
France – Suisse | Enquête sur un baby-sitter qui travaillait pour des VIP
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 30/09/2025
- 15:00
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Des milliers de photos et vidéos à caractère pédocriminel d’une quarantaine d’enfants dont il avait la garde ont été retrouvées, parmi lesquels une dizaine ont été violés.
Au sein des familles qui faisaient appel à lui, on l’appelait « Nounou Nicoco », le surnom qu’il s’était donné en référence logique à son prénom, Nicolas. Un « nounou » homme dont on se transmettait le numéro de téléphone comme un cadeau, tant il donnait satisfaction. Jusqu’au jour où l’impensable a été mis au jour, attesté par des milliers de photos et vidéos toutes plus terribles les unes que les autres.
Pour les petits, Nounou Nico, c’était d’abord une improbable voiture. Une Peugeot 106 jaune aux airs de jouet vintage, avec laquelle il venait les chercher à la sortie de l’école. Ils avaient l’habitude de l’accueillir sous les acclamations « Nicocovoiture ! » Dans sa première vie, Nicolas était d’ailleurs un passionné d’automobiles.
Né et élevé en Alsace dans une famille de la classe moyenne, il s’oriente rapidement vers un BEP Maintenance auto, comme le montre son CV complet, que nous avons pu nous procurer. Après un bac professionnel, il poursuit sa formation à Coulommiers (Seine-et-Marne), où il se spécialise en mécanique de compétition dans un lycée dédié.
C’est là que Véronique et Bernard (les prénoms ont été changés) font sa connaissance, entre 2010 et 2014. En marge de ses études, Nicolas fait du baby-sitting. Il garde à quelques reprises l’aînée de leurs enfants, alors âgée de 10 ans.
Bernard évoque :
« un jeune sympathique avec lequel on n’a jamais eu de soucis ».
Des liens se tissent avec la famille, qui reste en contact épisodiquement avec lui.
Un jeune homme passionné, « toujours à 100 à l’heure »
Nicolas délaisse bientôt sa première passion du rallye pour s’occuper des tout-petits. Il veut en faire sa profession à plein temps, et empile les diplômes. Il passe d’abord le Bafa, son brevet d’animateur, en 2017. Puis il enchaîne l’année suivante avec un CAP petite enfance.
Cette même année, il exerce en France comme animateur périscolaire en centre aéré, dans un centre de vacances et dans une crèche, mais aussi comme « aide maîtresse » en maternelle. Puis il est recruté par des familles comme « gouvernant d’enfant » sur plusieurs mois, notamment dans le sud de la France, ainsi qu’à Monaco.
Tous ceux qui font appel à lui décrivent un jeune homme dynamique et passionné, « toujours à 100 à l’heure », raconte une maman. Nicolas est un sportif accompli. Il est pilote d’ULM, pratique le modélisme, la natation, le ski. Il est aussi bénévole pour un organisme national de vacances, et titulaire de trois diplômes de secourisme, dont l’IPSEN, l’initiation aux premiers secours enfant et nourrisson. Autant dire que son profil est rare.
Les lettres de recommandation pleuvent
Très vite, on s’arrache ses services. Les appréciations sont dithyrambiques. Les lettres de recommandation pleuvent. Sa page Facebook professionnelle conserve les traces de ses activités. Ici, on le voit faire des gâteaux presque aussi grands que ses petits protégés. Là, de l’acrobranche ou dévaler les toboggans d’un parc aquatique.
Sous ses publications, les commentaires élogieux s’accumulent.
« C’est un merveilleux compagnon de jeu tout en étant sérieux »
, vante Florence, une restauratrice dont il a gardé les deux garçons de 5 et 10 ans quatre mois durant.
« Nos enfants ont passé le meilleur été depuis bien longtemps, s’enthousiasme-t-elle. Il prenait énormément de plaisir à partager ces moments avec les garçons. »
« Nicolas a beaucoup d’imagination pour divertir les enfants »
, félicite Emmanuelle.
« C’est un garçon rare »
, appuie Sarah, qui l’embauchait « pour les soirées et les nuits. »
« C’est un homme rassurant tant pour les enfants que les parents »
, approuve Bastien.
« Le seul problème, c’est quand il part ! soupire Véronique. Les enfants pleurent. Après tant de fous rires, ils en redemandent. »
« Les enfants l’adoraient. Il leur faisait faire 10 000 activités »
Parmi tous ceux-là, Marie (le prénom a été modifié) est peut-être celle qui l’a le mieux connu. Pendant cinq ans, à partir de 2018, Nicolas s’est occupé de son fils, Théo (le prénom a été modifié), l’hiver à la montagne, l’été dans le Sud. À l’époque, Marie est lassée de jeunes filles au pair qui ne font pas l’affaire. Elle fait la connaissance de Nico, qui a gardé l’enfant d’une famille de la ville voisine. Le courant passe. Nico rencontre Théo.
Dès le départ, pour le petit garçon alors âgé de 6 ans, c’est un quasi-coup de foudre avec ce « nounou » particulièrement dévoué. « Les enfants l’adoraient, se remémore Marie. Il leur faisait faire 10 000 activités. »
« Ceux d’aujourd’hui sont beaucoup sur leur téléphone, note la maman. Le nôtre ne prenait jamais le sien tellement ils faisaient de choses. »
Bricoleur talentueux, Nounou Nicoco bâtit avec Théo « une cabane dans laquelle on aurait pu vivre un mois », admire Marie. Quand les parents de Théo, du fait de leur activité professionnelle, ne peuvent l’emmener à ses compétitions de ski, c’est Nico qui s’y colle. Et qui embarque avec lui d’autres bambins du club.
Nico n’est jamais à court d’idées. Il peut se lever le matin, et lancer un « Allez ! Journée Aqualand ! »
Conquis par le jeune homme, les parents des copains lui confient facilement leurs propres enfants.
« Des fois, je rentrais à la maison, et il y avait dix gamins qui couraient partout ! revoit Marie. Tous étaient en admiration devant lui. »
Rapidement, Nicolas fait quasiment partie de la famille. Il dispose de sa chambre dans chacune de leurs habitations. Marie ne lui connaît que peu d’amis. Avec le recul, elle se souvient aussi que lors des repas de famille, il ne venait pas manger avec les adultes, préférant la compagnie des enfants. Sur le papier, il dispose de jours de congé, mais ne les prend jamais. Soit il répare les voitures de la famille, soit il les passe avec Théo. À tel point que si la maman insiste pour qu’il fasse une pause, Nico n’est pas loin de faire la tête.
Un jour, une amie de Marie, mère de deux enfants et qui le côtoie parfois, s’étonne que Nico préfère les garçons.
« Il ne s’occupe pas beaucoup de ma fille et veut toujours rester avec mon fils, a-t-elle remarqué. C’est bizarre. »
Parmi d’autres bizarreries, qui ne font pas sens à l’époque, Nico joue parfois avec Théo dans sa propre chambre.
« Il m’arrivait aussi de rentrer tard, et de trouver Théo endormi dans son lit »
, raconte Marie.
« Pas la peine de le réveiller, laisse-le dans mon lit »
, rassure Nico. Le papa de Théo s’en agace.
En apparence, tout va pourtant bien. Théo est épanoui. Il adore son nounou. « Quand Nico n’est pas là, il lui manque beaucoup », constate sa maman. Mais Nico s’éloigne un peu. C’est que ses états de service en font désormais un presque nounou de luxe, en tout cas recherché.
Embauché par la famille d’un millionnaire russe
Il lui arrive maintenant de garder ponctuellement les enfants d’une ancienne présentatrice de télévision de premier plan. Surtout, il est très demandé en Suisse romande. Là, une célèbre famille d’éditeurs fait appel à lui, de même que celle d’un acteur ou les descendants d’un grand artiste français. Sur son CV, Nico se vante d’avoir :
« gardé un nourrisson de deux semaines jusqu’à ses quatre mois, cardiaque suite à une opération. »
À partir de l’automne 2021, ce « super nounou » est embauché sur la durée par la famille d’un millionnaire russe, qui possède en France plusieurs pieds à terre. Il voyage entre Saint-Pétersbourg (Russie) et Gstaad (Suisse). Ça ne l’empêche pas de passer parfois voir Théo et les siens, par exemple pendant une semaine de vacances.
Mais à compter du printemps 2023, les nouvelles se font plus rares. Marie s’en inquiète. Nico s’en explique. D’abord, il est moins disponible, car il doit bientôt s’envoler avec les Russes et leur fils pour l’île Moustique, une île privée des Caraïbes prisée des grandes fortunes.
Et puis, il y a autre chose, reconnaît Nico. Selon ses dires, une famille suisse, celle de ce grand artiste dont il garde l’enfant d’une dizaine d’années, lui fait des histoires et une mauvaise réputation. Marie compatit.
« Je me disais que c’étaient des gens aisés qui s’ennuyaient, et qui n’avaient trouvé que ça pour agiter leur quotidien »
, soupire-t-elle. Il n’en est rien. Au printemps 2023, la mère de cette famille appelle Marie. Elle va lui révéler l’impensable.
David (le prénom a été changé) se souvient presque au mot près cette conversation avec Nicolas, incrustée dans sa mémoire. C’était le 30 juin 2023, la veille du départ du nounou sur l’île Moustique avec les Russes.
Le dernier signe de vie de son ami.
David et Nico se sont connus en saison en 2018, lorsqu’ils travaillaient tous les deux dans un snack. Nico cumule alors la restauration avec les gardes d’enfants, quand il n’est pas appelé comme mécanicien sur des circuits privés. David se souvient, par exemple, des essais pour Tesla sur lesquels planchait Nico au circuit du Castellet (Var).
« On a tout de suite eu des affinités, raconte David. Alors que je tisse rarement des liens avec les collègues en saison. »
« C’est son super tonton. Jamais il n’a essayé de rester seul avec elle »
Comme les autres parents, David a entièrement confiance en Nico. Celui-ci lui rend régulièrement visite alors que David a la garde de sa fille de 11 ans.
« Elle l’adore. C’est son super tonton. Jamais il n’a essayé de rester seul avec elle, réfléchit David. Jamais je ne l’ai vu avoir un geste déplacé en direction d’un enfant. Il y a même une fois où il était avec une famille dans un camping naturiste, et il m’avait confié qu’il était gêné par la nudité. »
Nico lui explique aussi être las de soupçons injustifiés qui pèseraient sur lui simplement parce qu’il est un nounou homme. Il raconte qu’il est embarrassé quand les enfants veulent se mettre sur ses épaules, et qu’il doit se restreindre pour maintenir une saine distance avec eux.
« Il était toujours surexcité, très enfantin en fait »
Ça n’empêche pas David de le trouver parfois un peu « immature ».
« Il veut toujours être dans un monde d’enfant, détaille son ami. Il veut être dans un monde de jeu, que son temps passe vite ».
« Il fait très gentil comme ça, mais aussi un peu benêt, décrit l’ex-présentatrice dont Nico a gardé les enfants une dizaine d’heures en 2019. Il était toujours surexcité, très enfantin en fait. C’était un peu le grand copain. »
Nico lui annonce également son départ avec les Russes.
« Il m’a envoyé un SMS, via lequel il me disait qu’il voulait changer de famille, se souvient l’ex-star du petit écran. Il se plaignait d’un manque de bienveillance, et envisageait de démissionner. »
Ce 30 juin 2023, au téléphone avec David, Nico lui raconte plus ou moins la même histoire. Contrairement aux inquiétudes qu’il confiait à Marie, ce n’est pas des Suisses dont il se plaint auprès de son ami, mais des Russes. Nico est inquiet. Il explique à David qu’il y a des conflits entre les employés de maison, et qu’il en subit les conséquences.
« Je ne peux pas te parler librement, confie-t-il à David. Je suis peut-être sur écoute. »
« Je l’ai senti paumé », se remémore ce dernier. C’est la dernière fois qu’il entendra sa voix.
Mort « dans un accident », parti travailler au Mexique…
Les jours passent. Le téléphone de Nico est coupé, ses réseaux sociaux muets. Un à un, ses proches s’en inquiètent. Jusqu’à ce qu’un message posté sur la page Facebook de Nounounico vienne révéler la tragique réalité. Nico est mort, « dans un accident », annonce le message sans plus d’explication. David est effondré. Il tente d’en savoir plus par des messages privés envoyés à ceux qui semblent maintenir actif le « Messenger » de Nico. Sans succès.
Véronique (le prénom a été changé) aussi passe des heures à éplucher Facebook, pense à un piratage, avant de finir par se résoudre à la triste évidence. Pourtant, bien plus tard, elle parviendra à contacter la famille de Nico. On lui répondra cette fois qu’il est vivant, mais qu’il a coupé les ponts avec la France pour aller travailler dans une écurie de rallye au Mexique. Internet ne porte pourtant aucune trace de cette expatriation. Étrange.
David, lui, n’aura même pas droit à cette version fumeuse de l’histoire, obligé de se cantonner à celle d’une mort accidentelle. Des mois durant, il mène l’enquête pour tenter de savoir ce qui a pu se passer. Il fouille le Web en tapant le nom de son ami à intervalles réguliers. Il s’informe sur les accidents d’ULM partout sur la planète. Puis le doute s’installe.
« Je n’arrivais pas à accepter sa mort, souffle-t-il. Et dans un sens, je n’y croyais pas. »
« Il y a un problème »
Quelques semaines avant la disparition de Nicolas, Marie a donc été contactée par la famille suisse pour laquelle il travaillait.
« Il y a un problème »
, la prévient la maman.
Elle lui raconte une scène plus que troublante. Alors que son papa sortait le petit du bain, celui-ci s’étonne :
« Papa, tu fais pas le même jeu du zizi que Nico ? »
Le père prend les choses au sérieux. Il dépose plainte en Suisse. Les jours de liberté de Nico sont comptés.
Alors même qu’on lui a conseillé de couper les ponts, Marie (le prénom a été changé) ne peut se résoudre à envisager le pire, tant elle a confiance en lui. Survient la « disparition » de Nico. Elle traumatise Théo (le prénom a été changé), très attristé de ne plus avoir de nouvelles de son nounou, avec lequel il correspondait régulièrement. C’est la police suisse qui va éclaircir ce mystère.
Le 1er juillet 2023, à 7 heures du matin, Nico a en réalité été interpellé à l’aéroport de Genève, aux côtés des Russes avec lesquels il devait s’envoler.
Des centaines de photos et vidéos de Théo
À la suite de la plainte de la famille suisse, une juge d’instruction du tribunal de Lausanne avait été saisie du dossier.
Constatant que Nico résidait en France, où avaient eu lieu certains faits et où vivaient d’autres victimes potentielles, la juge a saisi les autorités françaises d’une demande d’entraide.
Selon nos informations, elle n’a jamais eu aucun retour.
« C’est problématique, révèle une source proche du dossier. Car entre la première plainte et son arrestation, il a eu le temps de faire une dernière victime… »
En repassant par Genève, sans savoir qu’il fait l’objet d’un mandat d’arrêt, Nico signe sa perte. Il est immédiatement placé en détention provisoire.
Avec ses parents, Théo est convoqué en Suisse. Là encore, devant les enquêteurs, Marie est incrédule. L’un d’eux emmène Théo à l’écart. « Est-ce que vous êtes prête à voir ? » questionne-t-on alors Marie. Son monde s’effondre. Les policiers lui montrent des photos, puis des vidéos. Il y en a des centaines rien que pour ce qui concerne Théo. L’enfant est très loin d’être un cas isolé.
Les policiers suisses vont révéler une quarantaine de victimes, et plonger dans l’innommable.
Jusqu’au bout, Marie (le prénom a été changé) n’a pas voulu y croire. Comment admettre que Nico, ce presque grand frère de Théo (le prénom a été changé) qui vivait avec eux en famille, avait pu se livrer à de tels actes ? Comment envisager que celui auquel ils avaient confié ce qu’ils avaient de plus cher, leur enfant, en abusait sous leur propre toit, peut-être même alors qu’ils étaient à la maison ?
Face à ce déni inconscient qui jouait comme un mécanisme de protection, les policiers suisses n’ont eu d’autre choix que de confronter Marie à la sordide évidence des vidéos mises au jour. Sur l’une des séquences, Marie observe Nico monter dans la chambre de l’enfant. Il se masturbe puis éjacule sur son dos.
Théo s’en rend compte, et interroge son nounou.
« Qu’est-ce que tu fais ? »
« Rien, c’est maman qui m’a dit de te mettre de la pommade pour ton eczéma »
le rassure Nico.
« Il faisait ça la nuit, constate Marie. Je soupçonne fortement qu’il donnait un cachet aux enfants pour qu’ils ne se rendent compte de rien. »
Sur d’autres images, on voit Nico prendre les mains de Théo et d’un autre garçon, et les poser sur son sexe. Là se pose l’une des questions qui torturent désormais les nuits de Marie :
« À combien d’enfants a-t-il fait ça ? »
Car chez elle, comme dans les autres familles, Nounou Nicoco aimantait aussi les copains.
« J’ai honte, lâche Marie. Des familles nous faisaient confiance, et on se retrouve là… »
Une quarantaine d’enfants identifiés
Au fil d’une longue et minutieuse enquête, les policiers suisses ont décortiqué le mode opératoire du prédateur. Sous le châssis de sa 106, ils ont par exemple retrouvé une cache scellée, qui lui permettait de dissimuler les clés USB contenant les preuves en image de ses crimes. Il y en avait des milliers. « C’est un dossier d’une très grande ampleur », confirme une source proche du dossier.
Fichier par fichier, les enquêteurs ont pu identifier des photos et vidéos à caractère pédocriminel sur lesquelles apparaissent une quarantaine d’enfants dont Nico avait la garde. Parmi ceux-là, il en a abusé une dizaine, faits qui lui valent d’être poursuivi pour « viol ou contrainte sexuelle sur mineur. »
L’identité de trois autres bambins, qui apparaissent à l’image, n’a, en revanche, pas pu être déterminée. Certains auraient-ils été violés sans qu’il n’en reste de traces ? Nico le nie, assurant qu’il a filmé ou photographié l’intégralité de ses victimes. Hormis quelques filles qui apparaissent en photo, il ne serait passé à l’acte qu’avec des garçons.
Certaines familles refusent de savoir
Il conteste par ailleurs avoir agi pour le compte d’un potentiel réseau. Il indique n’avoir jamais diffusé ces fichiers, et les avoir conservés pour son usage personnel, tout en réfutant les regarder. Les enquêteurs ont aussi découvert qu’il possédait une collection de poupons dits « newborn ». « Un jouet pour enfant de 3 ans, spécialement conçu pour imiter un bébé tout juste né, vante leur publicité. À la différence des poupées classiques, le poupon newborn présente des détails qui rappellent ceux d’un véritable nourrisson : un visage aux traits délicats, des cheveux sculptés, des plis sur les mains et les pieds, un corps souple à la texture douce. »
Le tabou de la pédocriminalité étant encore vif, certaines familles refusent de savoir. Par exemple, celle de la ville voisine de Marie, pour laquelle Nico travaillait avant de garder Théo. Incapables d’envisager cette réalité, les parents ont refusé de se rendre en Suisse. Quand Marie a voulu leur parler de ce qu’elle savait, la maman a coupé court.
« Ce n’est pas vrai ! Vous inventez ! »
Marie en est désormais persuadée :
« Je crois qu’il a dû se passer des choses chez eux, pointe-t-elle. On m’avait confié que la grand-mère ne s’entendait pas avec lui, mais je me demande aujourd’hui si elle n’avait pas compris… »
Une autre famille, dont l’enfant apparaît pourtant sur les images, n’a rien voulu savoir non plus.
« Il ne s’est rien passé ! a tranché le père. Ça doit rester sous le tapis. »
« Toute la famille en est malade. »
Une première fois, Nico a été changé de prison. Ses codétenus avaient appris le motif de sa détention provisoire. Il avait reçu des menaces de mort. Placé à l’isolement, il encourt initialement dix ans de prison.
Mais en Suisse, la loi permet, en fonction du nombre d’actes et de circonstances aggravantes, d’y ajouter la moitié de cette peine. Au vu de la jurisprudence, Nico pourrait donc être condamné à une peine à deux chiffres. Entendu une dernière fois fin août, il a reconnu les faits, et devrait être jugé dans le courant de l’année prochaine.
Au printemps, nous avions pu rencontrer sa mère, mortifiée par ce dont son fils est accusé.
« Je n’arrive pas à croire qu’il a fait ce qu’il a fait, avait-elle explosé en sanglots. Toute la famille en est malade. »
Aujourd’hui, marquée au fer rouge, elle hésite à déménager.
« J’ai l’impression que tout le monde sait… »
Marie aussi a échangé avec les parents de Nico. Elle voulait comprendre.
« Son père était très méfiant. Il ne voulait pas que les actes de Nico rejaillissent sur sa propre activité professionnelle, relate-t-elle. Mais les premières victimes, ce sont nos enfants et nous. »
Par les enquêteurs, mais aussi via le bouche-à-oreille, beaucoup des parents dont les enfants ont croisé Nico ont été prévenus de ce qui lui était reproché. La plupart ont questionné leurs petits pour savoir ce qu’il en était.
« C’est très violent », décrit la présentatrice de télévision dont il avait ponctuellement gardé les enfants, à laquelle nous avons révélé l’affaire.
« On leur a demandé, l’air de rien, s’ils se souvenaient de ce super baby-sitter qui leur faisait des tours de magie ou les emmenait faire de la motoneige après le ski. On leur a demandé s’ils avaient été embêtés. »
« Pourquoi tu nous dis ça ? », ont répondu les enfants, suspicieux.
« Il se sent trahi. Il lui en veut »
Leur maman veut croire qu’il ne s’est rien passé, d’autant que Nico n’est jamais resté seul avec eux. Marie, elle, n’a bien sûr plus de doute. Son seul réconfort, c’est qu’au moins en apparence, Théo semble un adolescent épanoui.
« On lui a tout raconté, détaille Marie. Il dit qu’il ne s’en rappelle pas. Il ne veut pas en parler. Il se sent trahi. Il lui en veut. »
Souvent, ses copains demandent à Théo : « Il est où ton super nounou ? » Théo botte en touche. Il sait qu’il est en prison. Les enquêteurs suisses ont assuré à Marie que Théo était « bien dans ses baskets. »
« Mais quel sera son avenir ? »
, interroge sa maman.
David (le prénom a été changé) aussi se questionne. Lors de nos échanges, interrogé sur la vie privée de Nico, cet ami proche avait botté en touche. Nico lui avait confié qu’il se voyait père, quand bien même il était célibataire. « En adoptant ? », avait-on demandé. « Non. » « En faisant appel à une mère porteuse à l’étranger ? » Un blanc s’était ensuivi.
Devant des policiers suisses estomaqués, Nico a aussi confié qu’à l’avenir, son rêve était d’être père. Et qu’en l’absence de compagne, le recours à une mère porteuse lui semblait être la meilleure méthode…..
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