Hérault | Comment les narcotrafiquants font “le nid” dans les chambres des mineures

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Pédocriminel En liberté

Le préfet de l’Hérault a été marqué par le phénomène de la prostitution des mineures
Ce mardi 4 mars 2025 le préfet, François-Xavier Lauch, qui a quitté les locaux de l’Amicale du Nid à Montpellier presque assommé parla situation, on peut dire inimaginable, décrite par les responsables : « Je suis profondément marqué, même édifié par ce que ce que j’ai vu sur Internet ».

Dans le bâtiment dont l’adresse est gardée secrète pour des raisons de sécurité et de protection des victimes et des 50 bénévoles, à l’occasion de la quinzième Journée mondiale de lutte contre l’exploitation sexuelle, le préfet, sa déléguée aux Droits des femmes, Laura Samzun, la vice-présidente du Département de l’Hérault, Véronique Calueba, en charge notamment de l’ASE – Aide sociale à l’enfance – ont longuement échangé avec Philippe Andrès, directeur de l’Amicale du Nid, et Claire Grangeaud, responsable du service dédié à la lutte contre la prostitution des mineures, un véritable fléau, « qui s’incruste via les réseaux sociaux et le Net jusque dans les chambres de très jeunes filles, sans que les familles ne le remarquent.

Ces proies qui sont aux portes de la prostitution et d’un engrenage infernal lient des contacts via le Tchat, comme Bounty qui a remplacé le site Coco.

En 2024, la moyenne d’âge des adolescentes touchées était de 15 ans, 28% avaient moins de quinze ans ».

Agressions sexuelles et viols dans les familles

Les chiffres sont inquiétants et alarmants : depuis 2021, dans le département, 320 jeunes de moins de 18 ans ont été identifiés comme ayant été sous l’emprise de proxénètes.

Et l’an dernier, 105 situations d’exploitation sexuelle ont été rapportées et gérées, avec le décès d’une adolescente.

Avec ce constat effrayant : 90% des jeunes victimes, une majorité de filles, mais avec également quelques cas de garçons, ont connu des agressions sexuelles et des viols dans leurs familles de la part d’un beau-père, d’un grand frère, d’un cousin, d’un tonton…

Des statistiques tronquées, car l’omerta qui est de règle est difficile à briser :

« Il y a un chantage à la vidéo intime qui terrorise les victimes : lorsqu’elles veulent se sortir de l’emprise, les proxénètes ou leurs intermédiaires, des adolescentes ou de jeunes majeures, menacent de diffuser des vidéos compromettantes sur les réseaux sociaux et sur des comptes visibles par leurs proches ou leurs camarades de classe. Pour accompagner ces victimes, c’est très long, mais nous avons réussi à en sortir quelques unes de ce système », souligne Claire Grangeaud.

Ces jeunes filles très fragilisées par ce vécu, notamment dans des familles recomposées, sont placées dans des Maisons éducatives à caractère social – MECS – ou dans des foyers de l’enfance avec une sorte de double peine :

« Alors qu’elles sont là pour retrouver une vie apaisée, certaines subissent des enrôlements de la part de celles déjà en lien avec leurs proxénètes, elles deviennent donc des cibles faciles avec un appât de gains importants qu’on leur fait miroiter pour tomber dans le piège », selon un responsable de l’Amicale du Nid, révélant que « le phénomène est massif, notamment dans les collèges et les lycées, sans que, pour l’heure, l’Éducation nationale n’en prenne la mesure.

Or, il y a urgence, notamment pour muscler la prévention dans ces établissements scolaires, où de nombreuses filles et garçons sont concernées par ce phénomène ».

Tous sont tombés d’accord sur une médiatisation qu’il faut mener auprès des parents dans l’ignorance de ces dérives sexuelles de leurs jeunes enfants, pour expliquer les risques : des échanges récurrents sur Snapchat, par exemple, avec des demandes de photos rémunérées, d’abord des pieds, avant que ça s’étende aux parties intimes.

Les stratégies de recrutement sont très élaborées.

« Le hameçonnage vicieux commence comme ça, avec un proxénète qui se cache en réalité derrière le pseudo d’un beau jeune mâle. Les ados ne voient rien venir et les parents encore moins. Nous le savons à travers des témoignages recueillis lorsque des victimes viennent nous voir pour qu’on les aide. Et à celles qui sont aux portes d’un réseau de proxénètes, nous les informons du danger », s’émeut un responsable de l’Amicale du Nid, avec cette étape surréaliste :

« Les proxénètes et les clients attribuent des étoiles de 1 à 5 comme pour le Guide Michelin qui note les restaurants gastronomiques, en fonction des photos plus ou moins suggestives de ces mineures sur les sites, de ce qu’elles font ou pas, de leur tarification, etc ».

80% de la prostitution transite par Internet, 20% par l’espace public et 60% des prostitués de nationalité française sont des mineurs.

Selon Philippe Andrès, directeur de l’Amicale du Nid, « une mineure ou un mineur rapportent jusqu’à 15 000€ par mois. L’année dernière, nous avons accompagné sept victimes pour déposer plainte ».

Des chiffres qui donnent le vertige et la nausée.

Outre ces plaintes, grâce à une fiche alerte à l’attention des éducatrices et des éducateurs qui manquent de formation semble t-il, des signalements sont transmis aux enquêteurs du Service local de police judiciaire – Slpj – ou au Service interdépartemental de police judiciaire – Sipj – en charge des mineurs, qui sont dans le même groupe que leurs collègues de lutte contre les narcotrafiquants et des investigations, souvent longues sont diligentées.

Au parquet de Montpellier, deux magistrats, notamment affectés à la section des mineurs, gèrent les procédures et coordonnent les enquêtes, quelquefois menées avec les Offices centraux spécialisés basés à Paris et ayant des compétences en province, avec l’objectif de démanteler les réseaux

Des « lieux indoor » identifiés ?

Sur le plan local, selon l’Amicale du Nid, des « lieux indoor » propices à la prostitution des mineurs auraient été identifiés, notamment à Montpellier et alentour : deux discothèques, des bars à chicha où 99% des clients sont des hommes, des hôtels notamment ceux qui n’ont pas de gardien à l’accueil, des Airbnb et des filières d’escorts girls.

Le préfet de l’Hérault ne regrette pas le choix indiqué par sa déléguée aux Droits des femmes, l’invitant à faire cette plongée dans cet univers de la prostitution et ce basculement dans le narcotrafic, avec comme pour la lutte contre les dealers, une action vers les clients addicts à la consommation de ces jeunes filles.

Il a récemment lancé la première opération de tests salivaires visant les consommateurs des drogues faisant la queue devant les points de deal du lotissement des Marels, au Millénaire. D’autres vont suivre

Une nouvelle priorité pour le préfet

« Cette séquence à l’Amicale du Nid m’a marqué, je retiens l’idée de mettre en place une campagne de sensibilisation en direction des clients ».

Une nouvelle priorité dans la feuille de route de 2025 de François-Xavier Lauch.

L’État est un des principaux financeurs de l’Amicale du Nid : 90 000€ ont été attribués sur trois ans pour poursuivre les actions concrètes et les projets de 2024, 2025 et 2026.

Les responsables, les éducateurs et les bénévoles sont ravis de ce coup de fouet donné à l’occasion de cette Journée mondiale de lutte contre l’exploitation sexuelle à ce phénomène d’ampleur de la prostitution des mineurs dans l’Hérault.

 

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