Japon | Regard sur l’exploitation sexuelle des jeunes étudiante
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
- 22/07/2017
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Le travail des mineurs dans le milieu des escortes et de la prostitution est un sujet de société complexe au Japon. Dans un pays où la pédopornographie est courante dans les animes, les mangas ou les sex-toys, il n’est pas étonnant que certains hommes cherchent à assouvir leurs fantasmes sur des étudiantes bien réelles et qu’un véritable business illicite se soit développé. En réaction, le gouvernement japonais vient d’éditer une ordonnance pour lutter contre l’un des plus en vogue ses dernières années, le « Joshi Kosei Business ».
« Joshi Kosei » est l’expression qui désigne globalement les lycéennes japonaises. Le style et fantasme qu’elles symbolisent auprès des japonais est au cœur d’un juteux business : le « JK business » qui consiste pour les hommes à payer la compagnie d’une lycéenne, en principe le temps d’une promenade. Une ballade qui pourra se terminer, après négociation et échange d’argent, dans un Love Hotel de la capitale. Une forme de prostitution habilement déguisée car, rappelons-le, celle-ci est interdite dans l’archipel.
Ce phénomène a littéralement explosé à Tokyo depuis 2013 à Akihabara, ce quartier populaire typé « otaku » connu pour ses boutiques d’électroniques et de jeux vidéo. Le lieux peut d’ailleurs prêter à confusion car de nombreux Maid Cafés s’y trouvent et la prostitution n’y est absolument pas pratiquée. De nouvelles enseignes y ont fleuri ces dernières années, proposant des services de « Joshi Kosei Osenpo », des promenades avec des lycéennes, ainsi que des services de massage par des lycéennes « JK Rifure » ou encore des séances photos privées avec des lycéennes le « JK Satsueikai » qui peuvent déboucher dans certaines conditions sur un rapport sexuel tarifé.
Les autorités ont tenté d’endiguer le phénomène en interdisant dès avril 2014 toute promotion de service Joshi Kosei Osenpo. Néanmoins, les contrevenants n’étaient le plus souvent pas poursuivis, les policiers se contentant de leur rappeler la loi sans faire de vague. Dans ces conditions, c’est sans surprise que le phénomène a perduré jusqu’à nos jours. Depuis, le Japon s’est vu dénoncé à l’ONU en 2015 par des associations de lutte contre les trafics humains. L’ONG Lighthouse a notamment pointé du doigt la complaisance des autorités japonaises à l’égard de l’industrie pédopornographique, l’exploitation sexuelle des mineurs et l’impunité dont jouissent les coupables.
Il faut dire que le pays du Soleil Levant a mis longtemps avant de protéger ses mineurs : jusqu’en 1997, les relations sexuelles avec un mineur consentant de 13 ans (à la majorité sexuelle) étaient légales. Cette année là, la limite d’âge du commerce sexuel a été portée à 18 ans sans modifier l’âge de la majorité sexuelle. Cependant, payer les services d’une mineure ne fut considéré comme un délit que deux années plus tard. En outre, l’interdiction de diffusion et de vente de photos ou vidéos à caractère pédopornographique n’a été votée qu’en 1999.
Si cette loi a été renforcée en 2014, certaines pratiques comme le « chaku-ero » (une forme de fétichisme sexuel photographique impliquant de très jeunes filles) bénéficient d’un flou juridique pour perdurer comme l’ont dénoncé l’Unicef et des associations parmi lesquelles Lighthouse. Le « chaku ero » consiste en des photos ou des vidéos érotiques de jeunes filles vêtues de sous-vêtements recouvrant à peine leurs parties intimes et prenant des poses explicites. Il est ainsi possible d’y trouver des enfants, parfois âgés de moins de 10 ans, n’étant pas entièrement nus (aucune partie génitale visible), ceci n’étant pas considéré comme de la pédopornographie…
Mais les choses changent peu à peu. Concernant le Joshi Kosei, le gouvernement vient de faire passer en juin une ordonnance interdisant aux jeunes filles de 17 ans ou moins de se livrer aux activités d’accompagnement, de massage et de séances photos. Les sociétés se livrant au « JK business » doivent désormais s’enregistrer et justifier de l’âge de leurs employées. Néanmoins, les associations craignent que ces pratiques ne continuent malgré tout discrètement grâce aux facilités offertes par internet pour se mettre en relation avec des clients potentiels.
Et il y a toutes les chances que cela se produise tellement l’activité est lucrative. Car si les jeunes filles se tournent vers le Joshi Kosei, c’est avant tout pour les revenus importants qu’elles peuvent en tirer par rapport à d’autres petits boulots standards (certaines arrivent à gagner 100 000 yen par jour, presque 800€). Et ce n’est souvent pas pour couvrir des besoins essentiels que la plupart se prostituent (même s’il y en a), le chômage étant pratiquement inexistant à Tokyo, mais principalement pour se livrer à une frénésie de dépenses, derniers vêtements ou gadgets à la mode, dans un pays où la société de consommation règne en maître incontesté.
Pour comprendre le cas culturel japonais sans porter de jugement ethnocentré, il faut pouvoir observer les origines de la prostitution dans l’histoire du Japon. La prostitution fut une activité culturellement acceptée, autorisée et encadrée dès le XVIIème siècle par le pouvoir féodal en place qui y voyait principalement un moyen de contrôler la population (et d’en tirer des revenus) davantage que le souci de veiller aux bonnes mœurs.
Elle a officiellement été abolie en 1956 ce qui ne l’a pas empêché de continuer à exister en marge et d’être largement tolérée. Aujourd’hui, il n’est pas bien difficile à Tokyo de commander une jeune fille sur catalogue pour un rendez-vous privé dans un hôtel. Quant à la place de la femme dans le Japon féodal, elle était bien sûr centrée sur la procréation mais surtout sur le réconfort qu’elle devait procurer à l’homme (sous-entendu le guerrier) d’où le symbole de l’homme au katana et de « la femme au fourreau » où la lame se repose.
L’image du sexe au Japon est ainsi profondément différente de l’Occident où il est, dans l’idéal romantique, le plus souvent l’aboutissement d’une relation amoureuse, sans compter l’influence que l’Église a eu dans ce domaine (ce qui n’a jamais empêché la prostitution d’exister). Pour les Japonais, la sexualité est un besoin et un plaisir assumé que l’on peut acheter si nécessaire sans forcément la recherche de sentiments partagés. De plus, le nombre de célibataires est particulièrement important au Japon (environ 60%), sans oublier que les couples mariés vont généralement diminuer drastiquement leurs rapports sexuels (voire l’arrêt complet) après le premier enfant. Un terreau propice à la prostitution qui à de quoi désarçonner l’œil occidental.
En ajoutant à ces influences socio-historiques, la fascination moderne des Japonais(homme) pour les uniformes d’écolières portée notamment par le Hentai, et le culte que la société voue principalement aux jeunes filles à travers les médias (les « idols », les jeunes actrices, sont systématiquement mises en avant et idéalisées), on ne peut être surpris que des phénomènes comme le Joshi Kosei aient pu naître dans l’Archipel.
C’est aujourd’hui le regard de toute une société à l’égard des jeunes filles qu’il faudrait renverser si le Japon veut définitivement endiguer les phénomènes de prostitution de ses mineures. Un combat qui concerne également les principales intéressées qui n’y voient souvent qu’un échange ou les deux parties sont gagnantes sans forcément entrevoir l’objectification commerciale dont elles sont victimes. Une rééducation à laquelle entendent s’atteler les autorités et les associations comme Lighthouse qui souhaite venir en aide aux jeunes filles tombées dans cette industrie dont il est très difficile de sortir…
Stéphanie Barret
Source: Japanization
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