapchat” indéniable. Lorsque l’application a été lancée, en 2011, les jeunes se sont dit :

“on va se lâcher, puisque nos publications sont éphémères, elles ne durent pas plus de dix secondes”.

Et l’on a vu arriver des cas qu’on ne voyait pas avant : des soirées d’ados où les jeunes s’embrassent ou font l’amour en étant filmés à leur insu par d’autres camarades, qui balancent ensuite les images sur Snapchat, en pensant que peu de monde va les voir. Mais rien qu’en quelques secondes, on peut échanger 10 000 vidéos !

Je me souviens d’un dossier, dont les faits se sont produits lors de la soirée du réveillon de 2015. Une jeune fille a été filmée sans le savoir en plein rapport sexuel avec son petit ami.

La scène a été postée sur Snapchat, puis récupérée sur Twitter. 60 000 partages ont été réalisés en quelques heures.

L’adolescente a porté plainte, on a interpellé celui qui avait filmé et diffusé la vidéo. Mais après, on ne maîtrise plus!

Que peuvent faire les parents?

Maintenant que 100% des jeunes ont accès à internet via leur smartphone, les parents doivent prendre conscience du danger. Quand on leur demande sur quelles applications vont leurs enfants, beaucoup ne le savent pas ; ils doivent aller regarder de plus près.

Et insister auprès des ados sur les règles de prudence minimales : on n’utilise jamais son vrai nom mais un pseudo, on n’insère pas une photo de profil mais un avatar à la place et on ne renseigne pas son âge.

On ne fait jamais de photo dénudée, ou à caractère sexuel, même avec quelqu’un en qui on a confiance. Mais la meilleure des préventions consiste à évoquer les risques auxquels le jeune peut être exposé. Quand un pédophile contacte un pré-ado en montrant son sexe en érection, ou en utilisant des mots crus, l’enfant peut être tellement choqué qu’il n’en parle à personne.

Les jeunes doivent se dire qu’il y a des adultes de confiance autour d’eux pour les écouter.

Source : l’express

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